«Ces forces occultes qui ouvrent la voie aux terroristes»

jeudi 8 avril 2021 • 1428 lectures • 1 commentaires

Société 3 ans Taille

«Ces forces occultes qui ouvrent la voie aux terroristes»

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Colonel de la Gendarmerie à la retraite, Abdoul Aziz Ndao passe au peigne fin la politique actuelle de dépenses militaires engagées par le chef de l’Etat, Macky Sall. Dans cet entretien avec «L’Observateur», Colonel Ndao donne les raisons qui pourraient justifier cette décision du Président de doter les Armées d’une puissance de feu, malgré le contexte actuel de la pandémie à Coronavirus qui demande plus de moyens financiers pour sauver, dans l’urgence, la vie des Sénégalais et relancer également l’économie

Des questions de terrorisme en passant par les autres menaces de tout ordre, l’exploitation future du pétrole et du gaz, la crise casamançaise, entre autres, le Colonel Ndao livre ses arguments, sans réserve.  

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Le Président Macky Sall a décidé d’engager de nouvelles dépenses militaires pour moderniser les moyens des forces de défense et de sécurité. Ce réarmement est-il justifié dans ce contexte de Covid-19 qui exige plus de moyens financiers pour une lutte sanitaire efficace ?
Je pense que le renforcement des moyens de l’Armée ne date pas d’aujourd’hui. Depuis début 2012, aussi bien dans l’Armée que dans la Gendarmerie, il y a eu des plans stratégiques. D’abord, c’est le Général Abdoulaye Fall, ancien Chef d’état-major général des Armées (Cemga) qui avait mis en place un plan stratégique pour redynamiser et rééquiper les forces de défense et de sécurité. Ce plan, le Président Macky Sall l’a adopté et fait appliquer par le Général Mamadou Sow (nommé, par la suite, le 29 octobre 2012, Cemga). La Gendarmerie, avec le Général Mamadou Guèye Faye, a bénéficié du même plan. Pour l’Armée, il s’agissait d’augmenter sa puissance de feu, avec l’acquisition de nouveaux blindés pour le Bataillon blindé et pour le Bataillon artillerie, l’acquisition des canaux de 155 mm de portée plus grande. Ça, c’étaient les premiers plans de rééquipement de l’Armée. Ça s’est traduit pour la Marine par la commande de nouveaux navires. Pour la Gendarmerie et la Police, le plan stratégique s’était aussi traduit par la création de nouvelles unités avec acte d’effort sur la mobilité et sur l’infrastructure. Il y a eu de nouvelles brigades construites sur l’ensemble du territoire national. Les moyens de maintien de l’ordre ont été renforcés avec une nouvelle génération d’armes. Jusqu’en 2019, ce sont ces différents plans qui ont été mis en œuvre. En plus de ça, il y a eu avec le Président Macky Sall, le renforcement du moral de l’Armée. Il y a eu des actes d’efforts sur les soldes, les primes, entre autres, pour relever le moral des troupes. Il y a eu une analyse des menaces conjoncturelles qui sont de plus en plus notées autour de nous. Il y a une analyse des menaces liées au trafic de drogue, à nos intérêts stratégiques comme le pétrole, le gaz et les ressources halieutiques et au terrorisme international. Tout ça a fait que le Sénégal a bien analysé la situation et a entendu se doter de moyens pour faire face à toutes ces menaces. 

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Donc, vous pensez que le chef de l’Etat a raison d’allier la lutte contre le Coronavirus et la dotation en moyens logistiques des Armées ?
C’est vrai que la pandémie à Coronavirus existe, mais il ne faut pas qu’on dorme sur nos lauriers. Il faut allier le risque de pandémie à Coronavirus et la sécurité. La pandémie est là, mais il y a de fortes menaces sur nos frontières. Tout le monde voit ce qui se passe au Mali et cette semaine en Côte d’Ivoire (où les forces de défense et de sécurité ont été la cible de deux attaques dans le nord du pays, près de la frontière avec le Burkina Faso). Le Sénégal a des plans antiterroristes assez poussés permettant aux Sénégalais de pouvoir dormir en paix. Ce n’est pas parce qu’il y a la pandémie qu’on va oublier les écoles, la sécurité. 


