Le colon face à l’Islam: comprendre la prééminence d'Elhadji Malick SY (RTA) dans le récit historique

dimanche 17 octobre 2021 • 2100 lectures • 2 commentaires

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Le colon face à l’Islam: comprendre la prééminence d\'Elhadji Malick SY (RTA) dans le récit historique

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Cette réflexion est un exercice difficile et délicat, tant par l’immensité de l’œuvre d’Elhadji Malick SY, que par l’extrême prudence à pondérer dans tout sujet concernant les sensibilités religieuses. Les réactions ayant fait suite à la publication en 2019 de l’ouvrage intitulé « Histoire générale du Sénégal », sous la direction de feu le professeur Iba Der THIAM, est une bonne illustration des polémiques que peuvent susciter les mises au point historiques.

Ces polémiques semblent être causées par la prééminence d’Elhadji Malick SY dans le récit historique des rapports entre le Colon et les dignitaires de l’Islam. Toutefois, le fait que le prophète Moïse (HS) soit cité 124 fois dans le Coran, ne signifie pas qu’il est au-dessus de Mouhammad (PSL) dont le nom n’est cité que 6 fois dans ce livre saint qu’il a lui-même révélé. Le prophète Moïse (HS), ayant vécu plus de 120 ans a, en effet, eu une longue et intéressante histoire qu’Allah (SWT) a bien voulu raconter à toute l’humanité. Le prophète Insa(HS) ou Jésus pour les chrétiens qui n’a vécu qu’environ 30 ans sur terre a été pourtant cité 25 fois dans le Coran, et dans ce cas, il n’est donc plus une question de durée de vie mais de l’incommensurable dimension spirituelle de son œuvre. 

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C’est à partir de ce raisonnement qu’il faut doublement interpréter la prééminence d’Elhadji Malick SY dans la propagation de l’Islam et de la Tidjaniya au Sénégal et en Afrique. Il n’y a point de doute sur la dimension spirituelle d’Elhadji Malick SY, et il a eu beaucoup plus de temps d’actions sur le terrain au moment où le colon avait  exilé ou neutralisé plusieurs autres dignitaires religieux tout aussi méritants que lui et partageant son combat.  Il n’est cependant, tout de même, pas envisageable de faire valoir l’adversité, la rivalité et la convoitise déraisonnées au détriment de la valorisation des diversités et de la dimension du TOUT que constitue Allah (SWT) dans son Unicité. Pour notre part en tant que scientifique, et loin des contingences d’appartenance, faire l’exégèse de la vie et de l’œuvre d’Elhadji Malick SY, ou d’un quelconque autre érudit sénégalais de l’Islam, est une tâche inexorable dont l’accomplissement est un ingrédient incontournable et indispensable dans la mayonnaise de l’islam et de la Tidjaniya au Sénégal, en Afrique et dans le monde.

L’œuvre d’Elhadji Malick contient une grande leçon de tolérance, de citoyenneté et de respect des différences. Et suivant le respect stricte des principes coraniques qui interdisent la contrainte en religion (sourate 2, verset 256), Maodo n’entendait pas empêcher le colon de vulgariser son évangile et son modèle de société, mais son crédo était de propager l’Islam, le soufisme et la Tidjaniya dont les principes transcendent tous autres principes spirituels. Le verset 6 de la sourate 109 dit : « A vous votre religion, et à moi ma religion ». Et Pour paraphraser Cheikh Ahmad Tidiane SY Al Maktoum, l’incorruptibilité du prophète Mouhammad (PSL) et l’indestructibilité du croyant musulman ont été et seront toujours les fondements de la propagation et de la pratique de l’Islam. La conviction profonde d’Elhadji Malick SY, qui transparait dans son œuvre et dans tous ses écrits, est que chaque être humain peut être éduqué, façonné et maintenu dans un état de croyance immuable, inébranlable et indestructible.

