Sénégal : Le piège de la transparence économique ou comment Moody's sanctionne la vérité
dimanche 6 octobre 2024 • 653 lectures • 0 commentaires
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iGFM - (Dakar) Ce vendredi (4 octobre 2024), l'agence de notation Moody's a abaissé la note à long terme du Sénégal, passant de Ba3 à B1.
Cette dégradation s'explique principalement par une situation fiscale plus fragile que prévu, avec un déficit budgétaire en 2023 supérieur à 10%, contrairement aux 5% rapportés par l'administration précédente. L'audit, commandé par le président nouvellement élu Bassirou Diomaye Faye, a révélé des faiblesses structurelles qui ont forcé le Sénégal à réévaluer sa position dans les discussions avec le Fonds monétaire international (FMI).
Moody's a également mis sous surveillance la note à long terme de notre pays, laissant entendre qu'un nouvel abaissement est possible si des mesures correctives ne sont pas rapidement mises en œuvre. Cette situation soulève une question cruciale : la transparence financière, bien qu'essentielle, est-elle toujours la meilleure stratégie à court terme pour un pays confronté à une conjoncture économique difficile ?
Les dangers d'une transparence brutale : Un coup auto-infligé ?
En révélant une situation budgétaire plus alarmante que celle rapportée par l'administration précédente, le nouveau gouvernement semble avoir donné des arguments aux investisseurs et créanciers pour revoir à la hausse les coûts d’emprunt du pays. Cette démarche, bien que vertueuse sur le plan de l'intégrité, pourrait à court terme affaiblir le Sénégal dans ses négociations financières et accroître la pression sur son économie déjà fragile.
Tous les pays, à divers degrés, manipulent les chiffres économiques pour projeter une image de stabilité et de solvabilité. Ce n’est pas nécessairement une fraude, mais une forme de stratégie politique et financière. Les grandes puissances économiques, y compris des nations comme les États-Unis et la Chine, ont recours à des ajustements statistiques pour minimiser les chocs financiers ou garder le contrôle de leur dette.
Le risque ici est que, en dépeignant la situation sous un jour aussi sombre, Ousmane Sonko et son ministre des Finances ont peut-être offert aux créanciers internationaux et aux agences de notation des raisons de douter de la capacité du Sénégal à honorer ses engagements. En d’autres termes, ils ont potentiellement donné à un commerçant (les prêteurs) l’argument parfait pour augmenter ses prix (les taux d’intérêt). Une telle transparence, bien que moralement irréprochable, pourrait entraîner des conséquences économiques négatives immédiates.
Les avantages potentiels d’une transparence accrue : Un pari sur le long terme ?
Cependant, cette transparence pourrait aussi se révéler être une stratégie gagnante à long terme. En exposant la véritable étendue des défis budgétaires de notre pays, le gouvernement pourrait être en train de poser les bases d'une relation plus honnête et transparente avec les partenaires internationaux, notamment le FMI ou la Banque mondiale. De nombreux pays ont adopté des politiques similaires avec succès. Par exemple, après la crise financière de 2008, l'Islande a choisi d’être totalement transparente sur l'ampleur de ses dettes et de sa fragilité économique. Bien que la transparence ait d'abord effrayé les investisseurs, elle a permis à l’Islande de regagner la confiance internationale à long terme, aboutissant à une croissance solide après quelques années de réformes douloureuses.
Le Sénégal pourrait suivre une voie similaire, où une gestion transparente à court terme, bien que douloureuse, pourrait stabiliser l'économie à long terme et attirer de nouveaux investisseurs. Cela permettrait de restaurer la confiance des partenaires internationaux qui privilégient de plus en plus des gouvernements responsables et engagés à assainir leurs finances publiques.
Les options pour sortir de l’impasse : Entre ajustements et relance économique
Face à cette situation, plusieurs solutions peuvent être envisagées. Tout d'abord, le gouvernement pourrait négocier un accord avec le FMI, basé sur des objectifs réalistes d'assainissement budgétaire progressif, sans étouffer la croissance économique. Une approche concertée avec des mesures d'austérité modérées, combinées à des réformes structurelles dans des secteurs clés comme l'agriculture, les infrastructures et l'énergie, pourrait relancer l'économie sans aggraver la pauvreté ni alimenter les tensions sociales.
De plus, pour regagner la confiance des marchés financiers, le Sénégal pourrait aussi explorer des partenariats avec des institutions de développement régionales, comme la Banque africaine de développement (BAD), qui offrent des alternatives de financement à des conditions plus souples. Cela réduirait la dépendance excessive envers le FMI et les créanciers internationaux.
