Combattre la corruption morale et la médiocrité dans les universités sénégalaises

mardi 9 avril 2024 • 5895 lectures • 59 commentaires

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Combattre la corruption morale et la médiocrité dans les universités sénégalaises

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La bonne gouvernance est sans doute le maître mot du discours à la nation de Son Excellence, Monsieur le Président Bassirou Diomaye Diakhar FAYE. Combattre la corruption, c’est combattre la médiocrité. La corruption est en effet l'arme de la médiocrité. Dans sa volonté de combattre la corruption, notamment la corruption morale, le nouveau gouvernement doit inscrire en haut de ses priorités le pari jamais réussi des anciens gouvernements : mettre les hommes qu'il faut à la place qu’il faut. 

Le pari, c’est combattre la médiocrité dans les instances où l’on s’y attend le moins. C’est le cas des universités sénégalaises. 

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Votre nomination nous rassure quant à la volonté du président de la République à conduire les affaires de ce pays dans la plus grande rigueur et dans la plus grande transparence. Je vous en félicite.
 
L’université est le temple de la médiocrité. Les universités sénégalaises regorgent de talents, d’éminents chercheurs et enseignants. Nombreux sont, hélas, ceux qui ont été traînés par la puissance de l’autorité dans ce monde pernicieux de la corruption morale et intellectuelle.   

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Monsieur le ministre,


Je me permets d’attirer votre attention et de vous rappeler, à vous, aux autorités de ce pays, et à tous les travailleurs la chose suivante : 


Des valeurs et pratiques sont communément admises en administration et dans la gestion des ressources humaines. Le non-respect de celles-ci freine, voire tue, le sentiment d’appartenance, l’enthousiasme et le mérite. La promotion de la médiocrité est un des éléments déclencheurs de cette situation. 


La médiocrité revêt plusieurs formes parmi celles-ci : la médiocrité des hommes et celle des actions administratives. La médiocrité des hommes renvoie aux agents insuffisants, limités et repose souvent sur les recrutements inégaux, sur la formation, et la reconnaissance générale sur l'exercice d'un métier. Une définition simple de la médiocrité des hommes proposée par le philosophe québécois Alain Deneault est la promotion des individus « ni bons ni mauvais ». La médiocrité administrative est liée au sens de Max Weber à la bureaucratie. Elle renvoie à une mauvaise gestion et à une mauvaise qualité des performances et du fonctionnement d'une administration publique ou privée. 


Sous l’angle de la promotion des individus, la médiocrité au Sénégal est longtemps située au clientélisme politique. Elle s’est cependant élargie vers d’autres complexes sociaux et religieux dont l’ethnicisme et le communautarisme religieux. Ce mal dont souffre le Sénégal s’est glissé de manière ostentatoire dans notre université. Qui aurait cru que ce champ social composé majoritairement d’intellectuels serait amené à de telles pratiques au détriment des valeurs scientifiques (objectivité, intégrité, collaboration, responsabilité sociale, éthique, etc.) ? La médiocrité a pris une proportion inouïe dans les universités sénégalaises. Elle est bien connue de tous. 


Certaines autorités universitaires (Recteurs, Directeurs, Chef de service administratif, etc.) en sont les promoteurs. Elles composent leur équipe sur la base des rapports sociaux qu’elles entretiennent avec les agents. Elles n’hésitent pas à créer des postes de direction et de chefs de service pour promouvoir ceux avec qui elles partagent le même statut social ou ceux qui exécutent sans se poser de questions leur forfaiture. Les critères de promotion ou de rétrogradation ne sont plus basés sur le mérite, la compétence, le diplôme, le bon ou le mauvais comportement au travail, mais sur des idéologies inhumaines. 
Le talent est devenu un handicap. Les défenseurs de la médiocrité dans les universités sénégalaises prennent par ailleurs des décisions pour mieux mettre en application leur philosophie « choisir les moins bons pour garder l’emprise sur eux ». Le recrutement des enseignants en est un parfait exemple. Les recrutements d’enseignants-chercheurs ont en effet toujours fait objet de polémiques et de contestations, sapant l’esprit démocratique qui doit gouverner nos institutions. Substant des règles de jeux scientifiques qui doivent honorer un parcours devant servir à la formation de génération de citoyens sénégalais capables de prendre la relève, le recrutement d’enseignants-chercheurs est devenu un exercice inscrit dans le champ du calcul et de la disqualification de postulants dont le CV est injustement soumis aux appréciations personnelles aux logiques d’amical et aux examens psychanalytiques. 


