Cyanure : La grande faucheuse se promène au Sénégal

lundi 23 décembre 2019 • 18831 lectures • 1 commentaires

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Cyanure : La grande faucheuse se promène au Sénégal

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iGFM-(Dakar) Du Nigéria au Mali, en passant par la Guinée Bissau, le Togo et le Burkina Faso… pour finalement s’installer au Sénégal, à Kédougou. Dans ces vastes Dioura (sites d’orpaillage) qui s’étendent à perte de vue, nous sommes face à un vrai melting pot. Ici, on y parle principalement du Pulaar et du Mooré. Ces gens, établis là depuis des années, partagent la même passion de la recherche effrénée de l’or. Et pour y parvenir, tous les moyens sont bons.

Dans cette enquête réalisée par iGFM, nous allons nous intéresser au Cyanure. La raison est toute simple. Une quantité insoupçonnée de ce poison traverse frauduleusement nos frontières, pour atterrir dans les sites d’orpaillages artisanaux. Le Cyanure est un produit extrêmement toxique, qui a des conséquences désastreuses et irréversibles sur la santé humaine et sur l’environnement, et son utilisation au Sénégal suscite des questionnements et des inquiétudes. Au cours de nos recherches,nous avons également découvert qu’aucune des entreprises minières au Sénégal, dont la plus connue  importe en moyenne 1200 tonnes de ce produit nuisible, n’est certifiée par le code international de gestion du Cyanure.

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Les chiffres donnés par nos sources de la quantité de cyanure saisie sur les sites d’orpaillages artisanaux donnent le tournis. Des tonnes de ce produit, considéré comme une menace pour notre existence, sont régulièrement saisies dans les sites d’orpaillage de la région de Kédougou. Une situation préoccupante, qui inquiète au plus haut niveau les autorités administratives et judiciaires de cette localité. D’où provient ce produit ? Comment l’empêcher d’entrer au Sénégal pour éviter des catastrophes ? Énigme que le procureur, le chef de service de la région de Kédougou, et les forces de sécurité et de défense sont loin d’avoir résolu.

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Trafic intense du cyanure à la frontière Sénégal-Mali


Le Sénégal, bien que jusque-là épargné par des catastrophes liées au cyanure,a vraiment du souci à se faire au regard de nos frontières poreuses. Face à la menace que représente ce produit, et la quantité incommensurable qui passe par des pistes qui échappent au contrôle des forces de défense et de sécurité, pour atterrir illégalement entre les mains des orpailleurs de la région de Kédougou, il faut reconnaître que le danger devient tout à fait palpable dans cette localité.


A Tenkoto, Kharakhéna, ou encore Mossala, le redoutable poison est bien présent dans tous les sites d’orpaillage et en quantité colossale. Malgré les mesures de répression draconiennes, et les dispositifs impressionnants mis en branle par les autorités et les forces de défense et de sécurité, l’utilisation du cyanure dans les sites d’orpaillages prend des proportions inquiétantes. Pour comprendre comment le cyanure atterrit illégalement entre les mains des orpailleurs qui l’utilisent pour l’exploitation de l’or, il faut se rendre à Mossala, un village non loti situé à la frontière entre le Sénégal et le Mali.


Avons –nous besoin de vous rappeler que le cyanure a été tristement rendu célèbre par le drame de Tianjin ? Car en effet, dans la nuit de mercredi 12 août 2015, deux terribles explosions ont secoué la zone industrielle du port de la ville de Tianjin, en Chine. Des explosions si violentes qu’elles ont été repérées par des sismographes et des satellites. On dénombre plus d’une centaine de morts (114) et plus de 700 blessés.


Il y a également eu un accident minier consistant en le déversement de cyanure dans le bassin hydrographique du Someș et de la Tisza, à la suite de la rupture d’un barrage qui contenait des eaux contaminées. Un accident qualifié de pire désastre écologique en Europe de l’Est depuis Tchernobyl.


Le cyanure provient du Burkina Faso


«Ils ne parleront pas. Ils sont très méfiants et n’accordent aucune confiance aux étrangers (allusion faite au gens qui n’habitent pas le village). Il ne faut pas poser de questions, encore moins espérer prendre des images. Je vais vous présenter comme un étudiant qui fait des recherches pédagogiques sur l’orpaillage et la manière dont l’or est extrait du sol,» avait fini de nous prévenir notre source, originaire du village, avant de finalement accepter de nous aider à accéder au site d’orpaillage sans trop attirer des soupçons.


