Ramatoulaye Sy, la Kidnappeuse en série

mercredi 27 novembre 2019 • 586 lectures • 1 commentaires

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Ramatoulaye Sy, la Kidnappeuse en série

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iGFM- Son nom et sa bouille donnent des sueurs froides aux parents dont l’enfant a été enlevé par cette dame. Agée d’une vingtaine d’années, Ramatoulaye Sy semble jouir d’une impunité malgré les nombreuses plaintes des victimes. Sa famille avance l’explication de son état mental.

Sur l’avis de recherche, la douceur du sourire de Oulèye Sy et ses grands yeux innocents avaient attiré des centaines de commentaires de soulagement. La fillette, 3 ans, avait été enlevée le 18 dernier à la sortie de son école à Ngor (Dakar), puis retrouvée deux jours plus tard dans la région de Tambacounda, à près de 700 km de là. Les internautes qui s’étaient beaucoup investis dans sa recherche, avaient laissé exploser leur joie de voir la fillette retrouver sa famille.

Dans le fouillis de commentaires, un seul dépareillait. Celui de Aminata Mbengue qui s’adressait à la kidnappeuse. «Cette femme m’a fait vivre des nuits terribles. Je ne lui pardonnerais jamais», écrit-elle. Ramatoulaye Sy, la ravisseuse, lui a fait vivre le même scénario en 2017. Date présumée de son premier enlèvement d’enfant. Depuis, cette jeune femme qui habite dans la banlieue de Thiaroye serait coutumière des faits. Fichée à la Police, elle serait coupable de 3 rapts avérés.

Mais à chaque enlèvement, des victimes plus nombreuses sortent du bois pour dénoncer le laxisme et alerter sur le danger qu’est cette jeune femme pour les petits enfants. Sa famille avance l’explication de la déficience mentale pour justifier ses récidives.

A Mermoz, dans une ruelle étroite, une maison fait l’objet de toutes les attentions. A l’intérieur, les voisins vont et viennent. Dans le salon, ils adressent quelques mots à une femme emmitouflée dans un long voile et caressent la tête d’une fillette en partant. La petite est celle de la photo qui a circulé pendant 48 heures dans les médias et réseaux sociaux pour signaler un avis de disparition. Elle court, saute sur sa maman, adresse quelques mots à d’autres enfants. Et parfois éclate de rire sans raison apparente.

Oulèye n’est revenue parmi les siens que le matin même après un calvaire de 48 heures qui l’a conduite de Dakar à Tambacounda. Toujours sous le choc, sa mère Awa Dièye Ndiaye, 38 ans, n’arrive pas à croire à son bonheur. «J’ai vécu les deux pires journées de mon existence. Je n’ai pas mangé, je n’ai pas dormi et j’ai même arrêté mon travail», dit-elle, en invoquant régulièrement le nom de son guide religieux.

Son calvaire commence le lundi 18 novembre lorsqu’elle attend désespérément le retour de son enfant à la maison après la fin de journée. A l’école située à Ngor, personne n’a rien vu. Sur les images enregistrées par la vidéo-surveillance, on aperçoit de dos une jeune femme, voilée et vêtue de noir, qui emmène Oulèye et une autre fillette. L’enseignant en Arabe de l’établissement se souvient alors de la même jeune femme qui, plutôt dans la journée, lui dit être de la famille religieuse de Tivaouane.

Une première piste qui s’avère fructueuse. Elle mène la famille à la demeure familiale à Thiaroye, dans la banlieue dakaroise. Là-bas, le comportement de Ramatoulaye Sy, connue sous le pseudo de Ramsès ou Coumba, ne semble étonner personne. Plus encore, sa mère mentionne le problème de déficience mentale de sa fille. «Elle nous a dit qu’elle avait l’habitude de kidnapper des enfants, mais qu’elle ne leur faisait aucun mal. Je ne comprenais pas comment elle pouvait dire ça avec un tel détachement. Sa mère est complice, elle ne prend pas les choses au sérieux. Il y a du laxisme dans sa manière de faire», s’insurge Awa.

La petite Oulèye qui est restée 48 heures à errer dans les rues de Dakar avant d’être contrainte à prendre le car pour Tambacounda, dit n’avoir pas mangé tout ce temps. Elle aurait aussi reçu de légers coups à la tête et sur la joue, comme elle l’explique à grands renforts de gestes.

«Ils ne font rien et le jour où il y aura mort, on viendra s’épancher»

Un traitement corroboré par Aminata Mbengue dont la fille a été enlevée par la même personne en février 2017. Elle avait alors 7 ans et devait se rendre à la salle de judo de son quartier à Ouagou Niayes. Détournée par Ramatoulaye Sy, elle n’a été retrouvée que 48 heures plus tard, errant sur la route de l’aéroport de Dakar. «Elle était tellement affamée que j’ai failli pleurer en la regardant dévorer son plat de ‘’lakh’’ et elle a aussi affirmé avoir reçu quelques brimades de sa ravisseuse», déclare-t-elle, d’une voix où perce encore la colère.

