(Interview) Alioune Badara Cissé : "Macky ne comprend pas..."

mardi 14 août 2018 • 611 lectures • 1 commentaires

Actualité 5 ans Taille

(Interview) Alioune Badara Cissé :

PUBLICITÉ

 

IGFM-Le Collectif des associations «Sopé» (Sénégalais résidant à Lyon) a accueilli samedi, le Médiateur de la République pour discuter du thème : «Les droits des Sénégalais de la Diaspora, quel rôle pour le Médiateur de la République ?» Me Alioune Badara Cissé s’est soumis à l’interrogatoire d’une Assemblée d’une centaine de personnes. Il a répondu, sans tabou, à toutes les questions.

Beaucoup dénoncent le fait que le Médiateur de la République se prononce sur des questions d’actualité. Est-ce que les dispositions de la loi qui régissent le fonctionnement de la Médiature vous y autorisent ?

Le Médiateur de la République est nommé par le président de la République pour une période de six ans non renouvelable et non révocable. Il n’est révocable que dans les mêmes conditions que le serait le chef de l’Etat. Tout cela, c’est pour garantir sa liberté de ton et d’action. Le Médiateur de la République est totalement indépendant. La loi dit que le Médiateur ne prend d’instructions de personne. Et cela semble choquer certains, mais c’est comme ça, depuis 1991. Que les gens qui m’ont précédé en aient fait usage ou pas, ce sont les dispositions de la loi que je n’ai pas inventées. Le Médiateur de la République ne peut ni être poursuivi ni arrêté dans l’exercice de ses fonctions. Il a une immunité de plaidoirie. Il peut dire ce qu’il veut, tant que c’est dans l’exercice de ses fonctions. On ne le contingente pas dans des vocabulaires de sur-convulsion pour qu’untel ne s’énerve pas. Ce n’est pas mon problème. On ne cherche à plaire à personne. La plus grande garantie de l’indépendance du Médiateur de la République, c’est ses rapports avec le chef de l’Etat. Le Médiateur n’a d’autre interlocuteur que le chef de l’Etat. Le Médiateur de la République a obligation, tous les ans, de déposer un rapport dit annuel entre les mains du chef de l’Etat, avant qu’il ne soit rendu public. On nous entend parler partout, mais il faut le faire. Car il y a de nouvelles interpellations citoyennes. Les interdictions intempestives de manifestations que les préfets desservent à tour de bras, pour faire plaisir à la hiérarchie, ce n’est pas juste. Parfois, cela arrange le chef de l’Etat qu’une opposition soit freinée dans ses velléités de faire une marche ou une manifestation. Mais, il est important que le chef de l’Etat (Ndlr : Macky Sall) comprenne qu’il y a des contre-pouvoirs administratifs et institutionnels qui ne sont pas seulement la société civile.

Votre sortie de Fatick vous a valu de sévères critiques des responsables Apr…

Les gens qui sont pour le président de la République, sur le terrain, ne lui rendent pas compte. Ils ne sont là que pour lui dire ce qu’il veut entendre. Et au moment final de s’exposer au suffrage des citoyens. Il ne comprend pas. Je lui ai dit de revenir à Fatick. Ils ont besoin de son sourire, sa sympathie. Car il aura gagné partout dans le Sénégal, s’il ne gagne pas largement à Fatick, il aura perdu. Je lui ai dit que de cette ville sont partis beaucoup de combats. Je vais me dévêtir de ce manteau de Médiateur, pour lui dire que nous les avons aussi menés ensemble. Qu’il revienne à Fatick !

Quels commentaires faites-vous des attaques de responsables Apr contre votre personne ?

Je n’ai aucun commentaire à faire sur des réflexions qui tiennent de l’incurie.

Dans environ six mois, aura la Présidentielle. Estimez-vous toutes les conditions réunies pour un scrutin démocratique, transparent et apaisé, en dépit des contestations de l’opposition ?

Ce sera un gros problème sur lequel se prononcer maintenant tiendrait du pari impossible. Mais je décrie le changement des règles du jeu en cours du match, comme la loi sur le parrainage. Il y a des contestations sur la légifération du parrainage qui pose problème. Le parrainage démarre le 24 août et s’achève le 24 décembre. Cela ne devrait pas être difficile pour ceux-là qui veulent être chef de l’Etat du Sénégal, d’acquérir 65 000 parrains. Je pense qu’il y a des partis qui sont prêts pour aller déposer leur caution, avoir leur quitus fiscal et aller à la chasse des parrains. D’autres peut-être ne le sont pas.

