Henri Camara ressuscite Pape Bouba Diop

mardi 1 décembre 2020 • 1134 lectures • 1 commentaires

Sports 3 ans Taille

Henri Camara ressuscite Pape Bouba Diop

PUBLICITÉ

Entre Henri Camara et le défunt Pape Bouba Diop, c’est une belle histoire d’amitié. Les deux footballeurs qui se sont rencontrés pour la première fois au Jaraaf de Dakar ont su tisser des liens solides et développer une complicité exemplaire en dehors des pelouses. Henri Camara retrace les moments les plus fabuleux. 

Comment est née votre amitié avec Pape Bouba Diop ?

PUBLICITÉ


Cela a démarré en 1996 au Jaraaf de Dakar. Bouba Diop venait faire des tests. Comme je faisais partie des cadres de l’équipe, je suis venu voir les tests. J’ai vu plein de jeunes talentueux, dont Bouba Diop qui était numéro 10, géant et technique. Quand je suis retourné rejoindre mes coéquipiers, c’était notre dernière année dans la catégorie junior, je leur ai dit : «J’ai vu des joueurs aux tests, s’ils sont retenus, ils vont bousculer la hiérarchie.» Ils étaient là à se dire non nous sommes des anciens que nos places sont sécurisées. Le lendemain, je suis allé m’entraîner avec ceux qui faisaient les tests pour assurer ma place. Donc je suis tombé sous le charme de Bouba Diop dès le premier jour que je l’ai vu jouer. J’ai tout fait pour être son ami parce que j’étais l’attaquant et il me fallait faire duo avec un joueur comme lui. C’est au Jaraaf qu’on a commencé à partager le même lit. On jetait nos matelas par terre pour pouvoir les mettre côte à côte, ensuite on prenait nos lits pour délimiter notre espace à nous deux. Voilà comment est partie notre amitié.

PUBLICITÉ


Comment avez-vous fait pour vous retrouver ensemble en Suisse, à Neuchâtel Xamax


Je suis allé un an avant lui, après il m’a rejoint. Quand je suis allé en Suisse, il m’a beaucoup manqué et j’ai tout fait pour qu’il me rejoigne. Quand il est arrivé en Suisse pour faire des tests, on l’avait amené dans une ville un peu loin de là où j’étais. Il m’a dit que son lieu de logement n’était pas nickel. J’ai dit à l’entraîneur (Alain Geiger) que je voulais aller voir le logement de mon copain. Il était dans un endroit vraiment pas nickel, il était avec deux autres joueurs. J’ai dit à mon coach que Bouba n’allait pas passer la nuit à cet endroit-là, qu’il allait venir avec moi à Neuchâtel. J’ai insisté en disant que je ne pouvais pas le laisser dormir dans un tel endroit. Bouba voulait rester, mais j’ai insisté pour qu’il range ses bagages et qu’il vienne avec moi à Neuchâtel. Il est venu vivre avec moi à Neuchâtel, mais il s’entraînait avec une équipe (Vevey-Sports) de troisième division, le temps qu’on règle ses papiers. 


Comment étaient les premiers jours de Bouba en Suisse…


Je me souviens du premier jour, nous sommes allés dîner chez Alain Geiger. Au retour, quand nous sommes descendus à l’arrêt, il m’a devancé. Je lui dis puisque tu es devant, tu me montres la maison. Il s’est arrêté. Je lui ai dit voilà : «Tu ne connais rien ici et tu fais le malin, laisses moi te guider, reste derrière moi.» On a rigolé, je n’arrêtais pas de me moquer de lui, mais il ne se fâchait jamais. Lors de ses premiers jours à l’entraînement, il a souffert du froid, comme moi d’ailleurs. Vous savez en Suisse, il fait très froid. Même moi, mes premiers jours ont été très difficiles et je voulais rentrer au pays. Mais la chance que Bouba avait, c’était qu’il m’a trouvé là-bas et je pouvais l’aider. Bouba et moi étions tellement proches qu’un jour, le coach nous a mis à la pointe de l’attaque. Ce jour-là, il nous a fait gagner le match en marquant l’unique but. Depuis, il a souvent joué avant-centre. Bouba préparait ses matches comme un attaquant. A chaque fois que j’avais le ballon, il faisait un sprint pour être à la réception parce qu’il savait toujours que j’allais lui faire la passe à tel endroit. Ce jour-là, le milieu de terrain qu’il était m’avait impressionné, moi l’attaquant. 


