(Interview) «Le Président n’est pas content…»

vendredi 25 octobre 2019 • 365 lectures • 1 commentaires

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(Interview) «Le Président n’est pas content…»

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IGFM - Le Garde des Sceaux, ministre de la Justice n’est pas du genre à porter des gants quand il parle. Dans cet entretien accordé à «L’Observateur», Me Malick Sall n’a pas varié dans ses positions. Il a laissé couler un fleuve de révélations.

L’actualité, c’est la position controversée du Sénégal au Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies et qui a causé le limogeage de deux fonctionnaires (Moustapha Kâ et Samba Ndiaye Seck). Qu’est-ce qui n’a pas marché ?

C’est difficile de vous dire ce qui n’a pas marché. Et pourtant, le problème était simple. Cette délégation était composée du directeur de Cabinet du Secrétaire d’Etat aux Droits humains Samba Ndiaye Seck, du directeur des droits humains Moustapha Kâ, des représentants du ministères des Affaires étrangères. Au dernier moment, j’ai demandé au diplomate Moustapha Ly d’accompagner la délégation pour l’encadrement technique. Ils étaient porteurs d’un rapport qui est établi tous les 6 mois. Ce rapport a été préparé de longue date. La cheville ouvrière de ce rapport, c’est Moustapha Kâ qui établit un draft, mais il y a une commission interne désignée par le ministère qui travaille là-dessus pour la validation du rapport final. Ce rapport est ensuite envoyé aux Affaires étrangères et par la voie diplomatique aux Nations Unies. Donc ce rapport est déjà parti à Genève. Les membres de la délégation avaient une copie et ils étaient juste partis pour présenter ce rapport. Après présentation, des experts posent des questions sur le rapport. Je rappelle que dans le rapport, il n’est nullement mentionné le cas de Karim Wade, ni de quelqu’un d’autre. C’était juste les points sur les situations des droits humains au Sénégal. Après la restitution, il y avait un Tunisien qui a attaqué la délégation sénégalaise en disant que le Sénégal vient toujours présenter de superbes rapports, mais il ne respecte jamais les instructions qu’on lui donne. Il a cité le cas Karim Wade. Après les questions, on donne à la Délégation 10 minutes afin qu’elle puisse se concerter et venir apporter des réponses. Quand ils sont sortis, ils ont décidé de se partager les rôles. Ils avaient convenu de répondre sur toutes les questions, sauf sur celle concernant Karim Wade, parce qu’elle n’était pas à l’ordre du jour. Moustapha Kâ, lui, a dit qu’il avait des éléments de réponse sur ce dossier. Les autres membres de la délégation ont essayé de l’en dissuader en lui proposant de dire aux experts inspecteurs que la réponse leur sera transmise par écrit. Mais, il a fait sa sortie.

Qu’est-ce qui justifie ce comportement ?

Je lui ai posé la question lors de la séance d’explications que j’avais convoquée, le lundi 21 octobre 2019, dans mon bureau. Il m’a dit qu’il ne savait pas. Il m’a parlé d’une lettre qu’on aurait écrite en son temps. Après vérification, il s’est avéré que la lettre provenait de lui (Moustapha Kâ). C’est lui qui l’a rédigée en janvier 2019 et la lettre était adressée au groupe de travail des Nations Unies. Les courriers adressés à ce groupe n’ont aucun impact. Cette remarque n’a jamais été retenue parce que la position du Sénégal doit émaner du ministère des Affaires étrangères. Je lui ai demandé pourquoi il a répondu à cette interpellation parce qu’il n’était pas dans l’obligation de le faire. Je lui ai même demandé s’il n’y avait pas quelque chose derrière. Il m’a dit que «Non». Moi, je ne sais ce qui lui est arrivé. Ceux qui l’ont accompagné m’ont dit que, quand il a commencé à parler, ils se sont inquiétés.

