Drame du stade Demba Diop : Mbour toujours inconsolable

dimanche 15 juillet 2018 • 764 lectures • 1 commentaires

Actualité 5 ans Taille

Drame du stade Demba Diop :  Mbour toujours inconsolable

PUBLICITÉ

 

IGFM-Le 15 juillet 2017, un pan de mur du stade Demba Diop s’affaissait, faisant 8 morts et 477 blessés du côté des supporters du stade de Mbour. Un an après ce drame survenu lors de la finale de la Coupe de la Ligue de football qui opposait le club de Ouakam à celui de Mbour, la blessure est toujours béante du côté de Mbour. Les famille n'ont pas encore fini de faire leurs deuils. 



Un mouvement de foule soudain, un pan de mur qui s’affaisse, des cris et des pleurs. Le 15 juillet 2017, le monde du football sénégalais a connu son plus grand drame. Dans les décombres, Assane Faye (32 ans) se débat pour se tirer d’affaire. Le jeune chauffeur de taxi à Mbour s’est retrouvé à terre, sous les décombres du mur. Sous le poids de la foule. A ses côtés, un autre supporter du Stade de Mbour, moins chanceux, agonisait gisant dans son sang. Assane sentait le sang sortir de ses narines. Il perd tout espoir de vivre. Crier, pleurer et appeler sa mère au secours étaient le dernier recours. Mais elle était loin, à Mbour. Désespéré, le trentenaire pensait à sa mort prochaine. Le temps d’invoquer Dieu, il perd connaissance pour se réveiller le lendemain aux Urgences de l’hôpital Fann. Assane Faye reconstitue la scène, les yeux embués de larmes : «Je pleurais. Je pensais à la mort, car j’avais perdu tout espoir de vivre. A cet instant, j’ai pensé à ma mère. J’ai crié son nom. Je peux dire que je suis un miraculé, mais je devais mourir. Je me voyais déjà mort. Mon corps trimballé dans les morgues des hôpitaux.»



L’ambiance était pourtant à son paroxysme jusqu’au 2e but de l’égalisation. Assane voit des pierres venir à l’opposé de la tribune, du côté des supporters de l’Union sportive de Ouakam (Uso). Dans ce mouvement de panique, un pan de mur du stade Demba Diop s’affaisse. Des centaines de personnes se retrouvent par terre, certains sous les décombres. Les plus chanceux s’en sortent avec des blessures plus ou moins graves, mais les malheureux succombent, qui sur place, qui plus tard à l’hôpital. Au gré de la gravité des blessures. Le bilan du drame fait état de 8 morts et 477 blessés du côté des supporters du Stade de Mbour. Le drame est survenu lors de la finale de la Coupe de la Ligue de football qui opposait le club de Ouakam à celui de Mbour au stade Demba Diop de Dakar. Des échauffourées entre les supporters au niveau de la tribune découverte ont provoqué une grande bousculade, une partie de la tribune a alors cédé, causant une bousculade monstre et d’énormes dégâts. Les blessés traînent encore des séquelles. Certains ont perdu l’usage de leurs yeux ou jambes. Ils sont devenus des handicapés. Amers.

«Depuis le drame, j’ai peur de retourner au stade»

PUBLICITÉ


 



A la gare routière de «Croisement Kaolack» de Mbour, un jeune chauffeur de taxi range son véhicule. Il est 18 heures. Pourtant, les clients arrivaient en masse à cette heure-là. Les autres chauffeurs se frottent les mains. Ils profitent du rush des voyageurs du week-end. Assane Faye, lui, n’a pas le choix. Sa vision s’est fortement détériorée depuis le drame du Stade Demba Diop. Il ne peut que conduire en plein jour, car la moindre obscurité le rend inapte à tenir le volant. «Je suis sorti de cet incident avec de graves blessures parce que j’ai eu des fractures au niveau de ma jambe droite, des œdèmes, révèle-t-il. J’ai surtout, depuis lors, des problèmes de vision. Je suis chauffeur de taxi, et à partir de 18 heures, je suis obligé de garer ma voiture, parce que je ne vois plus rien. Conséquence, cela se fait ressentir grandement sur mon rendement», se lamente le jeune marié, clignant sans cesse des yeux.

