Coronavirus – Gaël Faye : « Je pensais que ce n’était pas plus grave qu’une grippe saisonnière »

samedi 4 avril 2020 • 388 lectures • 1 commentaires

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Coronavirus – Gaël Faye : « Je pensais que ce n’était pas plus grave qu’une grippe saisonnière »

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iGFM - (Dakar) - Contaminé par le Covid-19, le chanteur et écrivain a vécu quinze jours d’isolement total. Il avoue avoir sous-estimé la maladie et a accepté de raconter son expérience à Jeune Afrique.

Le 31 mars, Gaël Faye postait un court message sur les réseaux sociaux pour rassurer sa communauté. On le savait malade, mais on ignorait qu’il avait été contaminé par le nouveau coronavirus. Après quinze jours de courbatures, de maux de tête, de quintes de toux et de problèmes respiratoires, l’écrivain et chanteur de 37 ans pouvait enfin sortir de son isolement pour côtoyer à nouveau sa famille.

Il a accepté de nous livrer son témoignage à partir du moment où il n’était pas personnellement « mis en avant », et en espérant que son expérience puisse être utile à nos lecteurs.

La contamination de l’artiste remonte au 11 mars : « J’assurais une journée de promotion où je devais présenter à une cinquantaine de journalistes le film adapté de mon livre Petit Pays, raconte-t-il. J’ai serré beaucoup de mains, je ne me posais pas encore beaucoup de questions sur la distance à garder avec les autres. »

Il avoue avoir été « laxiste » par rapport aux préconisations déjà mises en avant à cette date, et sous-estimé le danger. « À ce moment-là, on emmenait encore les enfants à l’école, on gardait une vie normale. Comme beaucoup de gens, je pensais que ce n’était pas plus grave qu’une grippe saisonnière et que ça affecterait surtout les personnes âgées… En plus, je suis en bonne forme physique, je fais du sport quotidiennement et tombe très rarement malade. »

Deux jours plus tard, le 13 mars, il commence à ressentir des courbatures et des maux de tête. « Il y a plusieurs jours durant lesquels on pense ne pas être malade, et on propage le virus », rappelle-t-il.

Isolé pendant quinze jours


L’auteur se trouve alors à Reims, dans le nord-est de la France, pour une avant-première. « Avant les premiers symptômes, le virus restait irréel. Et puis j’ai appris que la sortie du film était repoussée. J’ai parlé avec un ami dont un membre de la famille avait failli mourir et avait été placé en réanimation… J’ai décidé de m’isoler dans ma chambre, à Reims. »







Sa famille reste à proximité, lui dépose à manger devant sa porte. Il ne la voit pas durant les quinze jours que dure son confinement. Seul son téléphone lui permet de garder contact avec le monde extérieur.

« Je connais des épidémiologistes, j’ai beaucoup échangé avec eux, mais leurs avis divergeaient. Au départ, je pensais que ça allait passer avec du repos. Je ressentais des courbatures, un mal en bas du dos incroyable, je vomissais, mais je n’avais pas de fièvre et je ne pensais pas que mon cas était suffisamment grave pour prendre la place de quelqu’un d’autre à l’hôpital… Je ne me suis jamais dit que j’allais appeler le Samu. »

Sensation d’étouffement


Le 17 mars, dans la nuit, les symptômes s’aggravent. « Pendant cinq minutes, j’ai eu une vraie sensation d’étouffement, je n’arrivais plus à respirer, je sentais une très grande chaleur dans ma poitrine. »

Il décide d’appeler un docteur le lendemain matin et de commencer à vraiment se soigner. La « visite » se passe en visioconférence : des tests de respiration, des questions, permettent au médecin de ville de se faire un avis. L’artiste demande à faire un test pour être sûr qu’il est contaminé, mais, en l’absence de fièvre, cela n’est pas possible.

Pour le médecin néanmoins, c’est bien le Covid-19. Entre-temps, d’autres membres de l’équipe du film Petit Pays sont d’ailleurs tombés malades et ont été testés positifs.



« Le docteur m’a prescrit des antibiotiques qui me permettaient de respirer un peu plus profondément… Avant, je ne pouvais pas inspirer plus de trois secondes, j’avais le sentiment que mes poumons étaient à moitié remplis d’eau, je n’avais jamais vécu ça. Bien sûr, ça fait un peu paniquer. Et puis j’avais une sensation de brûlure dans la cage thoracique. En revanche, je ne pense pas avoir perdu le goût et l’odorat. »

Sa convalescence se déroule en dents de scie. « Ce qui est bizarre avec ce virus, c’est qu’on peut parfois avoir le sentiment d’être totalement guéri alors que ce n’est pas le cas. Un matin, je me suis levé et senti parfaitement bien, je suis même descendu dans la cour de l’immeuble pour marcher et faire de la corde à sauter ! L’après-midi, j’étais cassé, KO, avec à nouveau des vomissements et des courbatures… Ce qu’il faut rappeler, c’est que la maladie est très longue. Quinze jours de convalescence, c’est vraiment le minimum. »

Le Rwanda plus rigoureux ?


Après quinze jours d’isolement total, Gaël Faye a enfin pu retrouver sa famille. Mais il reste à distance, garde un masque, est attentif aux choses qu’il pourrait toucher et contaminer.

L’auteur était passé au tout début de mars au Rwanda, où il avait constaté qu’un dispositif plus rigoureux avait été mis en place plus rapidement qu’en France. « À l’aéroport, nous avions été accueilli par du personnel médical, qui nous soumettait à des questionnaires et qui prenait notre température… À l’entrée de la salle de cinéma, tous les spectateurs devaient aussi répondre à des questionnaires médicaux. »

Mais il ne veut pas critiquer frontalement la gestion de la crise en France. « On est dans une période où il faut essayer d’être souples dans les avis qu’on a les uns sur les autres. Tout le monde tâtonne, même les politiques. »

Pour lui, la pandémie questionne avant tout nos modes de vie. « Dans nos sociétés ultra-perfectionnées, tout peut s’arrêter pour un virus qui sort du corps d’un animal… Ça nous ramène à un peu d’humilité. »

Face à ses propres contradictions

Favorable depuis longtemps aux idées des décroissants, il estime que la crise sanitaire le met aussi face à ses propres contradictions : « Pour travailler, j’ai besoin de faire des concerts ultra-polluants, avec des tour-bus, des gens qui prennent leur voiture, je prends parfois l’avion pour parler d’un livre à l’autre bout du monde… »

Il espère néanmoins que cette période amènera aussi à réfléchir « les gens qui ne croient pas au changement climatique, qui pensent que le capitalisme est la fin de l’histoire et qu’il faut réduire les budgets des services publics ».

« Bien sûr, on peut être scandalisé, et je le suis, par la différence de traitement du Covid-19 : l’urgence quand ça touche l’Occident, les pays riches, et le peu d’efforts pour apporter des solutions à Ebola ou au paludisme… Mais ça ne doit pas être une excuse pour négliger la dangerosité du coronavirus. Les gens sont grands, ils font ce qu’ils veulent. Moi, je reste chez moi car je n’ai pas envie d’avoir sur la conscience la maladie de mon voisin. Dans nos sociétés de plus en plus individualistes, ce virus nous oblige à plus de solidarité. Aujourd’hui, si je prends soin de moi, je prends aussi soin de l’autre. »

Auteur : Jeune Afrique 






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Publié par

Daouda Mine

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