Dans l’univers des femmes chef de famille

samedi 7 mars 2020 • 478 lectures • 1 commentaires

Société 4 ans Taille

Dans l’univers des femmes chef de famille

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IGFM - De plus en plus, des femmes sénégalaises jouent le rôle de chef de famille. Mariées, divorcées, veuves ou abandonnées, ces dames assurent, de manière financière ou affective, la gestion de leur famille.

Pour Rama*, le rituel est le même depuis bientôt 21 ans. Vêtir, nourrir et blanchir ses deux bouts de choux, c’est son combat quotidien. La jeune trentenaire porte sa petite famille à bout de bras. Depuis que leur géniteur s’est fait la malle, la laissant seule avec ses deux jumeaux. Coiffeuse de profession, cette mère-célibataire a la charge de ses deux garçons. Elle n’avait que 19 ans quand leur père a disparu, du jour au lendemain. Sans préavis. «J’étais en classe de Terminale lorsque je suis tombée enceinte. J’ai eu des jumeaux, qui ont aujourd’hui plus de vingt ans. Malheureusement, ils ne connaissent pas leur père. Ils ne l’ont jamais vu. C’est moi qui m’occupe d’eux depuis leur tendre enfance», raconte Rama, trouvée dans son salon de coiffure à Yoff.

Depuis 1998, Rama joue le rôle de père et de mère pour ses jumeaux. Elle fait tout ce qu’un chef de famille doit faire. C’est elle qui les nourrit, paie leur scolarité et subvient à tous leurs besoins. Aujourd’hui, les jumeaux ont grandi. Ils poursuivent leurs études dans une école privée aux Parcelles Assainies. Mais les souvenirs restent. Rama n’a toujours pas oublié ces durs moments vécus. Plus de vingt (20) ans après.

Elle se souvient : «J’ai fait toutes sortes de boulot pour nourrir mes enfants. J’ai été femme de ménage, lingère et vendeuse de poisson. Je suis allée ensuite faire une formation en coiffure, mais en même temps, je continuais à faire de petits boulots pour m’occuper de mes jumeaux». Le dernier contact entre Rama et le papa de ses jumeaux remonte à la naissance de ces derniers. «Quelques mois après la naissance des jumeaux, se souvient-elle, il est venu pour les déclarer à l’état civil. Depuis lors, il a coupé tout contact avec nous, avec sa famille également. Il n’y a qu’un de ses amis d’enfance qui a gardé le contact avec nous. Lui, il nous soutient». Rama fait partie de ces femmes dites «Cheffes de famille». Un rôle souvent attribué aux hommes sous nos cieux. Car, juridiquement, culturellement voire même au plan religieux, ce statut n’est pas reconnu à la femme. En son article 152 relativement à la puissance maritale, le Code de la famille stipule que «le mari est le Chef de la famille».    

«Je suis chef de famille parce que nous sommes orphelins…»

Mais aujourd’hui, les aléas de la vie font que de plus en plus, le terme chef de famille s’applique aux femmes, dans son acceptation économique ou affective. Même si c’est juste à titre officieux. Haut cadre dans une entreprise de la place, Fanta*, divorcée et mère de deux enfants, s’est retrouvée chef de famille par la force des choses. Du destin. Elle explique : «Je suis divorcée et mes enfants sont pris en charge par leur père.

Mais je me considère comme une femme chef de famille, non pas parce que je suis divorcée, mais parce que nous sommes orphelins. J’ai perdu ma mère, et mon père est à la retraite. J’ai la charge de mes frères et sœurs, qui sont encore assez jeunes et qui n’ont pas encore un travail assez bien rémunéré. De ce point de vue-là, je peux me considérer comme chef de famille». C’est naturellement que Fanta, aînée de sa famille, a endossé le rôle du père et de la mère. De manière économique, elle remplace le père et sur le plan affectif, elle joue le rôle de mère. Un double rôle assez difficile à gérer. Elle reconnait : «Ce n’est pas facile au quotidien. Une femme peut gérer ses enfants, c’est naturel. Mais quand tu gères tes frères et sœurs, c’est plus compliqué, parce qu’il faut prendre en compte au quotidien les désirs, les affects, les susceptibilités de chacun.»

Économiquement, le problème ne se pose pas. Fanta ne se prend pas la tête, elle gère la famille en fonction de ses moyens. La difficulté, c’est surtout au niveau affectif.  «A ce niveau, reconnait-elle, c’est très compliqué, pour dire vrai». Fanta a un travail très pesant, elle passe ses journées au bureau, parfois jusque tard dans la soirée. Donc, elle gère son foyer à distance. «La prise en charge affective est encore plus difficile. S’il y a des problèmes, la première personne à laquelle on pense, c’est moi. Des fois, j’ai la tête qui tourne entre les problèmes de mes enfants, ceux de mes frères et de mes sœurs, mes propres problèmes, les problèmes de mon père, qui est retraité et malade. Mais par la force des choses, on apprend à compartimenter.»

«Mon mari a été licencié et c’est moi qui m’occupe financièrement de la famille»

Oumy* vit également la même situation. Depuis trois ans maintenant, cette mère de deux filles gère économiquement son foyer. «Je peux me considérer comme chef de famille, mais c’est juste sur le plan économique. Depuis trois ans, mon mari ne travaille plus. Et à la fin du mois, il y a les charges qui nous attendent. Ce sont des dépenses énormes à supporter», détaille-t-elle. Face à cette situation, Oumy n’a pas le choix. Elle est obligée de soutenir financièrement son mari, de prendre la «place» de son homme et de gérer les charges de la maison. «Malgré mes maigres revenus, affirme-t-elle, je suis obligée de soutenir mon mari. A la fin du mois, je lui remets tout mon salaire, qu’il ajoute à ses petites économies pour régler les dépenses de la maison. Mais je ne regrette rien de ce que je fais, parce que je le fais d’abord pour mes enfants».

SOPHIE BARRO

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Publié par

Daouda Mine

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