Avec l’aisance et la maîtrise du sujet, on a tendance à croire qu’il détient des informations sur ça. Est-ce qu’il n’y a pas une part de vérité dans ce qu’il a dit ?

Non. Un comité est même mis en place pour apporter une réponse définitive à cette déclaration. Et la réponse sera communiquée pour qu’on sache définitivement la position du Sénégal. Ce qui a été dit, ne peut pas être une déclaration d’un Gouvernement. Et le Gouvernement du Sénégal est un Gouvernement sérieux. Parce que tout simplement, ce n’est pas possible. Ce n’est pas juridiquement faisable. Indemniser un citoyen qui a été condamné ne relève pas du chef de l’État.

C’est une indemnisation par rapport à cette détention arbitraire…

Cela ne relève pas du chef de l’État. Si quelqu’un estime qu’on doit l’indemniser, il lui appartient de saisir la Cour suprême, qui doit, dans des conditions extrêmement strictes, savoir s’il faut l’indemniser ou non. Aucune autorité du Sénégal ne peut estimer que Karim Wade a été détenu de façon arbitraire. Le malentendu, s’il y en a, c’est que nous avons un Code, une procédure judiciaire. Et dans notre corpus judiciaire, il y a la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) que le Président Macky Sall n’a pas créée. La Crei était là du temps de Diouf, le Président Abdoulaye Wade ne l’a pas créée, il l’a trouvée sur place. Il y a eu un problème et ces genres de problèmes sont gérés par la Crei. Le malentendu est qu’au niveau des cadres des Nations Unies, leurs seuls termes de références sont le droit anglo-saxon. Et la liberté de l’individu est la base du droit anglo-saxon. C’est qu’il ne peut pas y avoir de juridictions où il n’y a pas deux degrés. Alors que notre Droit est basé sur le Droit français où il y a la possibilité de créer des juridictions d’exception. Toute personne de bonne foi sait quand même que Karim Wade s’est défendu. Seulement, il s’est défendu à l’intérieur du pays comme à l’étranger. Il a saisi la Cour suprême et a été au niveau des Cours africaines. Il a été même aux Nations Unies.

Cela ne peut être résolu, mais il y a que l’image du Sénégal a été chahutée avec cette sortie-là.

Je vous le concède. Effectivement, c’est malheureux.

Mais aussi, c’était la voix officielle du Sénégal. Qu’allez-vous faire de ces engagements ?

Ces engagements sont non-avenus. Ce qui est dit dans la déclaration, avec toute la bonne volonté du monde, le chef de l’État ne peut pas le faire.

Mais cela ne vous met-il pas dans une posture inconfortable ?

Absolument pas ! Les gens le voient comme ça, mais ce n’est pas une position inconfortable. Parce qu’eux comme nous, savent ce que le droit permet et ce qu’il ne permet pas. Pour que les choses soient claires une bonne fois pour toute, un comité est mis en place au ministère de la Justice pour préparer une réponse définitive qui sera envoyée au Comité des Nations Unies.

Pour corriger les errements ?

Non pas pour corriger, mais pour préciser. Parce qu’encore une fois, il n’y a pas eu d’errements de l’État du Sénégal. Il y a eu errements d’un fonctionnaire sénégalais et ce dernier a été sanctionné. Si c’était dans une entreprise privée, quand un employé commet une faute lourde, on le licencie sans préavis. Ici, c’était un fonctionnaire et non un employé dans le privé. Et il a été, du coup, démis de ses fonctions, en respectant les procédures.

Mais est-ce que le Sénégal ne s’exposerait pas à des sanctions, s’il ne respecte pas quand même ses statuts ?

Encore une fois, cette sortie est malheureuse. Et qu’au fond elle n’engage que son auteur.

Son auteur a parlé au nom du Sénégal…

Son auteur n’était même pas le chef de la délégation. Donc, il a parlé en son nom personnel. En aucune façon, il ne peut engager la responsabilité de l’État. Quand j’ai lu ça, immédiatement, j’ai saisi le président de la République. Je ne suis qu’un ministre, les décisions des autorités peuvent être prises à d’autres niveaux. Le Président m’a dit qu’il n’était pas informé de ça.

