Alain Rodrigue Oyono sur le coronavirus : "les musiciens souffrent..."

jeudi 17 septembre 2020 • 1043 lectures • 1 commentaires

People 3 ans Taille

Alain Rodrigue Oyono sur le coronavirus :

PUBLICITÉ

IGFM - Alain Rodrigue Oyono, saxophoniste attitré de la star internationale de la musique, Youssou Ndour, parle de l'impact qu'a eu la Covid-19 sur les musiciens.


Le nouveau coronavirus a durement frappé l'industrie de la musique. Ces huit derniers mois, les musiciens vivant et travaillant au Sénégal, n'ont pu livrer aucun concert; pourtant, les années précédentes, Alain Oyono se rappelle qu'il jouait jusqu'à 200 concerts par an au Sénégal ainsi qu'à l'étranger. "Au moment où le Corona arrive, tout chute et on est obligé de rester à la maison". Le nouveau coronavirus a aussi frappé et emporté son frère ainé dans la musique, le Camerounais Manu Dibango avec qui il entretenait des relations étroites.

PUBLICITÉ


Calme plat pendant huit mois

PUBLICITÉ



Alain Oyono, saxophoniste camerounais, vit et travaille au Sénégal depuis 6 ans. Lorsque les premiers cas, puis les premières mesures ont été annoncés, ses collègues et lui étaient sûrs que la situation était temporaire car personne n'osait imaginer vivre pendant plusieurs mois sans livrer de spectacles.






Alain Oyono



" On s'est tous dit à un moment donné que cela ne durerait pas et que l'on arriverait forcement à remonter la pente. Si ca perdurait ça allait vraiment être beaucoup plus grave pour des personnes comme nous, qui vivent uniquement de la musique". Et au fur et à mesure que le temps passe, l'avenir commence à devenir de plus en plus incertain: " On ne sait pas ce qui va se passer demain, on ne sait pas si on continuera à faire notre métier, mais on garde espoir que les choses vont redémarrer le plus vite possible", explique le saxophoniste. " On a du arrêter des spectacles, alors que nous ne vivons que de cela", dit-il . En effet, comme beaucoup d'autres musiciens professionnels partout dans le monde, Alain Oyono est payé à la prestation. "Aujourd'hui, il y a pas du tout d'activité", précise-t-il. Or, sans spectacle, pas d'entrée financière. " Cela nous a affecté financièrement. Nous avons du respecter les mesures gouvernementales qui nous demandaient de ne plus nous produire en spectacle. On a du rentrer en studio - pour ceux qui en ont les moyens - et commencer à faire des productions d'albums. Aujourd'hui la majorité des musiciens comme moi rentre dans ce qui est production , album et autres", dit-il. Mais pour les spectacles qui sont la première source de revenus d'un musicien, précise-t-il, " tout était arrêté, vous pouvez imaginer le coup et le choc que cela a du produire? ".



'Youssou (Ndour), c'est mon papa et mon boss'


Avant la pandémie, Alain Oyono dit avoir fait le "tour du monde": " C'est ma vie avec Youssou Ndour. Avec lui, je commençais une nouvelle étape de carrière pro où je jouais sur les plus grosses scènes du monde. Cela m'a permis de m'améliorer en tant que musicien", déclare-t-il.





Alain Rodrigue Oyono jouant au saxophone en concert avec Youssou Ndour

La crise sanitaire a obligé une bonne partie de l'humanité à rester à la maison or, explique le saxophoniste, l'industrie musicale a beaucoup changé. L'aire des cassettes et des CD étant dépassé, tous les amoureux de la musique passent par leur smartphones pour écouter les morceaux.

" Le musicien aujourd'hui vit grâce aux live, sur ses prestations. Il y a d'autres types de musiciens, des beatmakers, qui vivent de productions en studios mais des personnes comme moi vivent de la scène", ajoute Oyono.

Même si ils ne jouent plus ensemble à cause des mesures visant à réduire la propagation du coronavirus, Alain Oyono dit rester en contact avec Youssou Ndour:

"Youssou, c'est mon papa, c'est mon boss. On est tout le temps en contact et il arrive à nous soutenir, du mieux qu'il peut. On a des projets pour l'avenir et on espère que les choses vont redémarrer assez vite pour que l'on se remette sur la route mais aussi à faire des productions".

Le groupe même s'est imposé des restrictions à cause de la Covid-19, il leur est donc impossible de se retrouver ensemble, néanmoins ils restent en contact afin de s'apporter un soutien moral.




Du positif dans l'auto-confinement


L'artiste a tout de même avoué qu'il y a eu des points positifs à rester confinés. "Ce coronavirus m'a permis de vraiment réfléchir sur moi-même et pouvoir avoir un peu de temps pour moi. J'étais un peu dispersé entre mes activités avec Youssou, mes activités avec d'autres groupes... "






Alain Oyono, dans son studio.



