Affaire Prodac : L'entretien-explication de Daniel Pinhassi 

jeudi 14 juin 2018 • 2911 lectures • 3 commentaires

Actualité 5 ans Taille

Affaire Prodac : L'entretien-explication de Daniel Pinhassi 

PUBLICITÉ

IGFM-Green 2000 qui a en charge l’exécution d’un marché de 25 milliards de FCfa pour la mise en place de 4 cœurs de Domaines agricoles communautaires (Dac), sort de son silence. Son coordonnateur au Sénégal, Daniel Pinhassi, se confie à la suite de la publication du rapport de l’Inspection générale des finances (Igf). Sans porter de gants, il met le feu sur l’enquête.

  Green s’est révélé au grand public à la suite du rapport de l’Inspection générale des finances (Igf) sur la gestion des Domaines agricoles communautaires (Dac). Comment êtes-vous entré dans ce marché en cause ?

PUBLICITÉ


Nous avons signé un contrat avec le Programme des domaines agricoles communautaires (Prodac) en septembre 2015, après deux ans de négociations. Le Prodac a développé un concept qui s’appelle Dac, un programme qui permet aux producteurs de faire une agriculture moderne. Green 2000 a mis en place Agriculture services and training center qui a été présenté ici à l’occasion d’une réunion avec le ministère de la Jeunesse, du Directeur du Prodac d’alors, M. Senghor. C’était clair que c’est le type de modèle qu’ils cherchaient. C’est très facile de faire l’installation de technologie, de faire des formations, mais il y a peu de programmes qui restent à la fin. Chez nous, il y a une ferme agricole commerciale qui finance l’opération. Et après que le gouvernement a fait les investissements qui sont très lourds, le projet est complètement autonome. Après les négociations avec le programme et la signature de l’accord, l’ordre de service a été initié en mars 2016. Avant de signer notre accord technique, Prodac avait signé un accord de financement avec la société Locafrique. Je n’ai pas compris les premiers problèmes avec un retard de trois mois sur le premier virement constitué de l’avance de démarrage qui représente 20% du montant de 25 milliards de FCfa. D’ailleurs, il n’était pas complet.

PUBLICITÉ


Mais, avant de démarrer, Green devait cautionner une garantie égale au montant du marché, ce qui n’a pas été fait…


Quand on présentait la première facture, personne ne nous avait demandé de mettre la facture à l’avance. Et si on me l’avait demandé, je n’aurais pas signé ce contrat.


Donc, la garantie n’était pas incluse dans le contrat…


Il y a deux types de garanties dans le contrat. L’une était une avance de 100% et l’autre était une garantie de bonne exécution qui est de 5% des 25 milliards de FCfa. Nous avons déposé la dernière garantie. Il y a quelques semaines, au moment des enquêtes de l’Igf, nous avons expliqué qu’il s’agit d’une garantie de banque internationale et c’est ce schéma qu’on présente partout où nous avons un marché. C’est une garantie que nous avons déposée et c’est deux ans après que le ministère des Finances nous a signifié que cette garantie n’était pas suffisante. Donc, pendant tout ce temps, personne n’a rien dit, alors qu’on était payé. Nous n’avons jamais présenté de garantie d’avance pour une raison très simple : les 20% qui devraient constituer l’avance de démarrage n’ont jamais été payés intégralement. Nous n’avons reçu que 5% sur un seul site. Et c’est cinq mois plus tard que les avances pour les autres sites ont été bouclées. J’avais l’option d’attendre que tout soit fait pour exécuter conformément aux termes du contrat. Je rappelle que la demande du gouvernement était de faire le projet dans un délai de 8 mois, c’est-à-dire avant l’élection présidentielle qui devait se tenir en 2017. Avec cette situation, il fallait démarrer et nous l’avons fait avec l’argent de la garantie de démarrage. Il fallait le faire, car la mobilisation des financements qui incombe à Locafrique tardait à se faire. Aujourd’hui, les méthodes de paiement du gouvernement sont une catastrophe. Pour un projet qui devait durer 10 mois, nous en sommes à la troisième année. Je fais le travail avec 25% du montant, c’est normal que ça soit bouclé.


Pourquoi vous avez accepté d’être payés par des avances ?


Le contrat ne dit pas ça. Les modalités de paiements sont annexées dans le contrat et c’est très clair. Tout le monde sait quand je dois présenter une facture et quand je dois être payé.


Quels sont les délais ?


Ça dépend des relations de travail. Mais, je vous révèle que je n’ai jamais été payé à temps.


