Comment Daech voulait établir un Etat islamique au Sénégal

mercredi 2 mai 2018 • 592 lectures • 1 commentaires

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Comment Daech voulait établir un Etat islamique au Sénégal

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IGFM-Le 13e jour du procès en terrorisme contre Imam Ndao et Cie a vu la comparution du 28e accusé, avant-hier. Il s’agit de Matar Diokhané que d’aucuns dépeignent comme le cerveau de cette entreprise terroriste. Calme et serein, il a balayé toute l’accusation. Cependant, la Chambre criminelle lui a rappelé ses déclarations à l’enquête, quand il théorisait l’établissement d’un Etat islamique au Sénégal par les armes. Ou encore son entretien avec le chef de la secte terroriste Boko Haram.

Il est incontestablement le personnage central de cette affaire de terrorisme. Il est le seul des 29 accusés présents devant la Chambre criminelle à formation spéciale à connaître presque tout les autres. De petite taille, Matar Diokhané peut passer partout inaperçu. Bon orateur, il sait capter l’attention. Dépeint comme un terroriste qui a fait les plus chauds foyers de tension, Matar Diokhané a fait face à la Chambre criminelle pour donner sa version. Il s’est lavé à grande eau. Cependant, certains récits ont glacé la salle d’audience, pleine à craquer. Né en 1986 à Médina Gounass (Guédiawaye), Matar Diokhané, vedette incontestable de cette affaire, est enseignant en Arabe. D’emblée, il conteste être membre d’une quelconque association. Mais, le constat est qu’il est au début et à la fin de cette affaire. Au début, avec les suites de l’affaire Imam Ndour qui a été attaqué à Diourbel par des disciples mourides. C’est d’ailleurs, cette affaire de Diourbel qui a été l’élément déclencheur de toute de cette accusation. Cette dernière atteste qu’après cet épisode, les Sunnites (Ibadous) avaient décidé de venger leur frère Ndour. L’accusation poursuit que des formations en arts martiaux ont été organisées en ce sens. Cependant, conscients que cela ne suffisait pas, ils ont décidé de se procurer des armes pour faire face à ce genre d’attaques.

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Les détails de l’entretien entre Matar Diokhané et Abubakr Sheikau

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Matar Diokhané a corrigé cette version. Il reconnaît qu’à la suite de cet événement, les Ibadous ont commencé à s’organiser pour trouver de gros bras capables d’assurer la sécurité de leurs savants lors de leurs conférences. Par la suite, il a entendu dire que certains tentaient de se procurer des armes, au cours des réunions qui se tenaient dans son «Daara». Matar Diokhané qui dit que les choses ont commencé à déborder, se refugie en Mauritanie. Il fait la connaissance de Moustapha Diop, qui se révèle par la suite, être un membre de Daech. C’est Aboubacar Guèye, proche de Boko Haram, qui a fait les présentations. Devant la barre de la Chambre criminelle avant-hier, Matar Diokhané a expliqué que Moustapha Diop, qui était étudiant en Arabie Saoudite, devait lui trouver un financement pour son «daara». Ce qu’il fera, en lui envoyant la somme de 65 000 euros (43 millions FCfa) par le biais d’un autre étudiant sénégalais qui revenait de La Mecque. Avec ce financement, Diokhané revient au Sénégal, mais ne met pas sur pied un «daara». Moustapha Diop le met en rapport avec un certain Abou Seid, un Tchadien établi en Arabie Saoudite, qui cherchait un enseignant pour le Nigeria. Il se rend ainsi à Andak en Abadam (Nigeria) où il tient une école coranique. Il fait le voyage avec Abdallah Coulibaly. Cependant, au moment de se rendre au Nigeria, où il est resté pendant 8 mois, il n’a pas jugé nécessaire d’avertir ses trois épouses. Diokhané passe 40 jours à Abadam où l’une de ses épouses, Maïmouna Ly, l’a rejoint. Décrit comme un élément important de la secte islamique Boko Haram, l’accusé balaie en touche et explique qu’il n’a aucun rapport avec les Jihadistes de Boko Haram. Il dira, pour la gouverne de la Chambre criminelle, qu’il enseignait le Coran aux parents des membres de Boko Haram et qu’il était respecté là-bas. Cependant, quand des Sénégalais ont été retenus dans la forêt de Sambissa par Abubakr Sheikau, il a été le médiateur qui a permis à ses compatriotes de rentrer. Revenant sur cet épisode, il rappelle que c’est une question d’interprétation islamique sur la détention de la carte d’identité et la pratique de l’exil qui a été le nœud du problème. «Je ne connaissais pas Abubakr Sheikau, c’est Aboubacry Guèye qui m’a fait part du problème des Sénégalais. Je n’ai amené aucun Sénégalais au Nigeria. J’ai compris que ces Sénégalais qui étaient près d’une vingtaine, ont été trompés par ceux qui les ont amenés là-bas. C’est parce qu’il était des Sénégalais que j’étais obligé de réagir, c’est par devoir patriotique», confie-t-il à la barre. Le maître coranique revient ainsi sur son audience avec le chef terroriste, Abubakr Sheikau, qui a duré de 9 à 17 heures. «J’ai fait part à Sheikau de la position de l’Islam sur les questions de la détention de la carte d’identité nationale et l’exil. J’ai impressionné Sheikau. Parce qu’au départ, je lui ai reconnu son autorité», se rappelle-t-il. Mais, le président de la séance lui rappelle qu’il avait dit, devant les enquêteurs de la Section de recherches, que si Sheikau apprenait que ces Sénégalais ont abandonné le combat, ils allaient avoir des problèmes. Une déclaration qu’il nie avoir tenue. «Je n’ai jamais dit ça. Je ne connais pas de combat. Je ne sais pas pourquoi ces Sénégalais étaient là-bas, je ne connais pas la raison de leur voyage au Nigeria», peste-t-il, avant de faire part de ses regrets. «Je regrette de les avoir aidés», dit-il au juge Samba Kane. Après cet entretien, Matar Diokhané reçoit les félicitations du chef de Boko Haram. Ainsi, Abubakr Sheikau remet à l’accusé 6 millions de nairas (15 millions FCfa) pour payer le billet-retour des Sénégalais qu’il avait libérés et lui fait cadeau de la moitié de cette somme. «Seul Sheikau peut dire pourquoi il m’a remis cet argent», répond Matar à une des questions de la Chambre criminelle.