Dans quel état le Président était-il ?

Le Président n’était pas content et c’est normal. Il m’a dit qu’il en a entendu parler, mais il pensait que c’était un «Fake news». Je lui ai dit que malheureusement, c’est la réalité. On n’a pas dormi cette nuit-là. Après vérification, il fallait réagir tout de suite, d’autant plus que nous avons en face de nous, des gens qui ne sont pas toujours de bonne foi. Je ne les condamne pas. Quand on est dans une mauvaise situation, on a le droit d’utiliser tout ce qu’on peut pour se sortir de là. Vous savez bien que si on n’avait pas démenti dans la nuit, les avocats de l’autre partie allait en tirer les conséquences tout de suite, en disant voilà, c’est la position définitive du Sénégal. Par conséquent, nous sommes en droit de réclamer la révision du procès de Karim Wade et sa réhabilitation, son indemnisation. D’ailleurs, d’aucuns l’ont fait déjà. On savait bien que c’était ça le but recherché. Tout cela nous amène à nous poser des questions.

Moustapha Kâ a été sanctionné, mais, le problème reste entier. Est-ce qu’il y aura une enquête pour savoir ce qui s’est réellement passé ?

Bien sûr qu’il y aura une enquête pour déterminer ce qui s’est passé.

Une enquête de quelle nature ? Administrative ?

Bien entendu, on va vérifier puisque quand même dans le meilleur des cas, c’est un couac. On ne peut pas, pour des affaires pareilles qui pourraient avoir des incidences assez lourdes dans le fonctionnement de l’État, laisser ça comme. On ne peut pas dire que Moustapha Kâ qui est l’auteur est viré, et c’est fini. Le Sénégal est quand même un Etat organisé, le minimum c’est de voir quels sont les soubassements.

Vous soupçonnez qu’il y a quelque chose derrière ?

Je ne soupçonne pas. Je suis un avocat. Par définition, je présume que tout le monde est innocent, jusqu’à preuve du contraire. Il y aura des enquêtes nécessairement. On verra ce qui était le soubassement de ça. Si c’était une manœuvre, ça vient d’où ? Et si ça vient de là-bas, quel a été le but visé ? Pour ça, on verra.

Maintenant, Moustapha Kâ a été démis de ses fonctions. Mais, on a voulu réparer une erreur par une erreur, d’après l’Ums. Parce que c’est un magistrat, il fallait donc passer par le Conseil supérieur de la Magistrature. En respectant le parallélisme des formes parce qu’il a été nommé par un décret présidentiel…

Vous pensez que vraiment l’avocat que je suis qui exerce depuis plus d'une quarantaine d’années, va commettre ce genre d’erreurs-là ? L’Ums est dans son rôle. J’ai discuté avec l’Ums avant qu’elle ne sorte ce communiqué-là. Elle est dans son rôle, c’est un syndicat. Un de vos agents est sanctionné, bien que vous savez tous que la sanction est largement méritée, c’est normal de sortir un communiqué pour un soutien de principe. Mais, aucun membre ne l’Ums ne peut dire que cette sanction n’est pas méritée. Ils savent tous que c’est totalement mérité.

Mais est-ce que la procédure a été respectée ?

On l’a respectée. Moustapha Kâ est un magistrat, c’est le Conseil supérieur de la Magistrature qui l’a effectivement mis à la disposition de l’Administration centrale. Une fois au sein de l’Administration centrale, il y a un décret du Président qui l’a nommé. Pour le remplacer, il y a eu un décret qui a nommé quelqu’un d’autre à sa place. Les chartes ont été respectées.

Pour le cas de Moustapha Kâ, c’est clair. Mais qu’est-ce qui est reproché à Samba Ndiaye Seck ?

