«Le projet n’est pas de changer de cap mais de chemin». Interrogé par Léa Salamé et Gilles Bouleau durant plus d’une heure ce 14 juillet, Emmanuel Macron a livré les axes de travail du gouvernement pour les deux ans à venir.

Interrogé sur la détestation et actes de défiance à son endroit, le Président a esquissé un mea culpa : «J’ai sans doute laissé paraître ce que je ne suis pas vraiment. Le jeu des maladresses, des phrases sorties de leur contexte parfois.» Emmanuel Macron reconnaît avoir échoué à réconcilier les Français avec leurs dirigeants : «Je n’y suis pas parvenu. J’ai sans doute fait des erreurs.» «J’ai donné l’impression de ne réformer que pour ceux qui réussissent. […] Il y a un chemin de justice, et ça, je ne l’ai pas assez montré», estime-t-il. Mais le chef de l’Etat ne compte pas pour autant changer de ligne directrice : «La méthode utilisée durant les trois premières années du quinquennat a permis de faire des réformes inédites. Nous sommes passés sous les 8% de chômage, les résultats sont là. On était en train de gagner la bataille du chômage de masse, de moderniser le pays. Mais la confiance n’avait pas été retrouvée.»

Sur le nouveau gouvernement

Pourquoi avoir remercié Edouard Philippe, pourtant apprécié pour son travail ? «C’est une page politique qui se tourne», commente Emmanuel Macron. «Changer de Premier ministre n’est pas ne pas reconnaître tout le travail qui a été fait, assure-t-il. Quand on dit qu’il y a un nouveau chemin, on décide d’avoir une nouvelle équipe.» Le chef de l’Etat se dit «radicalement en désaccord» avec l’idée que le nouveau gouvernement dirigé par Jean Castex, ex-LR, soit «de droite» et préfère revendiquer «le dépassement politique». Emmanuel Macron l’assure, il a nommé Jean Castex Premier ministre car «c’est un élu de terrain» doté d’une «culture du dialogue social».

Interrogé sur l’enquête pour viol qui vise son ministre de l’Interieur, Gérald Darmanin, le chef de l’Etat assure «respecter la colère et l’émoi des causes justes» : «La cause féministe, je la partage. Lutter contre les violences, pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, est un combat sur lequel je ne céderai pas.» Mais il met en garde : «Aucune cause n’est défendue justement si on le fait en bafouant les principes fondamentaux de notre démocratie. Je le dis pour un ministre, comme je le dirais pour quelque citoyen que ce soit. Je suis aussi là où je me place le garant de cette présomption d’innocence.»

Le port du masque obligatoire

Concernant la crise du coronavirus, le chef de l’Etat estime que «nous sommes sortis du premier pic. Nous avons réussi à endiguer le virus et à presque retrouver une vie normale, ça n’était pas une évidence». S’attend-il à une seconde vague ? «Il y a des pays où ça repart très fort comme aux Etats-Unis d’Amérique. Il y a dans des pays voisins des indices. Nous avons des signes que ça repart un peu en France.» Emmanuel Macron préconise de renforcer l’application des gestes barrières. «Je souhaite que dans les prochaines semaines on rende le port du masque obligatoire dans tous les lieux publics clos», annonce-t-il. Une mesure qui pourrait prendre effet «par exemple à partir du 1er août».

Un plan «anti-licenciements»

La priorité de la rentrée est l’emploi, pour Emmanuel Macron. «Nous allons avoir des plans sociaux et une augmentation du chômage massive, prévient-il. On va continuer d’investir pour préserver les emplois et les compétences». Comment ? «Nous avons décidé d’un dispositif inédit d’activité partielle de longue durée. C’est un plan anti-licenciements.» Ce plan permettrait aux Français de se former sans être au chômage.

«On ne résout pas une crise comme celle-ci en augmentant les impôts», ce qui pourrait freiner la consommation, poursuit le chef de l’Etat. Son plan de relance massif devrait reposer sur la relocalisation de certaines entreprises, avec un volet écologique qui investira dans la filière hydrogène, la rénovation énergétique des bâtiments, les nouveaux moteurs. Le Président souhaite amortir cette dette sur le très long terme et exclut le retour de l’ISF. Il envisage cependant de reporter la suppression de la taxe d’habitation «pour les plus riches d’entre nous».

Pour les jeunes, Emmanuel Macron annonce un «dispositif exceptionnel d’exonération de charges» jusqu’à 1,6 smic. Il promet la création de 300 000 projets et contrats d’insertion. Il souhaite également «doubler» le nombre de places en service civique. Le gouvernement va aussi ouvrir 200 000 places dans des formations qualifiantes supérieures pour permettre la poursuite d’études pour ceux qui n’ont pas de perspectives d’embauche à la rentrée.

Enfin, le chef de l’Etat reste persuadé de la pertinence du passage au système universel de retraite : une réforme «juste», mais qui doit être retravaillée : «Elle ne peut pas se faire comme elle était emmanchée avant la crise.» Jean Castex recevra vendredi les partenaires sociaux pour amorcer des discussions et un calendrier de travail.

Une relance écologique

Interrogé sur les changements à venir concernant l’écologie, Emmanuel Macron souhaite «mettre beaucoup plus d’argent» dans la prime pour rénover les logements afin que les plus modestes puissent dépenser moins en énergie. Il souhaite par ailleurs maintenir la prime à la conversion pour passer d’un vieux véhicule à un véhicule moins polluant.

Au programme également, un «grand programme de rénovation de nos écoles et Ehpad». A la clé, des «économies d’énergies massives, [pour qu']enfants et aînés puissent mieux vivre». Il compte en outre «accélérer les mécanismes de transition» pour une «réduction du trafic dans les zones de fortes émissions».

«On peut redevenir une grande nation industrielle grâce à l’écologie», en produisant localement, selon le chef de l’Etat. «Je crois en une écologie du mieux, mais pas à l’écologie du moins.» Emmanuel Macron a précisé qu’il pourrait préférer le train à l’avion «à chaque fois que c’est possible». Il défend néanmoins le maintien des lignes aériennes intérieures lorsque l’alternative en train dépasse les cinq heures. Enfin, il souhaite «redévelopper massivement le fret ferroviaire, les trains de nuit, les petites lignes de train».

Un référendum pour le climat

Le Président promet un référendum sur une proposition de la Convention citoyenne sur le climat «le plus rapidement possible». La seule question qui peut être soumise à une telle consultation, explique-t-il, est celle de l’article qui place «l’objectif de lutte contre le réchauffement climatique» et le «respect de la biodiversité» dans la Constitution. Mais avant de modifier le texte fondamental, il faudra un vote préalable du Parlement.

Violences policières


Enfin, interrogé sur les violences policières et les contrôles au faciès, Emmanuel Macron a annoncé vouloir «tout reprendre»«Nous allons généraliser d’ici à la fin de l’année des caméras piéton pour les forces de l’ordre,» précise-t-il. Le Président souhaite également remettre à plat les techniques d’intervention policière décriées.

Cnews