Votre histoire née au Jaraaf consolidée en Suisse a connu son paroxysme en équipe nationale…


Il y avait quelque chose de très fort entre nous, un truc divin. Je ne sais comment l’expliquer, mais à chaque fois que Bouba doit réussir dans quelque chose, ça passe par moi. Quand il devait quitter le Sénégal pour aller en Europe, j’ai joué un rôle. Quand il devait intégrer l’équipe nationale du Sénégal, j’ai joué un rôle. On venait de terminer nos vacances et dans le vol retour, j’ai aperçu Bruno Metsu en première classe. Je suis allé parler à Metsu et dans la discussion, je lui ai dit que je suis avec un de mes amis dans le vol, un joueur, un milieu de terrain très fort qui pourra apporter quelque chose à l’équipe nationale. J’ai présenté Bouba Diop à Bruno Metsu dans l’avion. Bruno m’a promis de l’appeler en sélection et il l’a fait. Après le premier match de Bouba, Metsu m’a dit : «ton ami a fait un grand match, c’est un grand joueur». J’ai appelé Bouba pour lui dire que l’entraîneur était content de lui. Bouba n’a pipé mot, il était ému. Après, il a été régulièrement sélectionné, mais c’est en 2002 lors du match contre le Nigeria qu’il a gagné à jamais sa place dans le onze de départ. 


Vous étiez des complices même dans la façon de célébrer un but ?


C’est dans la chambre qu’on préparait les pas de danse à esquiver si l’un de nous deux marquait un but. C’est moi qui montrais les pas à faire. Et bizarrement quand on mettait une chorégraphie, c’était lui qui la mettait en musique parce qu’il marquait le lendemain. A un moment, je lui ai dit que j’allais arrêter de créer des chorégraphies parce que c’est toujours lui qui marquait et qui faisait la danse à ma place (rire). Même pour le match contre la France (31 mai 2002), j’ai créé la chorégraphie dans notre chambre, il y avait Pape Thiaw, Pape Malick Diop. Je leur avais dit que j’avais pressentiment que l’un d’entre nous (Bouba et moi) allait marquer un but et que si ça arrivait que le buteur enlève son maillot, le jette sur le gazon et que le reste de l’équipe fasse un cercle autour du maillot en dansant. Il en fut ainsi. Si vous revoyez les images, ce jour-là je n’avais pas joué, mais j’ai jubilé comme un malade. Même l’entraîneur a été surpris de me voir si heureux pour quelqu’un qui n’était pas titulaire. J’étais énervé, mais Bouba a pris ma revanche.


Avez-vous joué un rôle dans son transfert en France et en Angleterre ?


Quand il devait venir en Angleterre à Wolverhampton, il a voulu me faire la surprise. C’est quelqu’un qui m’a appelé pour me dire que Bouba est en Angleterre pour des tests. Je l’ai appelé, il a hésité, je lui ai dit je sais que tu es à Wolverhampton, mais tu mérites mieux que la deuxième division. A l’époque, je venais de quitter ce club pour aller à Celtic. Je lui ai dit que je le mettras en rapport avec un agent. C’est ce dernier qui l’a fait signer à Fulham. L’entraîneur de Fulham disait qu’il avait ramassé un diamant dans une poubelle : il venait d’avoir un si bon joueur libre de tout contrat. Quand j’étais dans des difficultés, Bouba m’a proposé au staff de Fulham, malheureusement ça ne s’était pas concrétisé. Par la suite, il a voulu me rejoindre à Wigan, mais ça ne s’est pas fait. 


Aujourd’hui, la mort vous sépare…


Je l’ai appelé la semaine passée, je lui ai envoyé un message, il n’a pas répondu. J’ai appelé, il a coupé puis il m’a envoyé un message. On a échangé, mais il me rassurait. Je ne voulais pas lui parler de la maladie directement, mais je lui ai dit que je suis là au cas où il aurait besoin de moi. «Merci bro», c’est le dernier message qu’il m’a envoyé. Quand j’ai appris sa mort, je me suis enfermé dans une chambre pour pleurer, nos images défilant dans ma tête. Je me suis dit : il fallait qu’il me retrouve pour enfin partir. Parce que c’est dans la semaine qu’on s’est parlé qu’il est mort.


Idrissa SANE

Cet article a été ouvert 1134 fois.

Publié par

Namory BARRY

admin

1 Commentaires

Je m'appelle

Téléchargez notre application sur iOS et Android

Contactez-nous !

Ndiaga Ndiaye

Directeur de publication

Service commercial