Enfin, pour encourager une croissance soutenue, le gouvernement devrait investir dans des secteurs prometteurs, tels que l’agro-industrie, les énergies renouvelables ou l'économie numérique, qui offrent des opportunités à forte valeur ajoutée pour le pays. Dans ce contexte, il est crucial de se demander quelles pourraient être les motivations sous-jacentes de cette transparence radicale.
Préparation d’un argument politique ?
Dans ce contexte, il est crucial de se demander quelles pourraient être les motivations sous-jacentes de cette transparence radicale. En révélant l’ampleur du déficit budgétaire, le Premier ministre prépare peut-être son argumentaire : il pourrait, dans les prochains mois, justifier d’éventuels échecs économiques en pointant du doigt l’administration précédente, responsable de la situation. Ce discours a été utilisé dans d’autres pays pour dédouaner de nouvelles administrations de leurs responsabilités immédiates. En 2015, lorsque Muhammadu Buhari a pris le pouvoir au Nigeria, il a utilisé la rhétorique d'une "héritage économique toxique" pour justifier les difficultés rencontrées au cours de son mandat. Cela pourrait bien être la stratégie du gouvernement de Ousmane Sonko : assainir les finances publiques tout en se dédouanant des conséquences immédiates des révélations faites à la population et aux investisseurs.
Quoi qu’il en soit, la note de Moody's vient de faire un plongeon, et avec elle, nos espoirs de développement se transforment en mirages lointains ! Il faut dire que cette nouvelle n'est pas qu'un simple coup de tonnerre dans un ciel serein. Non, c'est plutôt un ouragan qui s'abat sur notre économie déjà chancelante. Alors, qui a besoin de se soucier de la transparence financière quand, avec une note en baisse, chaque emprunt va désormais nous coûter un bras et une jambe ?
Imaginez le tableau : des taux d'intérêt qui s'envolent, des projets de développement qui deviennent aussi inaccessibles qu'un château dans les nuages, et une dette qui se met à danser la salsa sur nos budgets. Ironiquement, ce qu'on aurait dû considérer comme un nouveau départ pourrait se transformer en une farce tragique, où chaque pas en avant s'accompagne d'un recul vertigineux. Si ce n'est pas un chef-d'œuvre de l'absurde, alors qu'est-ce que c'est ? Avec une telle situation, notre développement devient un luxe dont seuls les plus chanceux pourront bénéficier, tandis que le reste d'entre nous regarde le train du progrès s'éloigner, une tasse de café Touba à la main, se demandant si un jour, nous pourrons vraiment monter à bord.
Morale de l'histoire
La quête de transparence économique, bien que vertueuse en apparence, peut parfois se retourner contre un pays, surtout lorsqu'elle expose des failles que les marchés financiers ne pardonnent pas. Ce qu'Ousmane Sonko et son gouvernement ont présenté comme un acte de vérité et de responsabilité a donné à des acteurs comme Moody's les munitions pour sanctionner le Sénégal, aggravant ainsi une situation déjà délicate. La sincérité, dans ce contexte, n’a pas été récompensée. Au contraire, elle a servi d'argument pour fragiliser encore plus la position du pays sur les marchés internationaux. Cela nous rappelle que la gestion économique n'est pas seulement une question de chiffres, mais aussi de stratégie et de communication. Toute vérité n'est pas toujours bonne à dire, surtout quand elle peut être mal interprétée ou exploitée par des instances extérieures. Une gestion prudente des informations est donc cruciale pour préserver la confiance des marchés.
Le véritable défi pour le Sénégal sera maintenant de prouver que cette transparence peut être le point de départ d’une gestion plus rigoureuse et efficace, et non l’excuse pour justifier des difficultés futures. La communication, dans un contexte de crise, devient un outil stratégique aussi important que les réformes elles-mêmes. Il sera essentiel pour le gouvernement de maîtriser cet art afin de rassurer les partenaires internationaux, tout en menant les réformes nécessaires pour redresser l'économie du pays.
Cet article fait partie des Chroniques citoyennes d'Adama Diop, un espace de réflexion dédié à l’analyse des défis et des espoirs du Sénégal. En tant que citoyen engagé, j’invite mes lecteurs à un dialogue constructif sur l’avenir de notre pays, tout en proposant des pistes concrètes pour un Sénégal plus fort et plus équitable.
Adama DIOP
Natif du village d'Agnam-Goly résidant au Canada
Un article des Chroniques citoyennes d’Adama Diop, natif du village d'Agnam-Goly résidant au Canada
Publié par
Harouna Fall
editor
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