«Ma dernière rencontre avec Serigne Bethio à Bordeaux»

jeudi 31 octobre 2019 • 1046 lectures • 1 commentaires

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«Ma dernière rencontre avec Serigne Bethio à Bordeaux»

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IGFM - Louangeur attitré de Cheikh Béthio Thioune, le défunt serviteur de Serigne Saliou Mbacké et guide des Thiantacônes,  Dieuwrigne universel Ibrahima Diagne a sorti son 32e album à la vieille du Magal 2019. Interviewé par L’Observateur, l’ancien enfant de troupe, qui a tout abandonné pour œuvrer dans les chemins du mouridisme, revient sur sa dernière rencontre avec Cheikh Béthio à Bordeaux et son inhumation à Touba etc. Ibrahima Diagne qui s’est rangé derrière Serigne Saliou Thioune, appelle à l’unité du «Thiant» pour sauvegarder l’héritage spirituel de Cheikh Bethio Thioune.  

Ibrahima Diagne, vous venez de sortir votre 32e album dans lequel vous louangez Serigne Saliou. On pourrait dire qu’il n’y a que le cinquième Khalife de Bamba qui vous intéresse ? 

C’est Serigne Saliou qui a fait de moi son louangeur. Celui qui inscrit, par sa voix, son histoire religieuse dans la postérité. Il en a décidé ainsi, alors que rien ne me prédestinait à être son Wérékane (hagiographe du marabout et de son histoire avec le mouridisme), comme l’ont été Serigne Moussa Kâ et Serigne Mbaye Diakhaté du vivant de Cheikh Ahmadou Bamba. Je suis un ancien enfant de troupe. J’ai fait mes humanités au Prytanée militaire Charles N'Tchoréré de Saint-Louis. Après le Bac, j’ai poursuivi mes études en Langues étrangères appliquées à l’Université Gaston Berger. J’ai été admis à plusieurs concours, mais j’ai tout laissé tomber pour me concentrer à un seul objectif : avoir la bénédiction de Serigne Saliou à travers Cheikh Béthio Thioune. J’ai eu plusieurs fois la chance de déclamer mes textes devant lui. J’ai eu à le faire dans sa maison à Khaygua (Touba), au daara de Diouroul, à quelques kilomètres de la cité religieuse etc. Et là, effectivement, je suis à mon 32 e album.

Dans cet album vous louangez également Serigne Moutakha Mbacké, l’actuel Khalife général des mourides ?

J’ai louangé Serigne Mountakha parce qu’il incarne le Bonheur (Mbécté -Mi). Si vous êtes stressé ou anxieux, il suffit de regarder Serigne Moutakha et son généreux sourire pour être comblé. En plus, Serigne Mountakha a partagé des liens très fort avec Cheikh Béthio de son vivant. C’est Serigne Saliou qui les avait mis en rapport. Ils ont même eu à se partager un bol de Lakh (bouillie de mil au lait caillé) dont le symbolique a fait le tour du monde. Serigne Moutakha, avant d’être Khalife, dans sa magnanimité, s’est même déplacé de Darou Miname à Janatoul Mahwa (Touba) pour rendre visite à Cheikh Béthio. Les deux hommes se sont longuement entretenus dans une chambre. Et, vu les actes posés par Serigne Mountakha à la disparition de Cheikh Béthio, il était de mon devoir et de mon rôle, en tant que poète du mouridisme, de composer une chanson pour lui. Mes chansons sont d’inspirations divines, de même que les airs que je fredonne. La preuve : j’ai rêvé de Serigne Saliou alors que j’étais en Suisse, le 27 juillet dernier. De ce rêve, j’en ai fait une chanson, je reviens sur la disparition de Cheikh Béthio en mettant l’accent sur la décision de Serigne Mountakha de l’inhumer à Touba.

L’inhumation de Serigne Béthio à Touba était à l’origine d’une polémique. Comment l’avez-vous vécue ?

J’ai pris la polémique avec beaucoup de philosophie. Serigne Béthio occupait une place importante dans le cœur de Serigne Saliou. Tous les deux partageaient des liens assez particuliers. Certes, c’était Serigne Béthio qui avait demandé à ce qu’on l’inhume à Médinatou Salam, mais il se peut aussi entre-temps qu’il ait changé d’avis sans en informer les talibés. Je ne dis pas que c’est ça, mais la lecture la plus simple dans ce cas de figure pour un disciple mouride, c’est de se plier au «Ndigueul (injonction)» du Khalife général.  Spirituellement, cette polémique traduit l’importance du travail accompli par le Cheikh pour Serigne Touba. Mais tout cela est derrière nous. Nous prions pour que tout redevienne comme avant. Et que tous les talibés suivent le «Ndigueul» de Serigne Mountakha Mbacké.