De plus en plus, on parle de votre possible candidature à la prochaine Présidentielle. Seriez-vous candidat ?

Est-ce que je suis candidat, je n’en sais rien du tout. Rien ne fait obstacle à ma candidature. Rien ! Je suis citoyen sénégalais, j’ai plus de 35 ans, je sais lire et écrire en français… J’ai les mêmes droits que Macky Sall, Ousmane Sonko, Idrissa Seck… Je suis Médiateur, je n’appartiens à aucun parti politique, mais aussi je suis un homme politique. Je ne suis d’aucun bord. J’ai cessé d’ailleurs de chercher un bord, je dois en trouver un qui ne sera nul autre que celui que je me serais tracé moi-même. Je prépare aussi mon avenir, même si c’est trop dire à 60 ans. Mais j’en ai un. Si je devrais être candidat un jour, ce n’est pas à Lyon que je vais faire la déclaration. Dans le secret de ma délibération, je répondrai à cette question.

L’année universitaire 2017-2018 a été invalidée dans quatre Ufr à l’UGB, dont celle de Droit. Quelles sont les causes d’une telle dégringolade éducative ?

C’est une immense consternation pour moi, il y a trois ou quatre jours, en apprenant l’invalidation de l’année universitaire pour l’Ufr de Droit à l’Université Gaston Berger (UGB). Consternation, parce que j’en mesure l’étendue, la dimension et la tristesse qui animent ces étudiants. Je la mesure aussi à l’incurie de ceux-là par la faute desquels, ceci est arrivé. Il y a énormément de causes, mais avec une seule conséquence dramatique aujourd’hui : les étudiants qui vont reprendre l’année. L’enseignement, c’est du sérieux. Ces guéguerres entre les ministres de l’Enseignement supérieur (Ndlr : Mary Teuw Niane) et de l’Economie, des finances et du plan (Ndlr : Amadou Bâ) doivent cesser. Et rien ne peut les faire cesser, si ce n’est une décision majeure du président de la République (NDLR : Macky Sall). Un Etat, c’est fait pour prendre des décisions. Il faut que cela cesse ! Car on ne peut pas, sur fond de rivalités politiques, hypothéquer l’avenir des étudiants et conséquemment, du Sénégal. C’est une catastrophe ! Aujourd’hui, on a porté à ces étudiants, un préjudice incommensurable. Pour éviter le gonflement des effectifs, à cause du redoublement général, on n’orientera pas en Première année. Et au niveau des écoles privées, on n’acceptera pas encore de nouveaux bacheliers, parce qu’il y a encore une ardoise extrêmement lourde que l’Etat leur doit.

L’Université virtuelle pourrait être une solution…

L’Université virtuelle, dis-donc, elle est virtuelle, elle n’est pas réelle. Il faut qu’on arrête avec ces inventions et qu’on mette des étudiants en face de professeurs, c’est le mode d’enseignement auquel nous sommes habitués. Vous prenez par exemple, un étudiant qui vient de Koungueul et qui n’a jamais manipulé un ordinateur, et vous voulez en faire un étudiant de l’Uvs. Non ! Il sera toujours le dernier de sa classe. Il ne faut pas qu’on fasse des réformes pour faire des réformes. L’Université du Sine-Saloum est la même chose. Elle n’est même pas achevée, et voilà qu’on lui donne une date d’inauguration. Il faut être sérieux ! Il n’y a aucune course contre la montre que nous devions adopter ou aborder. Il ne faut pas répondre au coup par coup (augmentation des bourses des étudiants). Une réforme doit être globale et multilatérale. Il faut que l’avenir des étudiants soit pensé avec les étudiants. Il faut que l’adéquation formation-emploi soit effective. Il ne faut pas que l’on perde, tout le temps, dans les classes primaires et secondaires, à apprendre des matières dont on ne fera jamais usage. Nous avons un programme pour le Sénégal de 2035, il faut le mettre en valeur, avec des hommes et femmes prêts pour 2035.

Pourquoi n’étiez-vous pas intervenu ?