N’est-ce pas quelque part l’exploitation prochaine du pétrole et du gaz découverts qui incite le Président Macky Sall à préparer le Sénégal face aux probables menaces ?
Nous avons de grandes perspectives économiques avec le pétrole et le gaz. Donc, il faut qu’on ait les moyens de nous défendre et défendre tout cela. C’est une meilleure vision stratégique de l’Etat. 


Le Président Macky Sall a donc bien fait de prendre les devants ?
Si le Président ne prend pas les devants, on risquera de vivre ce qui s’est passé au Mozambique où des djihadistes ont envahi des villes, il y a une semaine, faisant des dizaines de morts. Vous ne pouvez pas vouloir vous développer sans pour autant garantir votre sécurité.


Le Président Sall a indiqué dans son message à la nation du 3 avril que les menaces sont devenues plus diffuses, plus complexes, plus difficiles à prévenir et à combattre. A part cette solution de réarmement des forces de défense et de sécurité, n’a-t-il pas d’autres leviers sur lesquels s’appuyer pour protéger nos Etats, comme le Sénégal ?
Il y a plusieurs solutions.


Lesquelles ?
La première, c’est un engagement d’un Etat à se défendre. C’est ce que le Sénégal est en train de faire. C’est l’option la plus importante. Nous devons être capables, par nous et pour nous de nous défendre. C’est un engagement national. En plus de ça, nous faisons un effort important pour participer à la paix internationale. Là où il y a des problèmes, le Sénégal met en œuvre ses forces, ses moyens. Sur le plan international, le Sénégal n’est pas resté enfermé dans ses frontières. Il a toujours aidé les autres dans des conflits. Nous avons également mis en place une coopération internationale avec des pays amis (France, Maroc, Etats-Unis, Turquie, Italie, Espagne…). Nous diversifions notre coopération militaire pour des besoins de formations et de matériels. Tout ça concourt à instaurer un climat de paix dans notre propre pays. 


Qu’elle doit être aujourd’hui la responsabilité de chaque Sénégalais dans la préservation de ce climat de paix ?
Il faut que les Sénégalais soient conscients des dangers potentiels qui nous guettent. 


Donc, vous confirmez ceux qui pensent qu’il existe des menaces terroristes, surtout des forces occultes travaillant à déstabiliser le Sénégal ?
Non. Le problème, à mon avis, ce n’est pas ça. J’aime bien répéter ma pensée : le Sénégal est bâti sur des valeurs assez solides. Notre première valeur reste la tolérance religieuse. L’autre valeur, c’est la tolérance ethnique. Nous n’avons pas ces problèmes. Le terrorisme a toujours besoin de se greffer sur un problème. Il ne vient pas tout d’un coup s’installer dans un pays. Il faut qu’il y ait des éléments probants qui permettent aux terroristes de s’agripper à ces problèmes-là. Il faut qu’il y ait des problèmes mal gérés pour que les terroristes s’y agrippent. Il serait très difficile que cela se passe au Sénégal où nos confréries sont assez fortes. Mais, il ne faut pas qu’on dorme sur nos lauriers. Il faut continuer à les consolider, les renforcer. Je pense que ce sont des gens de mauvaise foi qui, pour des raisons politiques, utilisent des données religieuses ou ethniques pour nous créer des problèmes. Ce sont ces gens-là qui sont des forces occultes. Ce sont eux qui ouvrent les portes aux terroristes. Tant que nous allons continuer à gérer ce pays comme une Nation, je pense qu’on peut échapper à certaines données du terrorisme. 


Que doivent faires nos guides religieux ?
Nos guides jouent leur rôle qui devient de plus en plus difficile. La déliquescence de l’autorité est notée partout. L’autorité religieuse est remise en cause. Il faut que les guides religieux soient plus exemplaires. C’est vrai que les khalifes généraux n’ont pas ce problème. Mais, il faut que leur voix soit réaffirmée. 