C’est parce que les paiements n’ont pas suivi l’évolution des travaux…


C’est le contraire. Les paiements respectent le contrat. Dans le contrat, il est dit que la facture doit être payée dans les 14 jours. Or, la facture qui m’a été payée au plus tôt, a duré trois mois. Parfois, on traîne avec des factures impayées allant de 6 mois à un an. Et pourtant, je n’ai jamais reçu d’explications sur ces retards jusqu’à ce que les paiements arrêtent complètement en octobre 2017. A cette date, les factures ouvertes avec justifications à payer que j’ai envoyées, représentaient 20% de la valeur du projet. Alors, j’ai informé au gouvernement sur la nécessité qu’on ne peut plus continuer les travaux, car les finances ne suivaient plus. C’est pourquoi nous avions arrêté le Dac de Keur Samba Kane et ensuite celui de Séfa. C’est par la suite que le gouvernement a confirmé un paiement de 4 milliards de FCfa, la semaine dernière, alors que nous n’avons reçu qu’un milliard 500 millions de FCfa. Il faut relever qu’on a reçu une avance le 11 juin dernier, après que le rapport de l’Igf a été présenté à la presse. C’est dans ce contexte qu’on a reçu la somme.


Est-ce que vous avez une idée sur le taux d’exécution des travaux que vous avez réalisés ?


Nous avons réalisé dans chaque site sauf à Itato.


Pourquoi l’arrêt à Itato ?


Le paiement pour Itato est arrivé tardivement. Le gouvernement réfléchissait sur la possibilité d’installer le Dac ailleurs.


Pour Itato, vous n’avez pas encore démarré le travail, mais vous avez été payés à deux reprises, d’après l’Igf ?


Il y a eu l’avance de démarrage pour Itato et nous avons tout présenté pour cette avance de démarrage. En plus, nous avons fait deux à trois études…


Est-ce que ça ne pose pas problème que vous soyez payés à hauteur de 3 milliards FCfa alors que les travaux n’ont pas démarré ?


L’Igf ne comprend pas notre contrat. Dans notre contrat, c’est très clair. Le paiement de démarrage se fait avant. Nous avons fait l’étude, présenté un plan d’exécution avant de démarrer le projet, avant le deuxième paiement.


Donc dans le contrat, vous devez être payés avant la prestation ?


C’est ça. C’est sur la base des paiements que nous exécutons le marché.


Vous avez été payés à hauteur de combien depuis le début du contrat ?


Nous avons reçu 57% de la valeur totale, soit à peut près 14 milliards FCfa.


Est-ce que vous pouvez finaliser tout le reste du travail avec le reste du paiement ?


Il reste 11 milliards de FCfa sur les 25. Mais, ce n’est pas mon problème et on ne peut pas le faire sans un autre paiement. Actuellement, il y a deux factures qui ne sont pas payées. Je continue le projet à 100%. Le paiement, c’est 77% après la dernière facture payée cette semaine. Keur Samba Kane, l’équipement c’est 100% et le travail 50%, alors que le paiement est à 55%. Pour démarrer les travaux, il faut payer la facture que j’ai déposée. Maintenant, personne ne dit que cette facture n’est pas légale. Quand on dépose une facture qui n’est pas juste, le client te dit d’attendre, ça n’a jamais été le cas. C’est la grande frustration que j’ai dans cette affaire. C’est comme quelqu’un qui a à sa disposition quelque chose d’important et se contente de parler de choses accessoires. Depuis le début du contrat, tout y est intégré. Le seul problème, c’est le financement. Le contrat s’élève à 25 milliards de FCfa qui doivent être mobilisés en 14 mois pour que nous terminions le projet dans douze mois, un temps raisonnable. Depuis le début, celui qui doit gérer le projet est confronté à un problème de financement. Maintenant, je ne connais pas l’accord de financement, mais je sais que le gouvernement dépose de l’argent pour celui qui finance le contrat avant qu’il ne me paie tout. C’est un contrat de financement extraordinaire, je trouve ça bizarre. Puisque le ministère des Finances a signé sur les deux contrats. Pour mon contrat, c’est moi, le Dcmp (Direction centrale des marchés publics), de l’autre côté, Locafrique et le ministère des Finances ont signé un autre contrat. J’ai eu des difficultés par rapport au retard, la garantie d’avance, tous les financements n’ont pas été corrects. La question, c’est pourquoi on ne m’a pas payé la totalité avant ? Il y a un contrat en bonne et due forme signé et approuvé par le ministère des Finances. Maintenant, comment Prodac a choisi Green 2000 sans appel d’offres ? Il y a des explications, mais c’est le ministre des Finances qui a signé le contrat. Ils l’ont lu et approuvé.