Notre interlocuteur, également orpailleur d’origine burkinabè, fort d’une expérience de 8 ans dans le domaine et grand utilisateur du cyanure, affirme que le produit provient de son pays, et qu’il est transporté de manière illégale par des commerçants de marchandises qui passent par le Mali avant d’entrer au Sénégal.  Il confie aussi que les orpailleurs, en tout cas, ceux qui utilisent le cyanure, sont parfois obligés de se cotiser pour acheter le baril de cyanure qui coute excessivement cher.


Il nous révèle également que les orpailleurs ont trouvé des stratégies que les gendarmes sont loin d’imaginer : «Certains vont même jusqu’à creusé des trous dans les cases et même sous les lits dans lesquels, ils dorment,» nous jure-t-il dans un fou rire.


Ces affirmations sur l’origine illicite du cyanure sont confirmées par le chef de service de la Direction de l’Environnement et parle Procureur de Kédougou. Selon eux, d’importantes saisies de cyanure sont effectuées très souvent sur les sites d’orpaillage. D’ailleurs, le premier nommé affirme qu’un saisi record de près d’une tonne de Cyanure a été effectué en 2014 dans les sites d’orpaillages endroit.


Nos sources rencontrées à Massala confient que cette localité est le point d’entrée stratégique du cyanure qui provient du Burkina, après avoir traversé le Mali. Il est, la plupart du temps, transporté par les camions qui transportent des marchandises.


Dans un entretien, le chef de service de la Direction Régionale de l’Environnement à Kédougou, Pathé Diéye, a révélé qu’en 2014, près d’une tonne de cyanure a été saisie par les autorités dans les sites d’orpaillage. Il a également déclaré qu’une solution d’urgence est impérative pour éviter des catastrophes causées par cyanure.


Ignorant l’étendue du danger qui les guette, les orpailleurs d’ici construisent deux bassins rectangulaires, séparés par une petite fosse et reliés par des tuyaux. Dans les bassins, les orpailleurs mélangent le minerais avec du cyanure et de l’eau. Cela provoque une réaction chimique qui dissout l’or contenu dans les gravats sortis des mines.


Le procureur de Kédougou en guerre contre le trafic de cyanure


Selon des informations obtenues auprès du tribunal de Grande instance de Kédougou, près de 100 affaires relatives aux infractions aux codes miniers et de l’environnement, ont été jugées en audiences publiques ordinaires entre 2018 et 2019, par le tribunal de grande instance de Kédougou. Exploitation illégale de substances minières, mise en danger de la vie d’autrui, détention et utilisation de produits nocifs, importation de produits nocifs et exploitation illicite de substances minières et homicide involontaire, importation et détention de produits dangereux ; le procureur de Kédougou a déjà fait le tour de toutes les accusations.Il a engagé une lutte sans merci contre le phénomène.


Un  plan d’action de répression des infractions de nature à porter atteinte à la santé publique et à l’environnement, surtout avec l’utilisation des produits dangereux et nocifs, est déroulé par le ministère public. Il a permis la saisie d’importantes quantités de cyanure, effectuée régulièrement dans les sites d’orpaillages.Les utilisateurs sans autorisations sont condamnés à des peines allant de 2 à 6 mois de prison. Le Procureur reconnait cependant que les sanctions contre les infractions dans ce sens ne sont pas très dissuasives.


Par ailleurs, s’agissant de l’exploitation du Cyanure en grandes quantités, le Procureur de Kédougou a instruit des services compétents à mener des investigations sur les conditions d’utilisation du produit toxique et le respect des mesures de sécurité exigées.


Des risques avec les grandes industries aurifères ? 


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En dehors du trafic illicite de cyanure constaté et vérifié au Sénégal, il y’a un autre problème lié à ce produit chimique, qu’il faut prendre très au sérieux.  En cas d’accident, au contact de l’eau, le cyanure de sodium produit de l’acide cyanhydrique, un gaz très inflammable qui provoque la mort par asphyxie, comme cela s’est produit en Chine (août 2015). Déversé dans l’environnement, le cyanure provoque immédiatement l’asphyxie de tout organisme vivant et un violent déséquilibre des écosystèmes.