Sous l’angle administratif, certaines décisions prouvent l’impact négatif que la médiocrité peut avoir sur le personnel et l’institution. Récemment, le rectorat d’une université publique au Sénégal a pris des décisions illégales sous l’influence et le diktat des personnes dont leur incompétence en termes de gestion des ressources humaines n’est plus à prouver. Un recteur a pris récemment la décision d'interdire le personnel administratif, technique et de service à faire des vacations pédagogiques. Et pourtant, cette décision est contraire au système LMD (Licence, Master, Doctorat). Sous la complicité d’une équipe composée d’enseignants, de PATS promus, certaines autorités universitaires abusent de leur pouvoir en affectant ou en licenciant des personnes susceptibles de compromettre leurs activités ou celles de leurs amis, proches, « talibés », parents, disciples, etc. Une rétrogression avérée ! 


Il semblerait par ailleurs que certaines autorités universitaires ne voudraient pas avoir dans leur équipe des agents (PATS) titulaires d'une thèse. En effet, selon leur appréciation lorsqu’un agent est titulaire d’une thèse, il est au même niveau que l’enseignant et donc serait en conséquence moins assujetti. 


Le jeu est simple. Empêcher le personnel subalterne d’accéder au savoir et la connaissance. Telle est en effet la meilleure façon de garder le pouvoir. Or, la connaissance n'est pas le pouvoir, mais elle est liberté. Leur stratégie est simple : instaurer un climat social qui repose sur le rapport « souverain » et « sujet », « dominant » et « dominé » et non sur le rapport de la hiérarchie. Le PATS qui souhaite la promotion est contraint de se positionner sur un échiquier ethnique, relationnel, religieux, fraternel sapant la réalité de son métier, de son savoir-faire. Ceux qui s’y prennent bien progressent de manière fulgurante, jusqu'à se retrouver à un poste qui dépasse leurs compétences. Cela ne signifie pas pour autant que les postes à responsabilité ne sont occupés que par des incompétents. Ce qui est clair dans ce système basé sur des considérations autres que scientifiques, c’est que pour être parmi les élus, le PATS doit désormais se soumettre aux règles asservissantes. Ils doivent faire exactement ce qu'on lui demande de faire sans poser de questions sans se soucier d'autre chose que des modalités d'avancement de carrière. Il ne suffit plus dès lors d’être bon dans son domaine, mais de savoir “jouer le jeu”. 


La médiocrité s’étend de manière logique. L’exemple le plus constaté dans une de nos universités est celui de poste de directeur des ressources humaines (DRH). C’est lorsqu’un RH titulaire d’une licence, ou titulaire d’un diplôme de secrétaire de bureautique est recruté au détriment d’un masterant, pratiquant depuis plusieurs années. Dans un tel cas, il ne serait pas étonnant de voir ce DRH se débarrasser des meilleurs, et de prendre des décisions sur la base de ses sentiments. Il ne serait pas étonnant de constater des décisions illégales, le non-respect des textes, et surtout l’inapplicabilité des techniques et approches connues des ressources humaines. Un secrétaire de bureautique, non diplômé, ne peut pas gérer une université aussi grande que l’UGB, l’UCAD, l’UASZ, etc. La gestion des ressources humaines exige des connaissances solides. 


Monsieur, l’université est ramenée aux années 1950. Elle doit se relever au plus vite.


Abdou Beukeu SOW,
Docteur en Science de l'Information et de la Communication
 

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Publié par

Daouda Mine

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