Gadaye, la plage de la mort

mercredi 1 août 2018 • 869 lectures • 1 commentaires

Actualité 5 ans Taille

Gadaye, la plage de la mort

PUBLICITÉ

iGFM -En l’espace de 48 heures, Gadaye a payé un lourd tribut sur les noyades enregistrées à Dakar. Six enfants sont morts. Ce drame a plongé les baigneurs de Gadaye dans un profond désarroi. Reportage

La mer est en furie. Ses vagues échouent avec fracas sur la berge. A Gadaye, le soleil est encore haut. Au loin, une voix de muezzin appelle à la prière de Dohr (Tisbar). De près, la plage est déserte. Seules les tonnes de sables massées silencieuses sur les lieux semblent tenir tête aux bruits sourds et intimidants des vagues. C’est sur cette plage de Gadaye que six corps sans vie ont été sortis de l’eau. Les Sapeurs-pompiers, toutes sirènes hurlantes, sont venus les ramasser un à un dans l’émoi et la consternation générale.

PUBLICITÉ


Alors au lendemain de ce drame difficile à effacer des esprits, la plage de Gadaye compte ses habitués sur les doigts. Seuls quelques téméraires ont osé venir défier l’immense bleu. La mort rôde encore. Gadaye et ses vagues violentes, sourdes aux pleurs des accompagnants, en veut encore et encore. En cette période estivale, elle veut avaler des vies. Jeunes de préférence. A la fleur de l’âge qui fleurit bon des lendemains qui chantent.

PUBLICITÉ


La plage de Gadaye a avalé goulument six vies innocentes dont le plus âgé avait à peine 23 ans. De Cambérène à Malika, les chiffres des sapeurs-pompiers font froids dans le dos. On l’entend, on frémit. 10 enfants sont morts et des familles entières endeuillées.


Ce jour-là, dans cette chaleur d’étuve qui secoue Dakar et sa  banlieue. Mamadou Samb, un jeune homme de 21 ans, a trouvé la parade : la plage. On le retrouve sur le sable fin vêtu d’un tee-shirt vert et d’une culotte de sport bleu. Il a le regard des personnes marquées par un événement qui a dû secouer sa carapace d’apparence solide. «Cela fait mal de voir des jeunes de notre âge, parfois même moins âgés que nous, emportés à jamais par les eaux. C’est difficile à supporter, nous avons tous été marqués par ce drame», soupire-t-il au micro de Igfm.


Sur son visage ne pointe aucune once de joie, mais de la peine même dans ses cernes, dans ses yeux éteints par l’indicible horreur où à côté de là où il est assis des corps gisaient inerte sans vie. Ici, tous les occasionnels baigneurs sont marqués, personne ne fait semblant de cacher son désarroi, sa peine. Personne ne trouve du plaisir à en parler.

">

«Cette plage n’a jamais eu de maîtres-nageurs »


Ablaye Sow sort de l’eau, après s’être baigné un bon moment, il enfile fissa un maillot des Lions du Foot et se prosterne en la mémoire de ces six jeunes morts en l’espace de 48 heures à Gadaye. Il dit : «Nous nous inclinons devant la mort de ces enfants disparus en l’espace de deux jours dans cette plage. Mais il faut dire que cette plage est interdite à la baignade. C’est dommage que ce sont des enfants qui perdent la vie dans cette plage et si on regarde de plus près, la plupart n’habite pas la zone, ils sont originaires de (Nietty Mbar, Yeumbeul…»


De la consternation visible sur les visages défaits de ce petit groupe de baigneurs,  aux accélérations des véhicules sur cette route lisse du prolongement de la Vdn, la mer reste sourde à la tristesse. Les vagues continuent de déferler insensibles à la détresse qui règne sur les lieux.


Interdite à la baignade, la plage de Gadaye n’a ni panneau qui attire l’attention sur le danger qui peut guetter les jeunes, ni maîtres-nageurs capables de plonger à temps pour éviter l’irréparable. Souvent, dans la foule de baigneurs habités d’un réflexe de survie, personne ne s’aventure pour tenter l’exploit de sauver des vies. «Ceux qui se noient, les gens les regardent impuissants. Personne ne se risque à les sauver», prévient-on. Mais c’est surtout l’absence de baigneurs qui inquiète le plus et cela, les jeunes de Guédiawaye le vivent comme une injustice par rapport aux autres plages de Dakar.


Khadim Diaw, un jeune d’allure sportive, habillé d’un maillot blanc, la tignasse abondante se fait le porte-parole des jeunes de Guédiawaye Wakhinane. «Nous n’avons que cette plage pour nous divertir et changer d’air. Les gens de Ngor ont la plage de Ngor, ceux de Yoff ont la plage de Bceao, mais nous nous n’avons que cette plage. Ce sont les autorités qui doivent nous aider en mettant à notre disposition des maîtres-nageurs. Parce qu’en 2002, il y avait eu 13 morts par noyade, mais on y avait fait des tableaux interdits à la baignade, mais dans ces tableaux on n’y lit plus rien. Il n'y a jamais eu de maîtres-nageurs.» Tous ici plaident pour que des maîtres-nageurs puissent être là afin de dissuader les enfants surtout à bas âge.


Dans cette liste macabre de victimes de la furie des eaux, il y a un enfant de 7 ans. Abou Sow, dénué de tout fatalisme, accuse les parents d’être irresponsables. Il porte un maillot usé de la légendaire équipe du Milan Ac, mais n’a pas sa langue dans sa poche. Il claque ses vérités sans répit. «La mer n’invite personne. Ce sont les enfants qui viennent en mer. Les parents doivent être plus regardants avec leurs enfants. Il faut en finir avec cette fatalité béate qui consiste à dire tel était le destin de ce gosse, il devait trouver la mort à la plage. Je n’y crois pas. Il faut que les parents jouent leur rôle en surveillant leurs enfants», fulmine-t-il, très en colère.

">

A la Brigade des Sapeurs-Pompiers de Guédiawaye, en l’absence du commandant, c’est un jeune d’allure vive, le chef de garde, le sergent-chef Oumar Sèye Camara, qui confirme les chiffres déjà avancés de 6 morts à Gadaye en 48 heures. Même s’il n’a pas voulu communiquer sur l’identité des victimes. «Je ne peux pas vous les donner», refuse-t-il ferme. Hier dans la matinée et en début d’après-midi, des autorités administratives, accompagnées du maire Racine Talla, de l’honorable députée Anna Gomis sont allés présenter leurs condoléances aux familles éplorées par ce drame de la plage de Gadaye.


Les vagues continuent de déferler sur le rivage. Elles sont bruissantes et briseuses de destins comme pour rappeler que la plage de Gadaye n’a jamais été aussi mortelle. Ouais elle peut désormais porter le nom funèbre de plage de la mort.

">

Mor Talla Gaye et Cheikh Sarr (Images)



')}

Cet article a été ouvert 869 fois.

Publié par

Daouda Mine

editor

1 Commentaires

Je m'appelle

Téléchargez notre application sur iOS et Android

Contactez-nous !

Daouda Mine

Directeur de publication

Service commercial