Excellente question. Samba Ndiaye Seck m’a lui-même dit : «Honnêtement, je n’ai rien fait.» Je lui ai dit, justement, vous n’avez rien fait, mais vous étiez le chef de la délégation (du Sénégal au Comité des droits de l’Homme des Nations Unies, Ndlr). Samba Ndiaye Seck m’a dit que quand ils se sont retirés pour se concerter, en tant que chef de la délégation, il a dit à Moustapha Kâ qu’on ne répond pas à cette question, car ce n’étant pas à l’ordre du jour. Mais Moustapha Kâ a répondu par le contraire. J’ai dit à Samba Ndiaye Seck, en tant que chef de la délégation, c’était de votre faculté de refuser (que Moustapha Kâ réponde à la question). A ce titre, je lui ai dit qu’il était responsable. Et quand on est chef, on doit assumer ses responsabilités. Il l’a laissé faire et il n’a pas rendu compte à qui de droit. J’aurais compris, même si Moustapha Kâ décide d’outrepasser, en tant que responsable, Samba Ndiaye Seck devait immédiatement prendre l’attache de la Chancellerie ou bien de l’ambassadeur pour attirer leur attention. C’est là une erreur de sa part.

Est-ce que Samba Ndiaye Seck n’a pas été lourdement sanctionné par rapport à Moustapha Kâ ?

Non. Samba Ndiaye Seck est un directeur de Cabinet. Le directeur de Cabinet, ce n’est pas un métier, c’est une fonction en rapport avec la confiance du Secrétaire d’Etat. Quand il y a des choses comme ça, honnêtement, je pense que même si on ne les avait pas démis, ils (Moustapha Kâ et Samba Ndiaye Seck) allaient démissionner d’eux-mêmes. Je les ai rencontrés et j’ai vu comment ils se sont expliqués. Tous ont reconnu leurs erreurs. Honnêtement, je pense qu’ils allaient démissionner. En tant qu’agent de l’Etat, j’ai pris mes responsabilités.

On a noté que dans l’affaire Woury Diallo, arrêté dans l’affaire de faux médicaments, il y a eu des dysfonctionnements ayant conduit à sa grâce présidentielle. L’Etat avait promis de mener des enquêtes pour tirer au clair cette affaire. Où en êtes-vous ?

C’est une affaire malheureuse qui est partie d’une situation de sous-équipement. Quand quelqu’un est condamné et qu’il décide de faire appel, ça peut se faire par déclaration au greffe tout de suite ou bien après par son avocat. Si c’est au greffe, l’appel est immédiatement transmis à l’Administration pénitentiaire. Si c’est l’avocat, parfois il arrive qu’il y ait des couacs. C’est-à-dire, quand une décision est frappée d’appel, on l’inscrit sur le verrou. Ce qui fait que si cette personne est proposée à la grâce, l’Administration pénitentiaire fait constater que sa condamnation est frappée d’appel. Mais s’il s’agit d’un avocat qui a écrit pour dire qu’il fait appel pour le compte de quelqu’un, avec la non-informatisation du greffe, l’appel peut tarder à  être répercuté à l’Administration pénitentiaire. Ce qui fait que, quand le cas de Woury Diallo s’était présenté, l’Administration pénitentiaire a vérifié le document. Elle n’a pas vu qu’il avait fait appel, donc elle n’a pas fait d’objection. Et c’est comme ça que Woury Diallo a pu profiter de l’occasion. C’est comme ça qu’on a maintenu son nom sur la liste des personnes qui devaient être graciées. Le président de la République, dans ces cas-là, ne peut pas vérifier. Dans ces cas, il fait confiance à son Garde des Sceaux. Ici, au niveau du ministère de la Justice, il y a la Direction des affaires criminelles et des grâces. C’est cette direction qui prépare les dossiers, les vérifie et les confronte.

Est-ce que l’enquête a déterminé les niveaux de responsabilités dans cette affaire ?