Après le drame, le chauffeur de taxi est resté 5 mois sans mettre au volant. Il se tournait les pouces à la maison sous la bienveillance de sa maman. Les médecins lui ont déconseillé de reprendre de sitôt le volant. Mais Assane doit travailler pour pouvoir assurer sa prise en charge médicale. La rancœur en travers de la gorge, il assoit son club de cœur sur le banc des accusés. «Vraiment, je souffre encore des séquelles, parce que le club ne m’a assuré que 15 jours de prise en charge. Or, jusqu’à présent, je me soigne. Je travaille presque pour me soigner. Je n’ai vu personne me venir en aide. Je dépense beaucoup d’argent pour mes soins. Je me rends tous les 12 jours à l’hôpital. C’est très difficile», confie Assane, la mine triste. La joie qui a accompagné le fan du Stade de Mbour au stade Demba Diop en 2017, s’est muée en haine contre les supporters de Ouakam, «responsables», à ses yeux, du drame. Et des dirigeants du club. En partant au stade, Assane Faye et ses amis étaient «très contents», parce qu’ils étaient «sûrs de la victoire du stade de Mbour». La veille, le 14 juillet, Assane était déjà prêt pour la finale. Aujourd’hui, Assane a mis une croix sur son club de cœur. Sur le football, tout court. A son corps défendant. «Je n’ai plus la passion du foot. Je me dis maintenant : est-ce que cela vaut la peine de faire des sacrifices pour ce club ? J’ai peur de retourner au stade. Je ne pourrais surtout plus retourner au stade Demba Diop», jure-t-il. Après le drame, beaucoup étaient favorables à ce que le club n’affronte plus l’Uso. Mais la décision du Tribunal arbitral du sport (TAS), favorable aux Ouakamois, a fait plier les Mbourois. La mort dans l’âme, le Stade de Mbour a été contraint de faire face à l’Uso ou d’être relégué en Ligue 2. Le choix a été difficile. La décision issue des concertations ayant conduit à la première option a heurté les blessés. «J’ai été très choqué quand le Stade de Mbour a accepté de jouer Ouakam. On n’a pas respecté la mémoire des victimes», dénonce-t-il. Fervent supporter du Stade de Mbour, Assane a assisté à de nombreuses rencontres de son club. Il a savouré les victoires et digérer les défaites.

«Les dirigeants du club de Mbour ne respectent pas notre traumatisme, encore moins la mémoire des disparus»

PUBLICITÉ




Assane était un fan, Aïda Diop une curieuse, et cette curiosité lui a coûté cher. Très cher même. En cette matinée dominicale, à la cité Aline Sitoé Diatta de l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad) de Dakar, Aïda Diop venait de terminer sa douche. Elle a le téléphone collé à l’oreille. Dans une longue conversation avec la famille restée à Mbour, l’étudiante en Master1 Géographie donne les nouvelles de ses dernières analyses médicales. Dans sa démarche, elle penche visiblement du côté gauche. Elle se dirige vers une petite pièce de la cité Aline Sitoé Diatta. Dans la chambre, elle se précipite vers une vieille armoire, y retire une grosse enveloppe remplie de paperasses, et d’un pas lent mais sûr, se pose sur le lit. Elle verse les bulletins d’analyse qui renseignent sur son état de santé alarmant. Aïda brandit les différentes analyses médicales passées. De ces examens médicaux, il en ressort que la trentenaire souffre d’une «lombalgie chronique et d’hernies discales». La mine anxieuse, elle dit : «Depuis ce dramatique incident, je traîne des séquelles. Je souffre d’une lombalgie chronique et d’hernies discales. Je peine à marcher, à m’asseoir et à me coucher. J’ai été immobilisée pendant 1 mois avant de reprendre les cours.»

Depuis un an, Aïda se rend deux fois par mois à l’hôpital. Elle est amère quand on lui rappelle le drame du stade Demba Diop. «Je garde de mauvais souvenirs de ce drame», tonne-t-elle, enragée. Maintenant, tous les soirs, l’étudiante s’enduit de beurre de karité pour pouvoir dormir. Si elle venait à s’en passer, le lendemain, elle a du mal à se réveiller à cause des courbatures.  Aujourd’hui encore, Aïda fait des cauchemars en poussant des cris au milieu de la nuit. Quand elle passe près du stade Demba Diop, elle détourne son regard pour ne pas avoir à revoir cette maudite scène défiler dans sa tête. Le trauma fait encore ses effets. Et comme Assane, elle ne se retient pas pour cracher sur les dirigeants du club de Mbour. «On n’a pas de suivi médical. On ne bénéficie de rien. Nous n’avons bénéficié que de 12 jours de traitements. Il n’y a personne pour me venir en aide, à part nos parents et amis. Les dirigeants du Stade de Mbour n’ont rien fait. Nous n’avons rien reçu d’eux. Le Stade de Mbour ne vaut rien. Ils n’ont pas pensé aux disparus et aux blessés. J’ai été profondément choquée quand le Stade de Mbour a accepté de jouer Ouakam. Pour moi, ils ne respectent pas notre traumatisme, encore moins la mémoire des disparus», dénonce Aïda Diop. C’était sa première fois, mais aussi sa der, de se rendre au stade pour regarder un match de football. Sur invitation d’une amie, l’étudiante en Géographie a accepté de se rendre au stade. Quand la bagarre a commencé, Aïda a couru pour sortir, mais s’est heurtée à une pierre et tombée. Elle s’est évanouie. «On m’avait déjà donné pour morte», confie Aïda.