D’ailleurs dans le pacte d’Al Udaibiya sa référence, Mouhammad (PSL), a accordé des concessions justes et équilibrées pour une coexistence pacifique, toutes confessions confondues, dans toute l’Arabie où il était devenu le détenteur incontesté du pouvoir temporel et spirituel à partir de la conquête de la Mecque le 1er janvier 630. La dureté des conflits qui les avaient opposés Elhadji Oumar TALL, Maba Diakhou BA et Ahmadou Cheikhou avant conduit les français à associer la confrérie Tidiane au Djihad (D’Angelo, 2013). Elhadji Malick SY est ainsi tombé sur une époque où les marabouts de la Tidjaniya ont été perçus comme des menaces pour la stabilité de la colonie. C’est suivant une fine stratégie de parachèvement et de perpétuation de la réussite spirituelle de Cheikhou Oumar Al Foutitou TALL (RTA) qu’Elhadji Malick SY a su insuffler une mécanique innovante d’affirmation des valeurs religieuses et spirituelles en tirant les leçons du passé. Robinson écrira dans un ouvrage publié en 2004 : « Il vaut mieux penser le leader de Tivaouone et le gouvernement colonial comme fonctionnant sur des trajectoires parallèles. Chacun comprenait très bien l’autre, respectait la sphère de l’autre et coopérait sur un terrain qui se recoupait partiellement. Les autorités n’interfèrent pas avec sa mission de propagation et d’amélioration de la pratique de l’Islam ; en fait, vers le début des années 1900, elles virent l’avantage qu’elles pourraient en tirer. Malick SY, de son côté, bénéficia des conditions de stabilité que faisait régner le régime colonial ».

A la guerre sainte (ou la confrontation violente avec le colon), il a préféré, justement, le culte de la paix et du respect des diversités confessionnelles. Aux relations tendues avec le colon, il a donc préféré développer une symbiose qui lui a permis de fortifier l’Islam et la Tidjaniya dans la douceur. Seydi Elhadji Malick SY ne s’est néanmoins pas donné de limites, dans sa volonté d’empêcher le blanc de torpiller la propagation de l’Islam et de la Tidjaniya en Afrique. De manière désintéressée, il a joué un rôle déterminant dans la réhabilitation de tous les autres dignitaires islamiques que le colon avait réussis à isoler ou incarcéré loin de leur terroir. Sans la quête d’un quelconque leadership que ce soit, Elhadji Malick SY a très tôt compris que s’il s’éloignait, le blanc aurait eu le champ libre pour réduire l’Islam à sa plus petite expression tel qu’on peut le constater actuellement dans plusieurs autres ex-colonies d’Afrique subsaharienne.

Dans son but ultime de promouvoir une effervescence de l’Islam et de la Tidjaniya dans toutes les localités, il s’est servi de son vaste cercle de plus de 800 Moukhadames, formés à ses soins en copies conformes de lui-même comme l’exprimait un de ses grands disciples, du nom de Serigne Alioune GUEYE. C’est ce que Feu Ahmed Iyane THIAM va témoigner dans le Soleil du mardi 24 février 1998 (p.16) en ces termes : « Maodo a été le premier à mettre en œuvre une vaste décentralisation des actions religieuses de même son enseignement, son éducation et son œuvre spirituels ont permis de façonner les vertus des hommes et ont fait émerger les meilleurs érudits de tous les temps ». L’instrument de la Zawiya lui a ensuite permis d’éviter les confusions pratiques et d’ériger des sanctuaires appropriés où les croyants peuvent joindre les actes de dévotion à l’enseignement islamique et à la pratique du soufisme et de la Tidjaniya dans leurs formes les plus rigoureuses faites de Zikrs et de prières sur Mouhammad (PSL).