D’abord, il y a un comité de concertation et de pilotage regroupant toutes les parties prenantes qui a été mis en place, et qui n’a pas fonctionné. Ensuite, le président de la République s’est choisi un médiateur, en la personne de l’éminent chanteur, Oumar Pène, et on n’a pas voulu gêner son action. Il faut que ceux qui ont en charge certains secteurs, les prennent en main et règlent les problèmes qui s’y posent. Il y a un an et demi, nous avions convenu avec l’ancien Recteur, Baydallah Kane, et l’Amicale des étudiants de l’UGB, sous le regard intéressé de l’Amicale des anciens étudiants de Sanar, de faire en sorte qu’à chaque fois qu’un problème se pose, que la Médiature puisse être impliquée, dès le départ, en vue de rechercher des solutions. Car Il y a deux ans, le baccalauréat était menacé. Il a fallu que le Médiateur s’autosaisisse, après en avoir informé le chef de l’Etat, parce que toutes les voies avaient été épuisées. Les revendications des enseignants étaient légitimes. A force de faire les promesses et de ne pas les tenir, il n’y avait plus d’interlocuteur crédible. Cette année-là, nous avions sauvé l’année.

La mort de Fallou Sène a été la goutte d’eau de trop…

Il faut que les forces de l’ordre comprennent, même si elles ont été réquisitionnées par le Recteur, qu’on ne rétablit pas l’ordre en face d’étudiants n’ayant que des cailloux à la main, avec un fusil. Ce n’est pas juste ! C’est disproportionnel. Même si l’attaque est avérée, la riposte n’est pas proportionnelle. Les étudiants ne sont pas des démolisseurs de bureaux ni des pyromanes. Il ne faut pas en tuer un pour envenimer le phénomène et l’écaler sur l’ensemble des établissements du Sénégal. Cela aurait pu être dans diverses universités où l’année aurait été invalidée. Il faut que ces étudiants également comprennent qu’on n’est pas à l’Université pour faire des grèves sans cesse et qu’on y est pour des études. Qu’il n’y a pas de conditions préalables, quand on est étudiant.

Le baccalauréat sénégalais ne risque-t-il pas de perdre de sa valeur ?

Le baccalauréat sénégalais est un diplôme de valeur première dans l’espace Uemoa. Mais aujourd’hui, on est tellement déclassé que les pays qui ont eu leurs premiers bacheliers en 1971 ont pris le pas sur le Sénégal. Les grèves sont immenses et de longue durée. On ne sait plus quand l’année commence et s’achève. Pour un chef de l’Etat qui a été lui-même, dirigeant du mouvement estudiantin, c’est gros. Il a envie que cela change. Mais dans un gouvernement de coalition, qu’est-ce que vous voulez faire ? Le ministre est beaucoup plus loyal vis-à-vis du chef de parti qui a proposé sa nomination, que du chef du gouvernement ou du chef de l’Etat. C’est pour cela d’ailleurs, que les délibérations en conseil des ministres ne sont pas respectées dans leur secret, on les retrouve dehors. Parce qu’en réunion de parti, on rend compte. Et quand on rend compte, ceux-là à qui on rend compte ne sont pas tenus au secret des délibérations. On ne peut pas ne pas s’enrager.

Quelle appréciation faites-vous de la diplomatie sénégalaise d’aujourd’hui ?

La diplomatie sénégalaise est extrêmement bien rodée dont la pierre angulaire tourne autour du chef de l’Etat. Et c’est peut-être à ce niveau qu’il y a moins d’indépendance. J’ai commandé cette diplomatie avec des cadres de très haut niveau. Il n’y a pas encore très longtemps, toutes les institutions internationales étaient dirigées par les Sénégalais sur un quota africain. Ce n’est que très récemment, je l’avoue, qu’il y a cette grosse dégringolade au niveau des institutions internationales. Le quantum des postes dévolus aux Sénégalais est atrocement revu à la baisse. Il y a un effort à faire.

CHIMERE JUNIOR LOPY (LYON, FRANCE)

 
')}

Cet article a été ouvert 611 fois.

Publié par

Daouda Mine

editor

1 Commentaires

Je m'appelle

Téléchargez notre application sur iOS et Android

Contactez-nous !

Daouda Mine

Directeur de publication

Service commercial