«Je pleure toujours mon fils»




Si les parents d’Aïda et Assane ont eu la chance de revoir leurs enfants vivants, tel n’a pas été le cas pour Awa. Elle qui a perdu son aîné, son «Baba». A Mbour, dans une minuscule chambre sobrement décorée, la dame fait face à un petit écran de télévision, la télécommande à la main. Deux petits garçons s’amusent comme des joyeux drilles sur le lit. Ils sautent, crient et se courent après. L’un d’eux s’appelle Baba et porte le même nom que son défunt fils, parti à 36 ans. C’est dans cette chambre que Awa a adressé la parole, pour la dernière fois, à son fils. La veille pourtant, Baba Diouf lui faisait ses derniers adieux. Elle se remémore ces instants comme si c’était hier. «La veille du match, il me disait qu’il a déjà acheté des tissus à son homonyme pour le boubou de la fête de Tabaski. Il m’a remis la dépense quotidienne et m’a demandé de prier pour la victoire du Stade de Mbour. On a ri. C’était notre dernière conversation», confie Awa Diop. La veuve avait trouvé en son fils aîné, un «mari, un frère, un père, un tout». Baba le «Baye Fall» est parti, laissant sa maman et ses sœurs dans un désarroi total. Pour se consoler, Awa s’adosse sur le mur de la résignation. «Je m’en remets à Dieu. Mais je n’oublierai jamais ce drame. Parce que tous les jours, on parle de Baba Diouf. C’était mon premier fils, mon bras droit. C’était mon complice, mon ami, mon tout. C’est lui qui donnait la dépense quotidienne», témoigne Awa Diop. La semaine du drame, Awa a eu la sensation «bizarre» qu’un malheur allait se produire. Mais elle était loin de se douter que cette étrange perception présageait de la disparition de son fils aîné. Dans des conditions aussi atroces. «J’avais le corps lourd. Je suivais le match mais, à la mi-temps, je suis sortie pour m’aérer l’esprit et évacuer la tension. Quelque temps après, ma fille m’a appelée pour me dire qu’il y a des problèmes au stade Demba Diop. J’ai essayé de joindre Baba. En vain. A partir de ce moment, j’ai eu un mauvais pressentiment. D’instinct, je me suis dit que mon fils était mort. Cela ne m’a pas trompé. Aujourd’hui, je le pleure toujours», confesse-t-elle. Son aîné et l’espoir de toute une famille s’en est allé, laissant en suspens son rêve de construire une maison pour sa mère avant de se marier.

Même ambiance chez les Mbaye. Sidy Mbaye, un ancien soldat, et sa seconde épouse Adja Diop, pleurent toujours leur fils, Khalifa. A l’évocation du drame, un rire jaune dissimule la douleur de Sidy Mbaye. Il dédramatise : «C’est vers 18 heures que j’ai appris le drame. Mais c’est seulement le lendemain qu’on a appris la mort de notre fils. Le jour du match, il est venu me dire qu’il partait au stade, je lui ai demandé d’être prudent.» C’était leur dernière conversation. Son fils Khalifa rentrait des épreuves d’examen du Bfem et avait promis l’admission dès le premier tour à son père. Malheureusement, Il ne reviendra plus jamais. Ou du moins, le fera-t-il, les pieds devant. Pieux, intelligent et sérieux, son fils de 17 ans adorait les «Khassaïdes». «Il passait toutes ses vacances dans une école coranique à Touba. C’était mon ami, mon confident. Il me manque beaucoup, mais c’est la volonté divine», confie son père. Assise à côté, Adja Diop a eu la même attitude stoïque. Son aîné est parti, mais elle garde sa foi en Dieu. «C’était très douloureux, mais je m’en remets à Dieu. Il devait partir la semaine suivante à Touba, à l’école coranique. C’était mon ami, mon confident. Khalifa faisait tout pour moi, sauf cuisiner. Il ne me refusait rien», témoigne Adja Diop, l’air triste, le regard figé sur une photo de son Khalifa. Parti à jamais.
')}

Cet article a été ouvert 764 fois.

Publié par

Daouda Mine

editor

1 Commentaires

Je m'appelle

Téléchargez notre application sur iOS et Android

Contactez-nous !

Daouda Mine

Directeur de publication

Service commercial