Financement terroriste et Blanchiment : Le Sénégal sous la menace de nouvelles sanctions

lundi 1 mars 2021 • 2426 lectures • 1 commentaires

Économie 3 ans Taille

Financement terroriste et Blanchiment : Le Sénégal sous la menace de nouvelles sanctions

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Mis sous surveillance par le Groupe d’action financière (Gafi), le Sénégal encourt une pile de sanctions de la part de ses «grands bailleurs» internationaux. L’économiste et enseignant à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), Meissa Babou, et l’expert financier et président exécutif du Think-tank Legs-Africa (Leadership et gouvernance stratégique pour l’Afrique), Elimane Haby Kane, expliquent à «L’Observateur» les conséquences fâcheuses auxquelles le Sénégal est exposé.

Le Sénégal est en mauvaise posture. Le pays est placé sous surveillance par le Groupe d’action financière (Gafi), pour son manquement dans la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Il figure sur la «liste grise» de l’organisme intergouvernemental, en compagnie du Maroc, du Burkina Faso et des îles Caïman. Mais comment en est-on arrivé à cette situation handicapante pour la croissance économique du pays ? D’autant plus que le chef de l’Etat, Macky Sall, a soutenu axer son règne sous le sceau de la gouvernance sobre et vertueuse. Un tandem qui figure en tête de peloton des mille exigences et besoins de transparence du Groupe d’action financière. Pour l’économiste et enseignant à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), Meïssa Babou, les manquements du Sénégal dans la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme sont à chercher dans la manière de faire des pouvoirs publics. Il explique : «Le Sénégal a tous les outils et institutions en matière de bonne gouvernance. Mais force est de reconnaître qu’il n’y a pas une effectivité dans l’action. C’est au niveau de l’engagement des pouvoirs publics que cela traîne. Il y a un problème de volonté politique.» Puisque, justifie-t-il, les rapports de l’Ofnac (Office national de lutte contre la fraude et corruption) et de l’Ige (Inspection générale d’Etat) qui mettent à nus beaucoup de «cafards» de nos gouvernants, n’ont jamais connu de suite. Encore moins un suivi judiciaire. Des faits qui contribuent, sans doute, à plomber la croissance économique du Sénégal.  
Expert financier et président exécutif du Think-tank Legs-Africa (Leadership et gouvernance stratégique pour l’Afrique), Elimane Haby Kane, estime que le «Sénégal est certes engagé à lutter contre le terrorisme, mais a des préoccupations beaucoup plus importantes, à savoir les flux financiers illicites qui quittent le pays pour aller vers les paradis fiscaux». Et sur ce plan, «il n’y a malheureusement pas de mesures effectives prises pour empêcher ces types de flux-là. Le rapport du Gafi montre donc que le Sénégal est loin d’appliquer ses recommandations sur la base de la qualité de ses juridictions, des lois en vigueur et des pouvoirs des organes de saisie et de contrôle mis en place», regrette-t-il, avertissant que les conséquences peuvent être fâcheuses. Elimane Haby Kane : «Ces organismes intergouvernementaux ont un pouvoir sur le système financier international, à savoir les banques. Ils peuvent prendre des contre-mesures pouvant s’appliquer à des pays. Cela peut rendre difficiles les transactions banquières de ces Etats-là avec les banques européennes et américaines, en empêchant les banques de financer notre pays.» Pour preuve, le président exécutif du Think-tank Legs-Africa cite l’Iran qui, par le passé, a eu à subir des sanctions, avec le blocus qui a «étouffé» son économie.
 
«Vers des conséquences néfastes sur le plan des relations internationales ou de la relance des investissements privés…»

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Déjà, le 28 janvier 2021, Transparency international avait montré la couleur. Son rapport sur «l’indice de perception de la corruption», un des principaux indicateurs mondiaux de la corruption dans le secteur public, a classé le Sénégal 13e parmi les pays les plus corrompus en Afrique de l’Ouest et 67e au niveau mondial, en 2020. Avec un score de 45 sur 100. Un classement qui, selon Meissa Babou, conforte la position de notre pays «édictée» par le Groupe d’action financière. Avec à la clé des conséquences économiques pouvant donner un véritable coup de frein aux investissements étrangers privés et publics au Sénégal. Meissa Babou : «Il y a des risques, comme le risque-pays. Les conséquences néfastes sur le plan de nos relations internationales ou de la relance des investissements privés sont énormes. Avec ce rapport du Gafi, un investisseur sérieux va se dire, non seulement que le Sénégal est un pays de corruption, mais pour un oui ou non, il peut être confronté à ce problème-là. Pis, des partenaires véreux et dealers peuvent venir saper son business. Il y a aussi des risques sur le plan de la position du Sénégal par rapport à d’autres pays. Des grandes puissances, comme les États-Unis connus pour être très carrés sur ces questions de corruption-là, surtout quand elles touchent le pétrole, peuvent sanctionner individuellement le Sénégal».
Mais pour le moment, ce scénario «suicidaire» pour notre pays n’est pas encore envisagé et envisageable par le Gafi. Le Sénégal ayant pris «l’engagement de mettre en œuvre des plans d’action dans des délais impartis pour améliorer sa situation». Une donne qui peut changer, si et seulement si l’Etat applique à la lettre les lois mises en place pour promouvoir la bonne gouvernance dans la gestion des affaires publiques et privées du pays. «Le Sénégal a une aide précieuse d’Interpol qui lui fournit des informations, mais c’est au niveau des fonctions que le pays pèche. C’est ce qui énerve les institutions internationales. Dernièrement, on a vu un dealer guinéen arrêté avec 5 milliards de faux médicaments, puis libéré sans aucun motif. Pis, le Sénégal est devenu une plaque tournante de trafic de drogues et tous les grands dealers connus du pays ne sont pas inquiétés. Il faut que les pouvoirs publics soient très sérieux dans la traque et appliquent les lois». Sans état d’âme ni parti pris. Le seul moyen, conseille-t-il, est d'éviter de figurer sur la «liste grise» du Groupe d’action financière, et d’amorcer en même temps l’émergence du pays. 
Le Gafi est un organisme intergouvernemental qui regroupe une quarantaine de pays membres et observateurs. Il a mis en place des instruments de mesure et d’évaluations des systèmes mis en place par les Etats pour lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Le Groupe d’action financière se base aussi sur les lois, législations et institutions financières pour assurer une sécurité financière au niveau international.
IBRAHIMA KANDE

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Publié par

Namory BARRY

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