La République brinquebalante ! (Par chérif DIOP)
samedi 17 février 2024 • 2172 lectures • 5 commentaires
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La constitution a plié mais n’a pas rompu. C’est à croire que la loi de Murphy s’abat sur Macky Sall. La contrariété est à son comble pour le président.
À travers sa décision historique de ce 15 février 2024, le conseil constitutionnel indique qu’il n’est ni une chambre d’écho des tendances de l’opinion, ni une chambre d’appel des choix de l’assemblée nationale, mais le juge de la constitutionnalité des lois. Cette décision rend un peu de dignité à cette république qui oscille. L’histoire nous dira si Macky Sall a eu raison ou tort d’annuler le rendez-vous du dimanche 25 février 2024. L’onde de choc fut tellurique, mais lui, seul et son conseil de sécurité savent les raisons profondes de ce report. Le conseil constitutionnel a rendu une décision courageuse, pragmatique, apaisante, et intelligente, sans humilier l’institution présidentielle puisque son verdict « valide » aussi le report de l’élection. Les sages n’ont pas soufflé sur les braises d’une situation assez abrasive. Dont acte dit la présidence, il revient désormais au président Macky Sall de stabiliser cette république dangereusement bringuebalante. Il en est conscient, Macky Sall va céder le pouvoir. A-t-il le choix ? Non. En réécoutant les discours du Président Sall du 03 juillet 2023, celui du 31 décembre 2023, et 03 février 2024, Nous pouvons le dire avec certitude, il ne trahira pas son propre code d’honneur. « Ayant le Sénégal, au cœur, le Sénégal chevillé au corps ». Le président Macky Sall ne peut que respecter sa parole, dernier acte d’une pacification de l’espace public bien entamée avec la libération des détenus « politiques ». Cependant, l'emprisonnement de Ousmane Sonko et de nombre de ses partisans reste un ferment de colère.
Ousmane Sonko, « ce scarabée diabolique »
Politiquement, l’homme semble indestructible. C’est un fait. Sa voix et ses voix comptent. Le tournant des événements actuels met davantage en lumière ce truisme. Comme le coléoptère, connu pour sa solidité hors normes, le maire de Ziguinchor a la carapace ultra résistante. La dissolution de Pastef, l’étêtement du parti n’ont pas réussi à faire disparaître la popularité du détenu le célèbre du Sénégal. Au contraire, l’opinion lui est encore largement favorable. Cependant, Sonko fascine autant qu’il inquiète par sa ligne dure, brut de décoffrage dans un Sénégal inhabitué à ce genre de tribun. Même si la clameur de l’opinion ne se traduit pas toujours en une vérité des urnes. L’opinion n’est pas l’électorat. En 2007, tout le monde a donné Abdoulaye Wade perdant de la présidentiel, jusqu’à ce qu'un certain Macky Sall annonce la victoire du pape du SOPI au beau milieu de la nuit. Dans l’impasse institutionnel, provoquée par ce que le constitutionnaliste Pr Pape Demba Sy a assimilé « à une fraude constitutionnelle », tout indique que Ousmane Sonko est une pièce, et pas des moindres du puzzle de la décrispation, du dégel de ce bloc de granite qui prend forme au cœur de la République.
Pour sortir de l’ornière, la concertation est inéluctable
Le jalonnement d’évènements tragiques depuis 2021 a fini de démontrer que la judiciarisation n’est pas la seule voix du salut. La concertation est inévitable pour éviter l’acmé de la dégradation de la situation. Pour reprendre une fois de plus le Pr Pape Demba Sy qui à mon avis a livré la plus fine et la plus exhaustive analyse de la situation : « on ne peut pas, ne pas aller au dialogue, même si on ne veut pas, on est obligé d’y aller ». Ces propos du sage font écho à ceux de Pierre Goudiaby Atepa, à qui le président Macky Sall a demandé de faire tout son possible pour que les sénégalais puissent se parler entre eux, Ousmane Sonko y compris. Comme M. Atepa l’a dit « Il faut que les deux parties se rassurent ». Que Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko soient amnistiés ou graciés, politiquement ils sortiront de prison avec un gain politique afin de participer à une élection inclusive. Ce mot à la mode comme l’est aussi le populisme. Ce dont on accuse d’ailleurs Ousmane Sonko, d’être un symbole du populisme.
Le mot populisme a fait son apparition ces dernières décennies dans le champ lexical des politiques, avec une forte connotation péjorative. Beaucoup de leaders de notre époque sont catégorisés populistes. Donald Trump, Ousmane Sonko, Jean Luc Mélenchon, Marine Le Pen, Viktor Orban, ou Javier Miley qui vient d’être élu en Argentine. Toutes ces personnalités, différentes à bien des égards, sont taxées de populiste. Néanmoins elles ont le vent en poupe. Eux même définissent le populisme comme étant une vision souverainiste de reconstruction de la volonté économique, politique et d’attention à la sécurité. Et, leurs visions de la gouvernance bénéficient d’un assentiment populaire qui, souvent, faiblit très rapidement. Comment expliquer cette complexité ? Parce que sans doute, la demande d’état est plus forte de nos jours, surtout dans nos pays. Les exigences sont accrues, les gouvernants sont pris au collet, les peuples veulent des résultats tout de suite et maintenait. Comment le président élu naviguera-t-il dans ces moments critiques ? Bon courage au successeur de Macky Sall.
Cherif Diop
Journaliste, citoyen sénégalais.
Publié par
Youssouf SANE
editor
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