Durant cette période, le saxophoniste a pu mieux asseoir son projet et peaufiner son album à venir en finalisant les enregistrements: " Je suis entré en collaboration avec ma boîte de production pour mieux asseoir les événements avenir, afin d'être prêts le jour où le coronavirus nous lâchera, si je peux le dire ainsi". Alain Oyono gagne aussi sa vie en faisant des arrangements, des mixages d'albums et "quand quelqu'un a aussi besoin de mes services en tant que saxophoniste … Aujourd'hui, je peux collaborer avec des artistes qui se trouvent à New York, à Douala au Cameroun … Et à distance, on arrive à s'envoyer des projets et on travaille".

" Ca m'a permis d'entrer en studio pour d'autres artistes mais aussi pour moi-même. Je crois que je suis à une étape de ma vie où j'ai non seulement envie de produire quelque chose de spécial venant de moi, mais aussi que le public me voit comme le musicien que je suis et pas seulement comme un backsider de pleins d'artistes", déclare Alain Oyono.



Un frère atteint du coronavirus


Un des frères d'Alain Oyono qui vit aux Etats-Unis, a contracté la Covid-19. Aujourd'hui, il est guéri mais le musicien dit avoir été très affecté par la nouvelle." Ce sont des moments durs que j'ai vécus. Mon frère m'appelle et il me dit : "je suis malade". Pendant plusieurs semaines, je n'ai pas voulu croire que c'était le coronavirus", raconte-t-il. "J'ai arrêté de suivre les informations parce que non seulement je vivais dans le stress mais je n'étais pas en paix. Ça m'a heurté physiquement et mentalement", avoue-t-il.


Le départ de Manu m'a laissé un goût amer


Alain Oyono et Manu Dibango sont tous les deux saxophonistes et camerounais, mais au-delà de cela, ils avaient développé des liens étroits et solides. L'artiste avoue qu'il a été ébranlé en mars dernier, lorsqu'il a appris la mort de la star mondiale de la musique, connu pour être le précurseur de la World Music. " Le départ de Manu m'a laissé un goût amer parce que je me dis qu'on ne lui a pas, surtout en ce qui me concerne en tant que musicien, donné assez d'honneur. Le départ de Manu, nous as tous affectés", déclare-t-il. Il décrit ce deuil comme un moment de réveil qui lui a indiqué qu'il était temps de pleinement se lancer en tant qu'artiste solo, notamment en finalisant son album. " J'aurais aimé avoir fini mon album et lui dire papa Manu, voilà !", dit Oyono. Alain Rodrigue confie que c'est en entendant Manu Dibango jouer, notamment avec des mélodies comme celles du dessin animé Kimbo, qu'il a commencé à rêver de jouer du saxophone de manière professionnelle et surtout de produire des mélodies africaines avec cet instrument. Mais les deux artistes ne se sont rencontrés qu'en 2008, lorsque Manu Dibango fait appel à lui pour l'accompagner dans le Nord du Cameroun pour un événement culturel.Manu Dibango et Alain Oyono en train de prendre le petit-déjeuner



" C'est un moment de 'ouf' parce qu'on prend le petit-déjeuner ensemble. Et à partir de ce premier repas pris ensemble, on ne s'est plus jamais quitté. Je suis resté auprès de lui, j'ai fait des master class, et il m'a accueilli comme si on s était connu depuis tellement longtemps, comme si j'étais un de ses petits-enfants perdus qu'il avait finalement retrouvé. Jusqu'à ce qu'on prenne l'avion et qu'on redescende sur Douala … » , se souvient Oyono. Depuis ce séjour, Manu Dibango et Alain Oyono sont restés en contact et ont plusieurs fois collaboré ensemble. Quand je suis venu au Sénégal, il était le premier à m'appeler, à me donner des conseils et à me dire : "tu as fait le bon choix". " Peu de musiciens dans le monde ont pu avoir le parcours de Manu Dibango", reconnaît Alain Oyono.


Quel avenir pour le monde de la musique ?


" Aujourd'hui, on devrait être emmené à avoir plusieurs métiers. C'est le monde dans lequel on évolue qui est de plus en plus exigeant", explique Alain Oyono. Le saxophoniste pense aussi que les musiciens devraient se réunir dans un syndicat, car le système des droits d'auteurs quoi qu'honorable ne suffit pas, selon lui, à faire face à ce genre de situation. Il estime aussi que les gouvernements auraient dû penser à accompagner les musiciens lorsqu'ils ont pris les décisions de confinement ou d'interdire les rassemblements en réponse à la crise sanitaire.



BBC


Cet article a été ouvert 1043 fois.

Publié par

Daouda Mine

editor

1 Commentaires

Je m'appelle

Téléchargez notre application sur iOS et Android

Contactez-nous !

Daouda Mine

Directeur de publication

Service commercial