Enquête : «Comment le charlatan a profité de ma crédulité pour coucher avec moi à 2 reprises»

jeudi 14 novembre 2019 • 1176 lectures • 1 commentaires

Société 4 ans Taille

Enquête : «Comment le charlatan a profité de ma crédulité pour coucher avec moi à 2 reprises»

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IGFM - A Louga, plaider l’envoutement comme argument de défense est à la mode devant Dame Justice. Nombreux sont les justiciables qui se disent victimes d’agissements peu orthodoxes de charlatans véreux. Le plus souvent, sous le charme de ces «faiseurs de miracles», se sont retrouvés sur la paille. Ruinés, ils ont fini par traduire en justice ces arnaqueurs. Plongée dans l’enfer de ces personnes qui se disent victimes d’envoûtement.    

«M. le président, je reconnais avoir détourné de l’argent des caisses de La Poste où je travaillais. Cependant, j’avoue que j’ai été envoûtée par le charlatan O. Nd., à qui j’ai remis à maintes reprises de fortes sommes d’argent», se défendait avec conviction, R.G, prévenue et attraite devant la barre du  Tribunal de grande instance de Louga pour le délit de détournement de derniers publics portant sur la rondelette somme de 295 millions de F Cfa. Ce surprenant moyen de défense que la jeune dame a servi aux juges, avait suscité une vague de réactions du nombreux public, qui ne cessait de murmurer. Il a fallu que le président du Tribunal élève la voix pour remettre de l’ordre dans la salle d’audience. N’empêche, certains spectateurs, assommés par les graves accusations que la jeune dame a portées contre un «respectable chef de famille» très connu à Louga, continuaient à commenter. La question qui taraudait tous les esprits était de savoir si ce moyen de défense pouvait prospérer. Difficile de répondre à cette question. Dans tous les cas, les enquêteurs de la Direction de l’inspection des Postes et de l’audit (Dipa) avaient pris le dossier en main. En retraçant tous les mouvements de fonds effectués par la mise en cause de 2014 à 2017, ils ont découvert que la dame R.G a procédé à plusieurs versements de fonds via Western Union pour le compte de son «marabout», lequel  a encaissé un cumul de 25 millions de F Cfa, compte non tenu des versements officieux (sans traçabilité). Ces «preuves» suffisent-elles pour asseoir la culpabilité du vieux O. Nd, poursuivi pour charlatanisme ? La réponse est non, si l’on prend en compte l’ordonnance de non-lieu total que le juge d’instruction en charge du dossier a décernée en faveur de l’inculpé. Malgré tout, l’ex Directrice régionale des Postes, qui n’a jamais varié dans ses accusations, continue d’affirmer qu’elle a été envoutée. Soit ! L’exemple de R.G n’est pas un cas isolé. A Louga, ils sont nombreux à ester en justice pour des faits d’envoûtement. Dans la capitale du Ndiambour, ces affaires foisonnent au tribunal de grande instance de Louga. Et rien que pour le mercredi 06 novembre dernier, deux affaires ayant trait au charlatanisme ont été enrôlées par le tribunal de grande instance. Cependant, contrairement à ces deux parties civiles, qui ont préféré prendre leur courage à deux mains en portant plainte, certains ont choisi de faire contre mauvaise fortune bon coeur.

«Dès que je me suis lavée avec sa potion, j’ai commencé à lui obéir au doigt et à l’œil»

