08 mars 2018-Soukeyna Diagne, 68 ans, lépreuse : «Mon quotidien avec la lèpre»
jeudi 8 mars 2018 • 309 lectures • 1 commentaires
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«Un jour, j’ai constaté que mon pied droit était enflé et que je ne parvenais plus à marcher. C’était à l’approche de l’hivernage. Quand je m’en suis ouverte aux membres de ma famille, les supputations allaient bon train. Certains disaient que j’étais victimes d’un mauvais sort, là où d’autres avançaient la thèse d’un mauvais œil. Au début, je m’attardais sur ces dires, mais quand j’ai commencé à avoir des dermatoses, ils ont fondu comme beurre au soleil. Un de mes frères m’a suggérée d’aller me faire consulter, me donnant l’engagement qu’il allait prendre en charge tous les frais médicaux. Suivant ses recommandations, je me suis rendue à Dakar pour me faire consulter par un médecin. Et c’est là que le verdict du corps médical est tombé comme un couperet : j’étais atteinte de lèpre. Sur le coup, le sol a semblé se dérober sous mes pieds. Mais, les médecins m’ont rassurée que la maladie pouvait être traitée et je m’en suis remise à Dieu. Au bout d’une quinzaine de jours, me sentant mieux, j’ai décidé de retourner chez moi, à Keur gou mak (Diourbel).
Ce léger mieux n’était qu’un mirage. Une fois chez moi, les difficultés sont survenues. Je me déplace difficilement et mon pied droit est paralysé. Je ne parviens même plus à faire le petit commerce que j’exerçais avant la maladie. Je ne sais pas comment j’ai chopé cette maladie que les médecins disent contagieuse. Tout ce que je sais, c’est qu’elle est survenue juste après ma ménopause. Je vivais avec mes deux filles, mais elles n’en sont pas atteintes. D’ailleurs, aujourd’hui, elles sont toutes les deux mariées. Je suis inactive et désœuvrée. Avant, c’est mon mari qui m’assistait en tout, mais depuis son décès, je vis un véritable calvaire (…) Je suis retournée une seconde fois à Dakar où j’ai été hospitalisée pendant 4 mois et 15 jours, mais j’ai dû rentrer de nouveau sur Diourbel, parce que les déplacements devenaient de plus en plus pénibles. Aujourd’hui, je n’effectue plus de déplacement, sauf en cas de force majeur. Même quand il m’arrive de vouloir me déplacer et que je souhaite emprunter une charrette, les conducteurs refusent de me convoyer, car cela constitue un danger pour ma vie. Parce que, faute de pouvoir m’asseoir, je suis obligée de rester accroupie tout le long du trajet (…).
Aussi, le médecin avait oublié de m’interdire de manger des aliments salés durant tout le traitement. Raison pour laquelle, j’ai fini par prendre du poids et devenir obèse. Cela a davantage compliqué mon état de santé. Par la suite, il m’a strictement interdit de manger salé et pimenté. Depuis, mon état de santé s’est amélioré. Mais mon pied droit reste toujours paralysé et je ne ressens rien à ce niveau. Je ne peux même pas porter de chaussure. Et quand je me blesse, la plaie peut s’infecter sans que je ne m’en rende compte, car je n’ai plus aucune sensibilité à ce pied. Ce qui complique encore plus la chose, c’est qu’actuellement, nous avons une difficulté de prise en charge de la maladie, à Diourbel, parce que l’infirmier qui s’occupait de cette pathologie a été affecté à Dakar. Le seul disponible dans la région se trouve à Touba et le déplacement reste toujours difficile.»
Auteur : L'Observateur
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Daouda Mine
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