Covid-19 : un an après le premier mort, les plaies masquées de Wuhan
lundi 11 janvier 2021 • 703 lectures • 1 commentaires
Actualité 3 ans Taille
iGFM (Dakar) Le 11 janvier 2020, les médias chinois s'interrogeaient sur une pneumonie virale sévissant à Wuhan. Un an plus tard, cette ville de 11 millions d'habitants, devenue le berceau de la pandémie, s'est relevée, mais à quel prix ? Une équipe de TF1 s'est rendue sur place.
Un an jour pour jour après l'annonce par Pékin du premier décès du Covid-19 - un homme qui faisait ses courses sur un marché de Wuhan - la Chine a enfin donné son feu vert ce lundi, après moult hésitations, à la venue ce jeudi d'une équipe d'experts de l'OMS (Organisation mondiale de la Santé) chargée d'enquêter sur l'origine du coronavirus. Une visite ultra-sensible pour le régime chinois, soucieux d'écarter toute responsabilité dans la pandémie qui a, à ce jour, fait près de 2 millions de morts dans le monde.
Ainsi à Wuhan, considérée comme le foyer de cette pandémie, les habitants vaquaient normalement à leurs occupations ce lundi, mais les médias du régime communiste, eux, taisaient ce premier anniversaire. Et dans les rues, même si les habitants, toujours masqués, ne se privent plus de sortie, quand on les interroge, l'heure est également à l'oubli. "Wuhan est en sécurité, tout le monde va bien", lance ainsi une habitante, comme pour mieux s'en convaincre. "Il y a quand même toujours des contrôles de température partout", temporise un autre riverain. Pourtant, les souvenirs douloureux ne sont jamais très loin.
Les autorités mettront un mois pour informer la population
1er décembre 2019, alors que le premier patient d'une maladie respiratoire inconnue est détecté, le nombre de cas se met rapidement à augmenter. Résultat, les files d'attente devant les hôpitaux deviennent interminables et les équipes médicales se retrouvent débordées. Mais il faudra attendre un mois pour que les autorités informent la population chinoise de l'épidémie. Avant cette date, c'est le silence radio, notamment sur les réseaux sociaux. Et cette discrétion est plus que jamais d'actualité, même un an jour pour jour après le premier décès. Il est, par exemple, toujours impossible pour les médias étrangers de pénétrer dans les hôpitaux.
Il faut dire qu'en Chine, rares sont ceux qui contestent la vérité officielle. Hai Jiang est l'un d'entre eux. Le 16 janvier 2020, il amène son père à l'hôpital pour une fracture osseuse. "L’opération s’est bien passée mais mon père a commencé à avoir de la fièvre, et les médecins m’ont dit qu’il avait attrapé le covid-19 à l’hôpital", raconte-t-il. Placé sous respirateur artificiel, il décèdera deux semaines plus tard à 76 ans. Aujourd'hui, son fils porte plainte contre l'État, qu'il accuse d'avoir caché la contagiosité du virus. "A Wuhan le 17 janvier, personne ne portait le masque dans la rue, dans le bus. Je suis tellement en colère contre les autorités de Wuhan, si elles n’avaient pas caché la vérité, si elles avaient dit aux gens de se protéger, mon père serait encore en vie", s'insurge-t-il.
Glorifier la victoire sur le virus
Difficile d'effacer les plaies, alors on se doit de les masquer. Fermé depuis le 1er janvier 2020, le marché aux animaux, soupçonné d'être le berceau de l'épidémie, a ainsi été recouvert de paysages fleuris. Mais que sont devenus les milliers de vendeurs qui y travaillaient ? Pour les trouver, il faut prendre la route, 30 km au nord, vers une zone industrielle, une sorte de Rungis local. Mais là-aussi il faut montrer patte blanche. À l'intérieur, filmés en caméra cachée, les vendeurs se confient à demi-mot. "Je viens du marché aux animaux, on est tous venus ici. Les affaires ne marchent pas très bien", dit l'un d'eux, qui ajoute : "J’ai dû acheter un appartement ici pour me rapprocher. Heureusement, le gouvernement nous paye un an de loyer."
Glorifier la victoire sur le virus, tel est désormais le maître mot du régime chinois. Pour s'en convaincre, il faut se rendre au centre des congrès de Wuhan, où les visiteurs jouent des coudes devant une exposition consacrée à la bataille contre l'épidémie. Xi Jinping, le président chinois, y est omniprésent, et les guides savent faire passer le message. "Tant que le peuple chinois restera uni, nous pourrons tout surpasser !", indique par exemple l'une d'entre elles. Cité martyre il y a un an, Wuhan se veut donc résolument héroïque. Officiellement, la ville a enregistré 3.869 morts du Covid-19.
LCI
Publié par
Mamadou Salif
editor
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