L’une des marques de la stratégie mystique d’Elhadji Malick SY est la construction des deux Zawiya de Dakar et de Saint Louis, non loin des palais du gouverneur colonial dans ces deux plus grandes villes du Sénégal de l’époque. Les doués d’intelligence y voient l’impuissance du colon devant la fermeté et la puissance de cette volonté inouïe, transcendant la compréhension humaine, qui sous-tend l’immense œuvre d’Elhadji Malick SY en faveur de l’Islam et de la Tidjaniya. Nonobstant les objections récentes fantaisistes formulées à son égard, la thèse de Rawane MBAYE, intitulée « la pensée et l'action d'El Hadji Malick Sy : un pôle d'attraction entre la Sharīʿa et la Tarīqa » et soutenue en 1993 offre une exégèse pittoresque de l’œuvre inégalée de ce grand combattant de l’Islam. Cette thèse de Rawane MBAYE est venue corroborée le fameux témoignage formulé par le français Paul Marty depuis 1917 : « Lettré fort remarquable particulièrement versé dans toutes les sciences juridiques et littéraires, Elhadji Malick Sy paraît être le marabout le plus instruit de Sénégal. La haute culture d'Elhadji Malick Sy, la renommée de son enseignement, sa vie simple et son désintéressement expliquent l'influence exercée par ce marabout et la vénération dont il fait l'objet de la part de tous les musulmans sénégalais ».

La crainte de son seigneur explique chez Elhadji Malick SY son attitude d’éloignement initiale vers Ndiarné, ses retraites régulières en faveur de l’écriture et son installation par la suite dans le Cayor pour faire valoir les externalités de proximité calibrées vis-à-vis des colons et de la société (Tivaouone étant à 100 km de Dakar). L’explication du penchant spirituel exclusif chez Elhadji Malick SY se trouve même dans la dualité vis-à-vis des fondements de la république qui s’est imposée au Sénégal et ailleurs. Puisque l’on est tenté de se poser la question de savoir le pourquoi de l’abandon du champ politique en faveur de la promotion de la laïcité. Plusieurs compagnons d’Elhadji Malick SY ont rapporté qu’il avait l’habitude de dire que « la religion est un champ de batailles confuses et diffuses, et qu’essayer d’arrêter ces batailles peut être périlleux. Dans ce cas, il est plus prudent de se concentrer sur le sauvetage de ses proches et condisciples ».

Elhadji Malick SY est ainsi de loin le guide spirituel de son temps qui a le plus consacré d’efforts à la sauvegarde stricte des préceptes de l’islam et de la sunna, devant cette débandade occidentale de velléités de sabordage et de sabotage. Il a su valoriser les enseignements de son Guide Cheikh Ahmad Atidiany (RTA) pour qui, l’adoration d’Allah (SWT) ira crescendo vers une banalisation et une discréditation qu’il faut stratégiquement chercher à combler avec abnégation. Son petit-fils Cheikh Ahmad Tidiane SY Al Maktoum l’a exprimé ainsi : « la religion glisse vers le folklore et les écrits saints glissent vers la caricature » . Elhadji Malick SY s’était bien exprimé à ce sujet dans Kifayatour raghibine, en ces termes : « nous avons amorcé une époque où trouver le bien est comme cueillir de l’air respirable dans une fumée ». Notre époque actuelle est d’autant plus profondément affectée par ce problème de piété, et il est de plus en plus difficile de parler d’Allah (SWT) et de spiritualité aux hommes transformés par ce matérialisme.

Elhadji Malick SY (RTA) mérite le respect et la vénération de chaque croyant musulman surtout en Afrique de l’Ouest. Ses réalisations pour l’islam et la Tidjaniya renferment une dimension mystique qui permet de comprendre l’indestructibilité du schéma d’actions qu’il a exécuté malgré l’hostilité du colon. Elhadji Malick SY a, en effet, réalisé tout ce que le Colon ne voulait pas que ça se réalise et qui a dicté à ce colon le stratagème d’éloignement et d’exil de plusieurs dignitaires religieux. Son œuvre a considérablement contribué à éviter que l’Islam soit réduit à sa plus petite expression, comme c’est d’ailleurs le cas dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne. L’aura d’Elhadji Malick SY (RTA) et son caractère prééminent dans l’Islam, le Soufisme et la Tidjaniya au Sénégal, en Afrique et dans le monde ne sont que l’expression de son mérite d’être resté constant, stratège, humble et digne héritier d’Elhadji Oumar TALL. 
Elhadji Mounirou NDIAYE, économiste.

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Publié par

Youssouf SANE

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