C’est le cas de Ndèye Ndiaye*, domiciliée au quartier Santhiaba Sud de Louga. Cette femme mariée à un émigré vivant en Italie, garde toujours en mémoire la mésaventure que lui a fait vivre un charlatan. Habillée d’un pantalon Jean sur un tee-shirt à rayures, cette jeune dame de taille moyenne évoque difficilement cette histoire qui a failli lui gâcher sa vie. A son domicile où elle reçoit, en l’absence de son mari, la jeune dame, gênée, lâche, après quelques minutes d’hésitation : «J’avais fait la connaissance d’un charlatan par l’entremise d’une amie. Je sollicitais ses prières, car mes relations avec mon mari étaient devenues exécrables depuis qu’il a épousé une deuxième femme. Je voulais qu’il me fasse des prières afin que nos rapports se normalisent. C’est ainsi que je suis partie chez lui pour une séance de voyance. Il m’a révélée qu’une personne malintentionnée était derrière nos divergences. Il s’était même engagé à tout régler.» C’était le début du cauchemar de Ndèye Ndiaye. Jetant des regards inquiets de gauche à droite, elle poursuit : «Dans un premier temps, il m’a dit qu’il ne voulait même pas être payé. J’étais loin de me douter que c’était sa ruse pour m’endormir. Lorsqu’il m’a remis une potion pour me laver avec, je n’y ai vu que du feu. Là, les choses ont commencé à s’accélérer. J’étais comme possédée. Je lui obéissais au doigt et à l’œil. Il a commencé à me réclamer de l’argent. Au total, je lui ai remis une somme de 450.000 F Cfa en plusieurs versements. Pis, il a couché avec moi à deux reprises.» Ndèye garde cependant son secret pour elle. Honte ou culpabilité ? La bonne dame craignait surtout pour son ménage. Raison pour laquelle elle a opté pour le silence. Elle souffle : «Quand j’ai retrouvé mes esprits, j’ai voulu porter plainte mais finalement, j’ai changé d’avis, parce que je ne voulais pas que ma belle-famille soit au courant de cette affaire et que mon mari me répudie. En plus, j’avais des scrupules pour faire certaines déclarations à la barre du Tribunal». Si Ndèye Ndiaye a perdu 450 000Fcfa et son honneur en faisant confiance à un charlatan, Rama Fall*, elle, s’est vu détrousser de toutes ses parures en or. Son drame a commencé après avoir fait la connaissance de Oustaz Gueye. Après cinq années de mariage sans enfant, Rama, victime de moqueries au sein de sa belle-famille, s’en est ouverte à une de ses belles-sœurs. «Elle était la seule à ne pas se mêler au concert de railleries et on s’entendait bien. Naturellement, je lui ai fait confiance et je lui ai fait part du mal qui me rongeait. Elle m’a conseillé et m’a mis en rapport avec le marabout Oustaz Gueye. Sans arrière-pensée, je suis allée le voir.» Sans s’imaginer que ce serait le début de son calvaire. Le charlatan va la dépouiller de ses maigres ressources. La peau dépigmentée et la poitrine opulente, Rama, la quarantaine, narre : «Après cette première consultation, il m’a demandé de faire quelques sacrifices et de revenir le voir après. Il m’a aussi remis un gris-gris à mettre sous mon oreiller. Son attitude m’inspirait confiance. Il récitait tout le temps des versets du Saint Coran, égrenait sans cesse son chapelet et m’a dit d’emblée qu’il ne pouvait rien, que seul Dieu est omnipotent. Il me racontait ainsi des salades pour mieux me rouler dans la farine. Lors de la 2e consultation, il est resté pensif un bon moment, avant de me dire que les djinns lui avaient montré en songe que j’aurai deux enfants. J’ai sauté de joie.» Son bonheur sera de courte durée. «J’ai à peine fini de savourer la nouvelle qu’il m’a posé la condition des Djinns», enchaîne-t-elle. Ou plutôt sa condition. Celle de lui apporter de l’or. Pas en petite mais en grande quantité. «La valeur de l’or qu’il me réclamait équivalait à 1 million Cfa. Pour mieux me ferrer, il m’a assuré que les Djinns vont le garder une nuit avant de me le remettre le matin de très bonne heure. C’est ainsi que je lui ai remis toutes mes parures. Le matin, quand je suis allée lui apporter le petit déjeuner, je n’ai trouvé personne. Sa chambre était vide. Sur place, il ne restait qu’une natte. Il est parti avec tout l’or que je lui ai remis. Je sais qu’il m’avait envoûtée, sinon je n’allais pas accepter aussi facilement sa proposition. Car dès que j’ai enlevé le talisman que j’avais glissé sous mon oreiller, c’est comme si je m’étais réveillée d’un long sommeil.» Hélas ! Oustaz Gueye était déjà parti. Son or avec.

«Au lieu de me renflouer, le marabout a fait couler mon business»

 

Mor Faye*, jeune commerçant vivant dans le département de Kébémer, a été plus chanceux. Frêle dans son caftan en patchwork, le jeune homme n’a dû son salut qu’à la bienveillance de son frère. Qui lui a évité de se faire dépouiller par un charlatan. Dans son magasin, aujourd’hui dégarni, l’homme laisse traîner un regard vide sur les étagères où ne figurent que quelques articles. Mor revient de loin. Il confie : «Je l’ai échappé belle. Il me reste encore mon local, mais j’ai tout perdu à cause d’un charlatan. Quand je l’ai rencontré pour la première fois pour solliciter des prières, il m’a assuré qu’il pouvait m’aider à redevenir riche, car mes activités ne marchaient plus. Au lieu de cela, il a fait couler mon business. Il m’a ruiné parce qu’il ne cessait de me réclamer de l’argent. J’ai bradé tous mes biens pour le satisfaire. Finalement, j’ai commencé à m’endetter. Mon jeune frère, qui a remarqué que je faisais le tour de mes camarades commerçants pour leur emprunter de l’argent à chaque fois que le charlatan me rendait visite, a compris que j’ai été envoûté. Pour me tirer d’affaire, il a sollicité les services de son guide religieux. Lorsqu’il a compris que mes parents ont pris l’affaire en main, le charlatan a pris la fuite.» Mais le mal était déjà fait. Salimata Mar*, gérante d’un multiservice ayant pignon sur rue au centre-ville de Louga, n’a pas pu tirer son amie des griffes d’un charlatan. Le cœur meurtri, elle avoue son impuissance face à la décision de sa meilleure amie de se marier avec un marabout. «Mon amie est partie un jour chez un charlatan pour solliciter des prières, car elle voulait se présenter à un concours. Mais depuis leur rencontre, elle est tombée sous le charme du vieil homme. Elle était fiancée à un jeune homme de son âge, mais elle l’a laissé tomber pour le marabout. Il faut dire que mon amie est très belle et ne laisse indifférent aucun homme. Elle n’était plus la même. Nous avons tout fait pour qu’elle revienne sur sa décision de se marier avec le marabout, mais elle a catégoriquement refusé, arguant qu’elle l’aimait. Aujourd’hui, elle est devenue sa 4e épouse.» Au grand désarroi de ses parents.

ABDOU MBODJ

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Daouda Mine

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