Double meurtre de Médinatoul Salam : Retour sur le 1e jour du procès de Cheikh Béthio et Cie

mercredi 24 avril 2019 • 542 lectures • 1 commentaires

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Double meurtre de Médinatoul Salam : Retour sur le 1e jour du procès de Cheikh Béthio et Cie

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IGFM - Le procureur de la République s’est indigné de l’absence de Cheikh Béthio Thioune, après que ses avocats ont déposé un dossier médical pour surseoir à son jugement, tout en demandant un procès pour les 19 autres accusés. Cependant, le juge a décidé que Cheikh Béthio allait être jugé par contumace. Les premiers accusés qui ont défilé à la barre ont réfuté difficilement les faits. Tout en lavant à grande eau Cheikh Béthio.

L’audience de l’affaire Médinatoul Salam a démarré sur fond de polémique entre le représentant du ministère public et les avocats de la défense, malgré l’appel à la sérénité lancé par Thierno Niang, président de la Chambre criminelle. Me Ousmane Sèye a manifesté le regret que «Cheikh Béthio Thioune ne puisse pas être là (à l’audience). Il a déposé un dossier médical transmis au président de cette chambre. Depuis le mois de janvier, il reçoit des soins médicaux en France. Aujourd’hui, nous ne pouvons pas solliciter le renvoi du procès parce que les accusés ont trop attendu (7 ans de détention préventive). Nous vous demandons de surseoir à son jugement et de juger les autres».

Me Khassimou Touré : «Un dossier médical de complaisance»

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Dans ce sillage, Me Mouhamadou Moustapha Dieng, avocat de Cheikh Béthio Thioune, note que le droit à la santé d’un citoyen est fondamental et le secret médical confère un certain nombre de droits. Ces excuses étaient de trop pour le procureur de la République. «Le ministère public n’a pas ce dossier entre les mains, alors qu’il porte l’accusation. C’est une atteinte au droit. Nous sommes en matière criminelle. Si on remonte au dossier, Cheikh Béthio Thioune est placé sous contrôle judiciaire, depuis le 21 février 2013. D’ailleurs, la Chambre d’accusation n’a jamais accepté cette mesure qui lui impose certaines rigueurs», confie-t-il. Me Khassimou Touré, avocat de la partie civile, s’est inscrit dans la même logique. «Je suis meurtri et triste à la fois. Un bon procès est un procès qui respecte les fondamentaux d’un procès juste et équitable. Je salue la clairvoyance du procureur de la République. On ne nous a jamais associés à quoi que ce soit. Les victimes ont les mêmes droits que les accusés. On a tendance à oublier dans cette affaire qu’il y a une veuve et un orphelin qui doivent être entendus. Ce dossier médical devait être communiqué à la veuve et à l’orphelin. Bara et Ababacar ont été sauvagement tués et ensevelis. La personne morale (Cheikh Béthio) de cette affaire est sous contrôle judiciaire. Et elle ne s’est pas présentée devant votre juridiction», a-t-il rappelé. Pour Me Khassimou Touré, il ne peut y avoir d’accusés de première classe et de seconde classe. «Je vous saurai bien gré de rejeter cette demande fondée sur aucune base juridique pertinente, encore moins contradictoire. Il faut un dossier médical ordonné par un juge d’instruction. C’est un dossier médical fabriqué, un dossier médical de complaisance», dénonce-t-il.
Après s’être concerté avec ses deux assesseurs, notamment Cheikh Ahmed Tidiane Youm et Amadou Sory Baldé, le président Thierno Niang a décidé de juger Cheikh Béthio Thioune par contumace. Pour lui, même si ses conseils ont déposé un dossier médical comportant de vagues informations, il n’y a pas d’arguments prouvant qu’il ne peut pas faire le voyage de Bordeaux au Sénégal.

Les images insoutenables

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A l’audience, les images projetées par le substitut du procureur ont fait craquer les parents d’Ababacar Diagne et de Bara Sow. Pour montrer le caractère sanglant du double meurtre de Médinatou Salam, le maître des poursuites a fait défiler les terribles images de l’exhumation des corps de Bara Sow et Ababacar Diagne opérée par les éléments de la gendarmerie de Mbour, le 23 avril 2012. Ensuite des images de leurs autopsies à l’hôpital Principal. Du sang, des crânes en bouillie, un corps criblé de balles. Les crimes sont abominables. Ils ont été froidement tués le 22 avril 2012, à Médinatoul Salam et inhumés dans une fosse commune. Cheikh Faye, Massamba Fall, Adama Sow, Pape Ndiaye Tracteur ont été les premiers accusés à être présentés devant le juge.