Plus de 30 accidents majeurs associés à des déversements de cyanure se sont ainsi produits, de par le monde, ces 25 dernières années.  Tous les aspects du système de transport et de distribution du cyanure, qui achemine le cyanure de son point de fabrication à l’exploitation d’extraction de l’or, sont sujets à ce Protocole imposé par l’institut international de Gestion du cyanure. Transporter le cyanure exige des mesures de façon à minimiser les risques d’accidents.


Sélectionner des routes pour transporter le cyanure de façon à minimiser les risques d’accidents et de rejets, s’assurer que le personnel chargé de la manutention et des équipements de transport du cyanure peut faire son travail tout en minimisant les risques pour les communautés et l’environnement. Développer et mettre en œuvre un programme de sécurité pour le transport du cyanure, sont entre autres mesures imposées par ledit code.


Sur la base de ces dispositions, des inquiétudes et un problème de sécurité se posent dans la mesure où, le cyanure importé en très grande quantité par les industries minières au Sénégal, est débarqué au port autonome de Dakar avant d’être acheminé vers les usines d’exploitation situé à l’extrême Est du pays, Kédougou. Le poison mortel est transporté par des camions, sur une distance de 739 km. Des villes à fortes densités sont traversées, sans parler du Parc de Niokoloko qui constitue un refuge pour pas moins de 400 espèces animales.


En creusant un peu plus, on a appris de source digne de foi, que la CSTT AO, seule entreprise de transports de cyanure certifiée par le code international de Gestion du cyanure, a enregistré en 2017 un accident lors d’un convoi de cette substance.


Il faudrait préciser que les seuls contrôles subis par ces entreprises sont initiés par les services de la Direction régionale de l’environnement de Kédougou.


En 2017, un camion transportant du Cyanure se renverse à Kédougou


Faisant suite aux informations reçues le 17 février 2017 du Commissaire de la police de l’air et des frontières de Kédougou, le chef de service régional de l’Environnement et des Etablissements Classés de Kédougou  s’est déplacé  sur le site, situé à 9 kilomètres du village de Massala le même jour à 13h. Sur place, il a constaté le renversement  sur la route d’un camion transportant  43 tonnes de cyanure dans deux conteneurs  différents, un de 20 tonnes  et un autre de 23 tonnes.


L’entreprise  mise en  cause est Bolloré SDV, et le produit transporté est du cyanure de sodium. Revenant sur les causes exactes de l’accident, le chauffeur  a déclaré  «qu’il voulait éviter  un autre camion malien en abordant le virage, mais que le poids  des conteneurs  a déséquilibré le camion qui s’est renversé. » Le chauffeur a eu de légères blessures et a été évacué à Dakar. Aucune autre victime n’est à déplorer.


Par contre, une émanation de cyanure dans l’air, qui pourrait être causée par des fuites au niveau du conteneur, a été notée. Compte tenu de la dangerosité de ce produit, des dispositions  ont été prises pour régler rapidement ce problème.


Au Sénégal, aucune industrie minière n’adhère au code international de gestion du cyanure


Notre pays devrait avoir des inquiétudes par rapport à la quantité insoupçonnée de cyanure importé par les industries minières, qui l’utilise pour l’exploitation de l’or. Il devrait également veiller au respect des mesures de sécurité élaborées par le code International du cyanure, sous l’égide du programme des Nations Unies pour l’environnement.


Comment le cyanure, dangereux à tous les stades de son utilisation (transport, stockage et exploitation), est-il géré  par les industries minières ? Mesurent-elles le risque pour les populations ? L’environnement ?


Le Directeur Général de Téranga Gold Corporation, l’une des plus grandes entreprises aurifères  au Sénégal et l’une des plus réputées de la sous-région d’ailleurs, affirme que les conditions d’utilisation du cyanure et les mesures de sécurités sont prises très au sérieux. Mais, il reconnait également que sa société n’est pas certifiée par l’institut international de gestion du Cyanure.


En d’autres termes, la Société au même titre que toutes les industries qui exercent dans le secteur ne se sont pas engagées auprès de l’institut international de gestion du cyanure pour respecter les principes et normes du code international du Cyanure élaborés sous l’égide du Programme des Nations Unies pour l’Environnement, mais aussi pour à se soumettre à une vérification de ses activités par des auditeurs indépendants.


Birame NDOUR 

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Birame Ndour

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