C’est ce que j’explique. L’appel a été fait par le canal d’un avocat. Il a fait une déclaration pour dire que mon client (Woury Diallo) a été condamné, j’interjette  appel. Cet appel n’a pas été enregistré au niveau du greffe.

Est-ce que ces dysfonctionnements sont tolérables ?

C’est pour ne plus tolérer ces dysfonctionnements que nous avons tiré les leçons. Aujourd’hui, ça ne peut plus se produire avec l’informatisation des greffes.

La question d’un éventuel 3e mandat du Président Macky Sall fâche au plus haut sommet de l’Etat. Comment vous analysez cela ?

Je suis le ministre de la Justice. Et pour être ministre de la Justice, il faut avoir la confiance du chef de l’Etat. Nous avons fait campagne pour que le Président Macky Sall puisse avoir un deuxième mandat. Il l’a eu avec brio au premier tour. Il a été réélu, il n’y a même pas 8 mois, où est la pertinence de parler d’un 3e mandat si ce n’est pas pour divertir les gens ? Avec toutes les charges que j’ai, vous pensez que je vais me mettre à discuter du sexe des anges, en parlant d’éventualités ? Quand on gère, on gère l’existant. Ce qui est constant aujourd’hui, c’est que le Président Macky Sall a été élu en 2012, il s’est présenté en 2019 pour avoir un deuxième mandat qu’il a obtenu par la grâce de Dieu et par son combat personnel. Et il lui faut multiplier les efforts pour réussir ce mandat actuel afin de rentrer dans l’histoire. Moi, je travaille dans cette dynamique. Le Président Macky Sall a bien mené son premier mandat. Nous allons tout faire pour que son deuxième mandat soit encore mieux pour l’intérêt des Sénégalais. Honnêtement, la discussion doit s’arrêter. On peut poser toutes les questions, mais le 3e mandat n’est pas d’actualité. Ceux qui portent ou développent ce genre de questions essaient de distraire le chef de l’Etat de son travail normal de gouverner ce pays en toute sérénité. Cela n’est pas dans mon rôle.

Est-ce que parler du 3e mandat pour Macky Sall mérite que l’on sanctionne l’ancien Directeur des Sénégalais de l’extérieur, Sory Kaba ?

Rien ne permet de dire qu’il a été sanctionné pour cela. Le décret, c’est le président de la République qui le prend. Ce monsieur (Sory Kaba) avait été mis à ce poste de Directeur des Sénégalais de l’extérieur. Le président de la République a le pouvoir de l’enlever de ce poste là. Il l’a fait. Personnellement, je ne sais pas pourquoi il a été démis.

Ce qui gêne dans cette affaire, c’est la coïncidence des sorties de certains membres du parti au pouvoir (Apr) et la décision de limogeage de Sory Kaba… 

Personne ne peut condamner les journalistes pour des questions qu’ils posent. C’est leur rôle. Combien de fois il y a eu des sorties  pareilles vis-à-vis d’un fonctionnaire, d’un ministre ou d’un député ? Est-ce que cela a été la cause de mesures que le Président a pris ? Le Président prend des mesures en fonction des situations. Le président de la République est l’homme le plus informé de ce pays. Il peut avoir des raisons objectives que lui seul sait. Même les pires ennemis du Président Macky Sall lui reconnaissent d’être un homme d’Etat. Donc, accordons lui le bénéfice de la bonne foi.

Vous dites que le débat ne devrait même pas être posé. Mais, est-ce que c’est le texte sur la limitation de mandat qui pose problème ?

Il n’y a ni interprétation, ni problème de texte. C’est tout simplement que nous aimons trop parler. Et nous avons une presse qui a un intérêt à soulever la question tous les jours. Et il y a des gens qui aiment trop les micros et qui se lancent dans les conjonctures. J’estime que ce n’est pas un sujet d’actualité. Et je n’ai pas envie de perdre mon temps à rentrer dans les discussions qui sont inopportunes.