Violence sur des corps sans vie


Attrait à la barre, le témoignage d’Abdoulaye Diouf, ferrailleur et disciple du Cheikh, est glaçant. «Le jour des faits, j’ai quitté mon chantier pour aller voir le combat (Balla Gaye II vs Yékini). On m’a informé des échauffourées au domicile du Cheikh. Je suis automatiquement parti prendre mon gourdin pour me protéger. Mais je ne l’ai pas utilisé», confie-t-il. Quand l’accalmie est revenue, Abdoulaye Diouf reconnait avoir participé à l’inhumation de Bara Sow et d’Ababacar Diagne, dans la forêt de Médinatou Salam. «Nous avions caché nos intentions à Cheikh Béthio Thioune et à Cheikh Faye, son chambellan. Je précise que nous avions pris nos propres responsabilités de les enterrer, sans en informer auparavant Cheikh Faye, notre Dieuwrigne. Bara Sow et Ababacar Diagne étaient déclarés persona non grata à Médinatoul Salam. On les a inhumés vers 1 heure du matin», dira-t-il. Il reconnait que ses camarades avaient d’abord caché, à 500 mètres du domicile de Cheikh Béthio, les deux corps sans vie, à 20 heures avant de les acheminer nuitamment dans la forêt. Toutefois, il dit ne pas ignorer les lois sur les inhumations, pour avoir fait deux ans à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Son condisciple, Moussa Dièye, a confié qu’il n’a pas assisté à la bagarre, mais a reconnu que c’est sa charrette qui a été utilisée pour acheminer les deux corps sans vie. «Je les ai conduits sur les coups de 20h pour les déposer dans la forêt. Je ne peux exactement dire le nombre de personnes présentes mais il y avait Abdoulaye Diouf, Adama Sow dit Doss, Mouhamed Sène, Kalidou, Massamba Fall entre autres… à l’enterrement», argue-t-il. Adama Sow a nié avoir donné l’ordre aux autres de faire du «barkélou» sur les corps sans vie gisant devant la porte de la concession. Pourtant certains accusés ont été désignés comme ayant donné des coups aux cadavres en guise de «barkélou» Même si certains disciples ont continué à violenter les cadavres. Conscient qu’il a posé un acte irréfléchi, après l’inhumation nocturne des deux corps, il a proposé à ses amis de se rendre à la gendarmerie. Mais, le mal était déjà fait. Et Cheikh Béthio qui venait d’en être informé était dans tous ses états.


Désigné comme le chef de file des commandos au service de Cheikh Béthio Thioune, Cheikh Faye a confié que le jour des faits, il a reçu un sms de son condisciple Alé Diouf qui lui demandait de sortir des appartements du Cheikh en urgence. C’est seulement lorsqu’il est sorti du bâtiment qu’il a perçu des pierres qui pleuvaient sur la grande porte en métal. On lui a dit que Bara Sow et son groupe ont investi les lieux et qu’il y avait des affrontements entre disciples du cheikh. Cheikh Faye révèle avoir pris son téléphone pour informer le commandant de la gendarmerie. Il est entré à l’intérieur pour aviser Cheikh Béthio qui a voulu sortir de sa chambre. Il lui a conseillé de ne pas se déranger, il allait régler le problème. Il a noté que lors de la reconstitution des faits, il se trouvait dans la chambre de Cheikh Béthio, en compagnie du procureur Ibrahima Ndoye et du juge d’instruction, Abdoulaye Hassan Thioune. Lorsque les gendarmes ont tiré les coups de feu, ils n’ont rien attendu.

Massamba Fall : «J’ai seulement aidé mes condisciples à cacher les corps»


Accusé d’avoir conduit le tracteur de répression pour écraser Bara Sow et son groupe, Pape Ndiaye a réfuté ces accusations. «J’ai été accusé à tort. Je n’étais même pas au courant des morts, au moment où les gendarmes enquêteurs m’auditionnaient», se défend-il. En revanche, Massamba Fall qui reconnait avoir escaladé le mur de clôture de la concession, a ramassé la première pelle trouvée sur les lieux de la bagarre où il a vu deux corps sans vie au sol. «Je n’ai pas assisté au convoi mortuaire d’inhumation. J’ai seulement aidé mes condisciples à cacher les deux corps. J’ai tenu pendante de l’un d’eux (Ababacar Diagne). Mais je n’avais pas identifié les corps», souligne-t-il. Vers 1h du matin, la fosse commune était prête pour recevoir les corps de Bara Sow mort et d’Ababacar Diagne qui avait encore un tout petit souffle de vie. Les accusés ont innocenté Cheikh Béthio Thioune qui n’était pas au courant de leurs actes.

OUSSEYNOU MASSERIGNE GUEYE

 

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Daouda Mine

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