Comment appréciez-vous les opérations militaires menées récemment en Casamance et qui ont permis un retour au bercail de certaines familles à cause des attaques à répétition des rebelles du Mfdc?
L’Armée est là pour la protection des personnes et des biens. Ça, c’est le premier élément. Le deuxième élément est que l’Armée est républicaine. Le troisième élément, cette Armée est obéissante. Elle n’a pas d’initiative à prendre. C’est le président de la République qui donne des ordres à l’Armée et elle les exécute. Pendant 8 ans, le Président a cherché à consolider la paix en Casamance. Mais, à un moment donné, on s’est retrouvé en face d’un jeu socio-économique qui n’avait plus rien à voir avec la rébellion. Nous avions plutôt à faire des bandes armées qui faisaient leur loi avec la culture de la drogue. Elles ont pesé économiquement sur les populations avec les histoires de noix de cajou, de coupe de bois. L’Etat a jugé nécessaire qu’il était temps d’arrêter tout cela. Et l’Armée a reçu des instructions pour balayer tout ça. 


Quelle est la meilleure option aujourd’hui pour une bonne gestion de cette crise casamançaise?
Moi, personnellement pendant presque 6 ans(de 1993 à 1998), j’ai géré la Casamance. J’ai représenté le Général Boubacar Wane qui était l’envoyé spécial du Président Abdou Diouf pour la Casamance. J’étais son homme en Casamance. L’Etat a toujours bien géré cette crise casamançaise. Il n’a jamais voulu que ce conflit prenne des directions ou dimensions que nous ne pouvons plus gérer. Maintenant, il faut que les gens du Mfdc(Mouvement des forces démocratiques de la Casamance) soient plus responsables. Je ne suis pas pour l’indépendance de la Casamance. Mais, il faut que les responsables du Mfdc se mettent à table entre eux et définissent ce qu’ils veulent pour que l’Etat puisse discuter avec eux. L’Etat ne peut pas discuter aujourd’hui avec celui-là et demain un autre. 


Avec le recul, vous qui avez eu à gérer cette crise casamançais, en tant qu’officier, que pensez-vous qu’on devrait faire et qui ne l’a pas été ?
Il faut la carotte et le bâton dans cette affaire. Si les gens sont dans des conditions de discuter avec le gouvernement, il n’y a aucun problème. La porte est ouverte. Sans cela, les Armées exécuteront l’ensemble des droits constitutionnels pour assurer la sécurité des personnes et des biens sur tout le territoire national. C’est entre le dialogue et la protection des personnes et des biens qu’on peut trouver des solutions à la crise de la Casamance. 


La menace justifie les moyens
Le Sénégal s’arme à nouveau. Le président de la République, Macky Sall, n’a pas lésiné sur les moyens pour préserver cet îlot de stabilité dans un océan d’instabilité. Face à la menace terroriste et pour sécuriser les installations pétrolières et gazières au large des côtes, les autorités sénégalaises ont pris les devants. Le chef de l’Etat s’est lancé à la course à l’armement. Les autorités sénégalaises ont pris l’option d’équiper l’Armée de produits et services de technologie de pointe pour permettre aux Forces de défense et de sécurité de pouvoir faire face à toutes sortes de menaces. Ainsi, le ministre des Forces armées, Me Sidiki Kaba a réceptionné mardi 6 avril dernier, à la base aérienne Capitaine Mame Andalla Paul Sorry Cissé de Ouakam, cinq aéronefs de types différents. Il s'agit d'un avion Casa-235 MPA et de quatre aéronefs KA-1S.  
L'avion CASA-235 MPA (Maritime Patrol Aircraft), est un appareil doté d'un système de mission de patrouille maritime de dernière génération. Ce qui constitue une avancée remarquable pour le Sénégal, compte tenu des nombreux défis sécuritaires auxquels il fait face dans ses eaux sous juridiction. Ces acquisitions entrent dans le cadre de la montée en puissance de l’Armée de l’air à l’horizon 2025. Elles font suite à l’achat de trois patrouilleurs. Le 17 novembre dernier, le ministre des Forces armées, Me Sidiki Kaba et le groupe Piriou avaient signé, en présence du président de la République, Macky Sall et du Premier ministre français, Edouard Philippe, un contrat portant sur l’acquisition de trois patrouilleurs océaniques destinés à la Marine nationale sénégalaise. Dès la mise en place de ce contrat qui a été prévu début 2020, le groupe Piriou devait lancer le programme de construction de ces trois patrouilleurs Offshore Patrol Vessel (Opv 58 S), étalé sur une durée de 44 mois, suivie d’une période de soutien au Sénégal.
MATHIEU BACALY, FALLOU FAYE

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Publié par

Namory BARRY

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