Il y a un comité de réforme de la justice mis en place par votre prédécesseur Ismaël Madior Fall et qui était présidé par le Pr Issac Yankhoba Ndiaye…

On a déjà obtenu la réforme du Conseil supérieur de la magistrature (Csm).

Pas comme l’a proposé l’Union des magistrats sénégalais (Ums) qui veut que le chef de l’Etat ne préside plus le Csm…

Ce n’est pas une demande formelle et elle ne peut pas prospérer dans le corpus actuel. De hauts magistrats soutiennent que sortir le Président du Csm serait une catastrophe, car le Président est un arbitre. C’est rare de voir un Président proposer un candidat. Le Conseil supérieur de la magistrature est préparé ici par le secrétaire du Csm avec le directeur des affaires juridiques. Personne ne peut dire que dans tel dossier, le Président a imposé ou refusé un autre candidat. Vous savez que si la justice est n’importe quelle structure humaine, il peut y avoir des conflits d’intérêts. Il y a des jeunes et des vieux. Le Secrétaire général ou la Chancellerie peut proposer quelqu’un et que d’autres s’y opposent. Cela peut bloquer les institutions. La seule différence dans les nouvelles dispositions, c’est qu’avant le Conseil supérieur de la magistrature était systématiquement présidé par le président de la République, mais la nouvelle formule permet parfois au Président de déléguer le Garde des Sceaux qui préside à sa place.

Qu’est-ce qui va changer fondamentalement dans la composition et le fonctionnement ?

Ce qui va aussi changer, c’est le quota, parce que la Justice est une structure d’équilibre. Il y avait ce qu’on appelait les jeunes, les gradés, les hors-hiérarchies, les premiers degrés… Aujourd’hui, ce sont les premiers et deuxièmes degrés qui sont plus nombreux. En démocratie normale, il a fallu augmenter le quota de votes. C’est sur ce jeu-là qu’on a un peu changé pour équilibrer les rapports. Parce qu’avant, les anciens étaient plus nombreux. Aujourd’hui, les jeunes sont plus nombreux. Donc, il a fallu tenir compte de ces situations-là pour faire en sorte que ce groupe-là, étant devenu majoritaire, puisse avoir des voix de plus. Le prochain Conseil supérieur de la magistrature sera gouverné par cette structure-là. C’est une vieille revendication l’Ums qui a, d’ailleurs, exprimé au chef de l’Etat toute sa reconnaissance pour ce texte-là. Donc, nous sommes en train de réformer. L’Ums sait que les choses bougent dans le bon sens. On ne fait rien sans concertations. On a créé une structure qui regroupe l’Ums, la Cour suprême, la Chancellerie pour discuter des textes, pour voir qu’est-ce qu’il faut faire pour améliorer et enlever les blocages. On travaille honnêtement en synergie et je peux vous dire que, même à titre personnel, en tant que Garde des Sceaux, mon innovation est de créer une espèce de «shadow cabinet» pour avoir une structure informelle qui regroupe les magistrats, les avocats, les huissiers, les notaires, les greffiers… pour discuter des problèmes et éviter ce qu’il y a eu avant.

Depuis plusieurs années, l’on annonce la délocalisation de la prison de Rebeuss. Pourquoi ça ne peut pas se faire ?

Ça ne s’est pas encore fait. Mais la prison de Sébikotane de 500 places est prête. Et à partir de la semaine prochaine les prisonniers y seront transférés. Cette  prison de 500 places devait avoir une capacité de 5 000 places, mais les moyens ont manqué. Mais, dans le budget de l’année prochaine, l’on a prévu une prison de 1 500 places toujours à Sébikotane. Je pense qu’on fera appel au financement privé pour régler ces problèmes. Et si les offres reçues sont validées, le problème sera largement résolu.  Rebeuss n’est pas un endroit pour une prison. Le prisonnier a un droit. Il doit être dans un environnement où il peut bouger. Et à Rebeuss, il n’y a rien.

MAKHALY NDIACK NDOYE & NDIAGA NDIAYE

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Daouda Mine

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