«Le virus est là pour un bon bout de temps, apprenons à vivre avec»

mercredi 6 mai 2020 • 611 lectures • 1 commentaires

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«Le virus est là pour un bon bout de temps, apprenons à vivre avec»

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IGFM - Enseignant-chercheur et Directeur scientifique du Laboratoire de recherche économique et monétaire (Larem), le Dr Cheikh Ahmed Bamba Diagne, plus connu sous le nom de Khadim Bamba Diagne, est de ceux qui plaident pour une reprise de l’activité économique, tenue à 97% par le secteur informel. Selon lui, il faut apprendre à vivre avec le Covid-19, qui est là pour longtemps.

Dans une tribune que vous avez publiée avec trois autres spécialistes (médecins et sociologue), vous dites que les mesures prises par l’Etat ont des répercussions socio-économiques désastreuses, que préconisez-vous à cet effet ?

Que l’Etat coache la reprise. L’activité économique au Sénégal est portée par le secteur informel, le fait de respecter le mot d’ordre «restez chez vous» ralentit la production nationale et affecte négativement la situation des entreprenants. Les commerçants trouvent d’énormes difficultés à s’approvisionner en dehors de leurs régions. Certains pêcheurs ont des difficultés à aller en mer et d’autres à écouler leurs produits halieutiques. La fermeture des hôtels et restaurants, faute de clients, est un coup dur pour les éleveurs de volailles. Dans la zone des Niayes, les activités sont au ralenti et les paysans ont du mal à écouler leur production. Ceux qui sont dans la production horticole souffrent aussi de la fermeture des frontières. Il y a aussi le monde du tourisme et de la culture, avec les métiers connexes : l’artisanat, la musique, l’évènementiel, le sport, l’éducation, la couture, les ouvriers, les salons de coiffure, le transport régional… C’est catastrophique.

Vous théorisez aussi une sortie rapide de l’état d’urgence, pourquoi ?

La situation a créé des pauvres conjoncturels, qui n’existent dans aucun fichier des autorités qui offrent des aides aux plus nécessiteux. C’est quand la mer se retire qu’on voit réellement les dégâts du tsunami. Nous sommes un pays en développement. Le Président de la République a décidé de mettre un fonds de 1000 milliards FCfa pour amortir le choc. Les mesures sont pertinentes pour soutenir l’économie formelle, les couches les plus vulnérables vont recevoir 100 milliards FCfa, dont 64 milliards FCfa pour les denrées alimentaires qui visent 1.000.000 de familles vulnérables, avec une moyenne de 10 personnes par famille, soit 10.000.000 de Sénégalais, 62,5% de la population. Malheureusement, ces mesures ne sont valables qu’à court terme, 40 jours au maximum. Et sur les 1000 milliards FCfa, il n’y a pas de filet pour sécuriser le secteur informel. Sur 16 millions d’habitants, il y a moins de 400.000 salariés (public et privé) et plus de 97% des entreprises au Sénégal sont dans l’informel. C’est vrai que l’informel ne paye pas d’impôts directs, mais paye des impôts indirects et la finalité de la décision, c’est de soutenir toutes les couches de la population et l’outil de production des Sénégalais et des étrangers qui vivent parmi nous. Donc, pour sauver l’économie d’une manière générale, il faudra sortir rapidement de la crise pour redémarrer l’activité, il n’y a pas d’autre issue. Le virus est là pour un bon bout de temps, apprenons à vivre avec le virus en toute responsabilité, avec de la discipline, en respectant les gestes barrières.

Quels sont les secteurs les plus menacés ?

Les entreprises qui travaillent dans le transport aérien, le tourisme, l’hôtellerie, la culture, l’artisanat, les agences de voyage, le loisir, la publicité, le commerce de vêtements, l’évènementiel et d’autres secteurs connexes iront en faillite, faute d’activités même après la crise.

Sommes-nous tombés dans un piège, en adoptant le comportement moutonnier des pays occidentaux ?

Chaque pays a ses réalités et doit avoir ses priorités. Il faut s’inspirer de l’expérience des pays les plus affectés par cette pandémie, mais opérer une tropicalisation de ces mesures. Éviter une transposition intégrale chez nous sans prendre en compte nos réalités socio-économiques. Il est impératif de faire la balance coût/avantage entre le sanitaire, le social et l’économique afin de trouver des compromis adaptés. Bientôt, c’est la saison des pluies (campagne agricole, paludisme avec plus de 600 morts par an) et la crise alimentaire menace l’Afrique de l’Ouest. La CEDEAO annonce une crise alimentaire qui va atteindre 50 millions de personnes entre juin et août 2020. On ne peut pas continuellement vivre à crédit, les recettes baissent et les dépenses augmentent. Soyons rationnels.

ADAMA DIENG

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Publié par

Daouda Mine

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