Installation d’un Etat islamique par les armes par Daech


Au moment de rentrer au pays, le contingent sénégalais se fait arrêter au Niger. De son côté, Matar Diokhané qui dit avoir bénéficié d’un congé d’un mois, parvient à rentrer sans problème. Seulement, il a été informé par Moussa Aw de cette arrestation des Sénégalais au Niger. Il lui fait comprendre que ses amis ont été arrêtés pour détention de fausses monnaies. Matar Diokhané qui dit ne pas connaître ces personnes, retourne au Niger 3 jours après son arrivée à Dakar. «Je devais respecter ma parole en les conduisant jusqu’au Sénégal», se justifie-t-il. Mais le président Samba Kane lui rappelle que cette période coïncide à celle à laquelle le contingent des Sénégalais de Libye devait revenir au pays pour une action concertée. Matar, très calme et taquin parfois, lui fait savoir qu’il n’était pas au courant que des Sénégalais étaient en Libye. Le juge revient à la charge, lui faisant savoir que c’est pendant cette période également que Abou Amza avait fait des publications sur le Net menaçant le Sénégal et Macky Sall, promettant l’implantation d’un Etat islamique au Sénégal. Ce qui a déclenché cette enquête. Matar nie encore et explique n’avoir jamais été au courant d’un projet d’établir un Etat islamique au Sénégal. Cependant, le projet de Daech était bien réel. Le message qui circulait disait même de s’en prendre aux Français établis au Sénégal et à leurs intérêts. Le projet parlait d’un Etat islamique entre la Gambie, le Sénégal, le Mali et les deux Guinée. Il fallait, dans le document, créer une instabilité institutionnelle, en faisant un coup d’état en Gambie. Il fallait aussi procéder à des attentats-suicides, attaquer les institutions financières, les bâtiments administratifs et les casernes militaires. Après coup, il fallait installer un Khalifat par les armes. Le document qui a été retrouvé dans un groupe de Telegram, application de discussions, était de Matar Diokhané. Ce qu’il a réfuté, disant ne pas adhérer à ce projet de Daech qu’il ne prend même pas au sérieux.


Nécessité de tuer les enfants et les femmes des mécréants


Par ailleurs, Matar Diokhané a été interpellé sur ses rapports avec le terroriste international, Omar Diaby dit Omsen. Il reconnaît l’avoir vu juste deux fois. Ils ont été mis en relation avec le même Moustapha Diop. Diokhané jure qu’il ne connaît rien de Omsen et qu’il a appris plus tard qu’il faisait l’objet de poursuite en France. Cependant, le président lui rappelle qu’à l’enquête, il avait dit clairement aux gendarmes-enquêteurs que Omsen fait partie de Al-Qaïda et Moustapha Diop était un élément de Daech. Ce qu’il nie aussi, estimant que c’est après la réunion de Richard-Toll qu’il a su que Moustapha Diop était proche de Daech et qu’il serait maintenant dans les rangs d’Al Nastra. Mais, il reconnaît aussi qu’il projetait de se rendre en Syrie avec Omsen et qu’un problème de visa l’avait retenu au pays. Mieux, la Chambre lui rappelle que son ami Saliou Ndiaye avait déclaré à l’enquête qu’il connaissait des combattants sénégalais à l’étranger, comme Matar Diokhané. Revenant sur la perquisition de sa chambre, il reconnaît avoir laissé là-bas sa documentation, parce qu’étant sûr de les retrouver sur le Net. Cependant, le magistrat Samba Kane lui rappelle que les 14 livres trouvés chez lui parlaient de Jihad. Il y avait le Guide du parfait jihadiste qu’il dit avoir tiré sur le Net. Dans le manuel, il était question de légitimer le mensonge pour se protéger du Gouvernement, de l’obligation du musulman à tuer le mécréant, de la nécessité de tuer les enfants et les femmes des mécréants, ce qui justifie les évènements du 11 septembre aux Etats-Unis. Il y avait aussi le chapitre qui traite de la nécessité de corrompre les agents, de l’obtention d’un visa, en épousant une femme non musulmane, pour faire des attentats. Il était aussi recommandé de combattre les dirigeants de pays musulmans qui ne pratiquaient pas la Charia. Matar Diokhané dit qu’il avait ce livre juste pour information.


Parlant de ses relations avec Imam Alioune Ndao, il a expliqué qu’il l’avait choisi pour donner des conseils à ses amis qui revenaient du Nigeria. Imam Ndao devait leur parler pour qu’ils ne se laissent plus berner. Matar jure aussi que Imam Ndao ne savait pas qu’il était parti au Nigeria.


MAKHALY NDIACK NDOYE


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Publié par

Daouda Mine

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