Mort de Johnny Clegg, le «zoulou blanc» qui combattait l’apartheid en chantant

mardi 16 juillet 2019 • 880 lectures • 1 commentaires

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Mort de Johnny Clegg, le «zoulou blanc» qui combattait l’apartheid en chantant

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IGFM - Le Sud-Africain est décédé ce lundi des suites d’un cancer, ont annoncé mardi les médias sud-africains. Il était devenu mondialement connu en 1987 en dédiant à Nelson Mandela sa plus célèbre chanson, Asimbonanga. Il fut l’inlassable défenseur de la culture africaine.



Le chantre de Nelson Mandela n’est plus. Johnny Clegg a marqué l’histoire contemporaine sud-africaine par ses chansons, mariage des sonorités africaines et des rythmes de la pop. Ardent défenseur de la culture africaine, il était surnommé «le Zoulou blanc», il est décédé lundi des suites de son cancer à l’âge de 66 ans.

Né au Royaume-Uni d’une mère chanteuse dans les nightclubs et d’un père qui quittera rapidement le foyer, il débarque à l’âge de 6 ans en Afrique du Sud. Accompagnant son beau-père qui devait faire un reportage en Zambie, le jeune Johnny découvre un monde d’harmonieuse coexistence entre Blancs et Noirs qui le marquera durablement. Revenu à Johannesburg, l’adolescent arpente les rues des banlieues où vivent les travailleurs zoulous. Ils finissent par l’initier à leur langue, à l’isishameni - la danse traditionnelle - et à la guitare zoulou.

En parallèle à sa formation musicale, il suit des études sur la culture zoulou à l’université. Un peuple qui a été pour lui «un foyer, dira-t-il plus tard. Il y a eu une période de ma vie où j’ai regretté de ne pas être noir. Je le voulais désespérément».

À 17 ans, sa rencontre avec le musicien Sipho Mchunu est déterminante. Leur collaboration brise tous les principes de l’apartheid: un Blanc jouant avec un Noir dépasse ce qui est tolérable. Ils sont censurés dans tout le pays. «Nous devions faire preuve de mille et une astuces pour contourner la myriade de lois qui empêchaient tout rapprochement interracial», se souviendra avec un peu d’amertume Johnny Clegg. Désormais composé de six musiciens, leur groupe Juluka écrit Universal Men en 1979, un album qui les fait accéder à la célébrité.

Leurs chansons veulent prendre le contre-pied des valeurs professées par l’apartheid. «Je n’étais pas motivé politiquement mais culturellement», assurait pourtant Johnny Clegg à propos de sa lutte contre la ségrégation raciale. Johnny Clegg refusait toute affiliation à une idéologie particulière.

Il aura plutôt placé toute son œuvre sous le signe de la fraternité entre les êtres humains. «Réussir à rassembler des gens grâce à des chansons, surtout à un moment où cela semblait complètement impossible», se félicitait-il en 2017.

Le succès international


La musique de Johnny Clegg, censurée en Afrique du Sud, a un immense succès en Europe et en Amérique du Nord. En 1982, il accède, avec son nouveau groupe Savuka, au statut de star mondiale avec la sortie de son album, Scatterlings of Africa, «Les vagabonds africains», qui le catapulte en tête des hit-parades français et britannique. «Personne ne savait exactement de quoi parlaient nos chansons, juste qu’il y était question d’Afrique», racontait-il plus tard avec une pointe d’ironie.

Le premier titre de l’album est choisi pour être la bande originale du film Rain Manréalisé en 1983 par Barry Levinson, avec Dustin Hoffman et Tom Cruise. Le succès du chanteur est tel qu’en 1988, Michael Jackson est forcé d’annuler un concert prévu à Lyon le même soir que celui de Johnny Clegg.

Mariage des sonorités africaines et des rythmes de la pop, le style de Johnny Clegg est aisément reconnaissable. Sur scène, les chorégraphies de danses traditionnelles zoulou, les pieds nus levés très hauts qui martèlent le sol deviennent rapidement la marque de fabrique de celui qui se considérait lui-même comme un «Zoulou blanc».

Il devient un symbole mondial de la lutte contre l’apartheid en 1987 en écrivant et composant Asimbonanga («Nous ne l’avons pas vu»). Le titre rend hommage à Nelson Mandela, incarcéré depuis plus de vingt ans. Les paroles font directement référence au leader de l’ANC. «Regarde de l’autre côté de l’île dans la Baie», y exhorte le chanteur. Nelson Mandela est alors emprisonné au large du Cap, sur l’île de Robben Island. Asimbonanga est une prise de position d’autant plus courageuse que la simple évocation du nom du prisonnier était strictement interdite par le régime de Pretoria.

Une décennie plus tard, à Francfort, Nelson Mandela montera par surprise sur la scène d’un concert de Johnny Clegg. L’image de Madiba, devenu président d’Afrique du Sud, dansant sur Asimbonanga, fait le bonheur du chanteur et le tour du monde.

En 1993, son album Heat, dust and dreams, nominé aux Billboard Music Awards et aux Grammy Awards est dédié à Dudu Zulu, un des danseurs du groupe Savuka, assassiné par des inconnus en 1992. Même après la fin de l’apartheid, Johnny Clegg reste un symbole de l’antiracisme et de la liberté d’expression dans le monde. En Afrique du Sud, il n’aura de cesse de soutenir la démocratie, rendue précaire par la corruption et les stigmates de la ségrégation raciale.

Son combat aura une résonance particulière en France. Après un long silence du chanteur sud-africain, il écrit en 2006 l’album One Life, produit par Renaud - qui lui avait déjà dédié sa chanson Jonathan en 1988. Ses apparitions se font de plus en plus rares. En 2017, Johnny Clegg se sachant malade met fin à une carrière au long de laquelle il aura vendu plus de 5 millions d’albums. Le chanteur tient alors, avec beaucoup de courage, à faire une dernière grande tournée mondiale pour dire adieu à son public: «Le voyage que j’ai commencé quand j’avais 14 ans touche aujourd’hui à sa fin», avait-il conclu avec simplicité.

Johnny Clegg disparait un an, quasiment jour pour jour, après le décès du photographe David Goldblatt, autre grand pourfendeur de l’apartheid et figure, comme le chanteur, de l’Afrique du Sud en révolte contre elle-même pendant des années.

Lefigaro

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Publié par

Daouda Mine

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