Avez-vous révélé tout cela aux enquêteurs de l’Igf ?


Oui, bien sûr ! J’ai répondu à toutes les questions, mais jusqu’à présent, je n’ai pas reçu le rapport. Ce n’est pas logique que la presse dispose du rapport avant moi, le principal concerné.


Est-ce qu’il y a un lien entre Green 2000 et le ministère des Finances ?


Il n’y a aucun lien entre Green 2000 et le ministère des Finances. Ces gens-là ne sont pas mes interlocuteurs. Je travaille avec le Prodac qui est sous la tutelle du ministère de la Jeunesse, maintenant c’est le ministère de l’Emploi. Je suis très content de travailler avec eux, parce qu’ils sont justes, ils connaissent très bien le marché, l’ancien Dg comme le nouveau sont très professionnels. Ils comprennent très bien mon problème et ils réagissent au quart de tour pour régler nos problèmes. Je ne suis pas contre les enquêtes. Mais quand il y a des difficultés, il faut tenter de savoir leurs origines. Pour moi, il n’y a pas de doute : à travers les questions, l’on comprend que l’enquête était orientée et c’était pour attaquer le dossier technique. Pourquoi les enquêteurs ne se sont pas intéressés au dossier financier ? Même si j’ai fait une erreur…


Quelle est l’erreur que vous avez commise dans cette affaire ?


La seule erreur que j’ai commise dans cette affaire, c’est d’avoir séparé les contrats.


Mais est-ce qu’il y a un audit technique qui a été fait sur les travaux que vous avez réalisés ?


Il y a un Bureau de contrôle pour chaque projet. Le Bureau de contrôle a commencé le travail un peu tard. Il fait le service pour le Prodac. On fait des rapports, des réunions pour expliquer.


Depuis l’arrêt des travaux, est-ce que vous avez rencontré les autorités ?


Tout le temps. On rencontre le Prodac et le ministère de la Jeunesse.


Est-ce que vous avez rencontré le ministère des Finances ?


Mon client, c’est le Prodac. J’ai rencontré le gars qui a fait l’enquête. Mais mon interlocuteur, c’est le Prodac.


Actuellement, il faut combien de temps pour boucler le travail ?


Séfa est déjà opérationnel et a un an de gestion. Keur Momar Sarr a besoin de deux à trois mois pour inaugurer le projet. Keur Samba Kane a besoin peut-être de 5 à 6 mois. Cela dépend de la situation. Si c’est pendant la saison des pluies, ça peut aller jusqu’à 9 ou 10 mois. Notre intérêt, c’est terminer le projet le plus vite que possible. Ce qui peut être fait dépend du paiement. Je répète que je ne contrôle pas le rythme de paiement. Je sais que  toutes les factures ont été payées avec un grand retard. Un minimum de trois mois de retard. Ce qui n’est pas acceptable dans un contrat.


Vous avez combien de factures en souffrance ? Et leur montant s’élève à combien ?


Sur les quatre factures, trois ont un retard de paiement. Leur montant tourne autour de 6 millions d’Euros (4 milliards de FCfa).


Est-ce que vous avez réalisés tous les travaux ?


Ma motivation de terminer les travaux est plus grande que celle des clients. Aujourd’hui, dans le gouvernement, il y a peu de gens qui comprennent le projet. C’est très facile de critiquer un projet qu’on ne connaît pas.


Donc, si l’on comprend bien, vous voulez dire que l’Igf (Inspection générale des finances) a fait une enquête sur un contrat qu’elle ne maîtrise pas…


Ce n’est pas seulement ça. Car, si on fait une analyse, on ne peut pas conclure que le problème provient de nous. Parce que, depuis le début, le paiement ne s’est pas fait correctement. Alors que ce sont ces paiements qui doivent nous permettre d’avancer dans les travaux, puisqu’on doit être payé à l’avance. Nous pensons que cette enquête (de l’Igf) est une enquête orientée. Dans cette enquête, soit les gens n’ont rien compris du tout, soit quelqu’un la veut avec un résultat bien connu d’avance. Comme si cela n’était pas suffisant, on a organisé des fuites dans la presse pour s’attaquer à nous afin de ternir notre image.


NDIAGA NDIAYE  



')}



 

Cet article a été ouvert 2911 fois.

Publié par

Daouda Mine

editor

3 Commentaires

Je m'appelle

Téléchargez notre application sur iOS et Android

Contactez-nous !

Daouda Mine

Directeur de publication

Service commercial