Vous faites partie des dernières personnes à avoir vu le Cheikh vivant, car il vous avait appelé au téléphone pour que vous le rejoigniez à Bordeaux…

(Il est ému) On s’est parlé trois fois au téléphone. Il m’a appelé un mardi pour me dire de venir le rejoindre le samedi à Bordeaux (France). Il avait l’habitude de me faire appeler ou de m’appeler directement au téléphone pour que je lui rende compte des différentes missions qu’il me confiait. Mais, cet appel téléphonique était différent des autres, car j’ai eu une étrange sensation. Et le même soir, j’ai eu un rêve dans lequel Serigne Saliou me disait de formuler des prières à l’endroit du Cheikh Béthio. Par la suite, je suis allé le rejoindre en France. Je suis arrivé à Bordeaux le 17 avril, vers 17 heures. C’est tout un symbole pour le Thiantacône que je suis. Nous nous sommes vus, j’ai chanté pour lui. Et il est décédé, si je peux parler ainsi, quelques jours plus tard.

Vous faisiez partie de ceux qui ont acheminé le corps à Dakar, à bord d’un Jet privé ?

Ces moments resteront gravés dans ma mémoire. C’était très dur pour moi. D’ailleurs, je l’ai dit dans une de mes chansons. Ce 10 mai est pour moi un jour inoubliable. Je ne devais même pas assister aux obsèques, car je ne pouvais pas supporter le fait que sa dépouille soit placée dans la soute de l’avion et que je prenne place dans ce même avion. Je ne supportais pas que le Cheikh soit en bas et moi en haut. Ce voyage a été très très dur pour moi.

On a constaté depuis sa disparition que deux camps s’opposent au sein de sa famille. Comment vivez-vous cette situation ?

Serigne Béthio était un béni de Dieu. La polémique a toujours escorté ses faits et gestes. Il avait la Baraka. C’est dans ce même cadre que je place ce qui se passe actuellement. C’est la dimension de l’homme Cheikh Béthio qui est à l’origine de tout cela. Il y a aussi le fait qu’aucun d’entre nous ne s’attendait à une disparition aussi subite. Maintenant, nous devons accepter la volonté divine. Lors de son incarcération en prison, il disait tout le temps, stoïque et digne dans l’épreuve, que c’était la volonté divine. Il avait émis le souhait d’être inhumé à Médinatoul Salam et le khalife a dit de l’inhumer à Touba donc nous devons nous conforter à la décision de Serigne Moutakha. Comme Serigne Béthio l’a fait à chaque fois que le Khalife général des Mourides lui avait donné un Ndiguel (un ordre). Je prie pour que toute la famille se retrouve afin de mieux travailler pour le mouridisme et l’héritage de spirituel de Serigne Béthio. On doit suivre à la lettre le Ndiguel du Serigne Mountakha, car il représente Serigne Touba sur terre. Nous devons faire très attention. Etre Thiantacône n’est pas donné à tout le monde. Le Thiantacône, c’est celui qui accepte la volonté divine en tout en temps et toute circonstance. Etre Thiantacône, ce n’est pas être dans les réseaux sociaux ou dans les médias à insulter à tout-va. C’est au contraire essayer de tout faire pour ressembler au Cheikh dans ses faits et gestes. Le Cheikh a beaucoup œuvré dans la prise en charge médicale des Sénégalais, dans leur bien-être. Il a fait embaucher beaucoup de personnes à Kaolack, Mbour et Dakar. Sans se soucier si ces gens étaient avec ou contre lui. Il avait un grand cœur.

Quel est votre point de vue sur les rénovations que Serigne Saliou Thioune veut apporter au Thiant ?

Saliou Thioune ne rénove pas. Il suit juste la voie tracée par son père. Beaucoup font des spéculations. Serigne Béthio n’a jamais dit aux Talibés de ne pas prier, au contraire. Moi je prie. Au camp Leclerc, le grand frère de Kouthia, Aly Sine, un inspecteur des impôts, avait organisé un Thiant. Et à l’heure de la prière de Takussan, c’est le Cheikh lui-même qui avait dirigé la prière. Il arrivait aussi que le Cheikh ordonne de diminuer le folklore dans les «Thiants». A Bordeaux en 2012, il avait demandé aux talibés de trouver un imam et de respecter les cinq prières. Donc, il n’y a rien de nouveau. Serigne Saliou ne suit que les traces de son père. Il est dans son droit de le faire. La voix de Serigne Touba est régie par les deux pôles : la Charia et la Khakhiha. Donc,  tout  mouride se doit de  respecter la Charia et la Khakhikha. Serigne Béthio de son vivant a toujours été approuvé par Serigne Saliou.  Serigne Saliou thioune a, entre autres, parlé de Khelcom, de Serigne Mounatkha, du Ndiguel et du Gamou. Il a aussi demandé aux filles de porter le voile. Et c’est tout à fait normal, car c’est un Ndigueul du Khalife général des mourides. Et en étant Mouride, on doit se conformer au Ndigueul du Khalife. Serigne Saliou n’a fait que reprendre le discours de son défunt père. Il avait un moment, interdit à tous,  excepté moi, de chanter durant les Thiants. Il avait indexé le folklore noté dans les thiants. Serigne Saliou Thioune a demandé d’apprendre et de lire les Khassidas (panégyriques de Serigne Touba), et c’est en droite ligne avec le Ndiguel de Serigne Mountakha. Mermoz est une place mythique dans la voie du mouridisme et du Thiant. Donc nous devons tout faire pour y respecter les enseignements du Mouridisme.

 

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Publié par

Daouda Mine

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