Tout comme Awa, Aminata est furieuse d’abord contre la mère de Ramatoulaye qui, là non plus, n’aurait pas pris l’affaire au sérieux. «Elle était là à nous expliquer que sa fille avait cette habitude et qu’elle était inoffensive. J’aimerais bien l’y voir. Comment on peut laisser un enfant à la merci des lubies d’une déficiente mentale et dire qu’il ne court aucun danger. D’ailleurs, on lui a proposé d’interner sa fille, mais elle a refusé. Ce qui me fait penser qu’elle n’agit peut-être pas par folie».

Lorsqu’elle enlève la fillette, Ramatoulaye fait preuve d’intelligence comportementale. Elle se présente à Aminata dans une tenue de judo, dit avoir été envoyée par "Sensei" et aurait même réussi à soutirer l’argent de la cotisation à d’autres parents à qui elle s’est aussi présentée. Une logique qui sème le doute dans l’esprit de Aminata qui, tout comme Awa, a maintenu sa plainte. Pour les deux mamans, il est essentiel de mettre la ravisseuse hors d'état de nuire avant que l’irréparable ne se produise. "Ils ne font rien et le jour où il y aura mort d’homme, on viendra s’épancher», éructe Aminata.

Pour Rokhaya Niasse Sy, ce n’est pas passé très loin. Elle était enceinte avec un mari malade en charge lorsque Ramatoulaye s’en est prise à sa fille de 7 ans. «Ce fut un tel choc», souffle-t-elle. C’était en mai dernier à la Médina, en période de Ramadan. Rokhaya qui fait partie d’une famille maraboutique, prépare la Khadra Juma, mais avant, elle s’absente un moment pour aller chercher le médecin pour son mari. Ramatoulaye profite alors de la confusion pour emmener la fillette assise dans le salon.

Comme avec les autres victimes, la famille reste 48 heures dans la peur avant de recevoir les premières nouvelles. Leur fille est localisée d’abord à Fatick, puis à Kaolack et enfin à Pikine où elle est abandonnée, affamée et fatiguée. A cause de son état, Rokhaya n’a pu rencontré la famille de Thiaroye comme les autres mamans. Lorsqu’elle apprend donc que la ravisseuse est récidiviste, elle met un point d’honneur à déposer et maintenir sa plainte.

Appréhendée par la Gendarmerie de Tambacounda lors de son dernier kidnapping, Ramatoulaye Sy a été relâchée et confiée aux soins de son oncle qui habite Tambacounda et qu’elle venait voir avec la petite Oulèye, avant de changer d’avis et de l’abandonner dans une ruelle à la merci de tous les dangers.

«Ramatoulaye souffre d’une fascination pour les enfants doublée d’une incapacité de discernement»

Si elle arrive à échapper à l’emprisonnement, malgré plusieurs arrestations et même condamnations, c’est parce que sa famille joue toujours les médiations. Mais c’est surtout aussi parce que Ramatoulaye Sy est vraiment malade. A Thiaroye Tally Diallo Pithie où elle est domiciliée, elle est connue pour son comportement. Même si sa mère, vendeuse au marché, refuse catégoriquement d’évoquer le cas de sa fille. «Je préfère ne pas m’épancher sur ce sujet. Contactez son psychiatre pour vous assurer de son état», dit-elle, avant de raccrocher.

Pourtant, la jeune femme âgée d’une vingtaine d’années n’a pas toujours été ainsi. «Nous l'avons connue sereine et croquant la vie à belles dents comme toutes les adolescentes de son âge, avant que subitement la maladie ne l'entraîne dans ce cercle infernal», témoigne un voisin de la famille. Dans ce quartier, la seule évocation de son nom suffit à déclencher un élan de compassion en faveur de Ramatoulaye qui, jadis, fut passionnée de couture. Même si à mots couverts, certains voisins estiment que la famille ne s’investit pas pleinement pour sa prise en charge.

A l’hôpital psychiatrique de Thiaroye où elle a été internée à plusieurs reprises, ce sont les mêmes complaintes sur l’implication «trop tiède» de sa famille et de sa mère qui, par pudeur, refuserait de faire face au mal qui ronge sa fille. «Plus d'une fois, elle a été accueillie et soignée à l'hôpital psychiatrique de Thiaroye, située dans la commune de Thiaroye-sur-mer, mais c'est le suivi dans les rendez-vous qui a fait défaut. Sa famille ne semblait pas trop convaincue par la médecine moderne. A la place, elle a jeté son dévolu sur les guérisseurs avec le risque de tomber sur des charlatans et d’aggraver son cas», se désole un pédopsychiatre sous le sceau de l’anonymat.

Ici, le mal de Ramatoulaye Sy a été diagnostiqué bien avant sa vie adulte. Elle souffre d’une «fascination pour les enfants doublée d’une incapacité de discernement». Ce qui l’oblige quotidiennement à s’entourer d’enfants ou à prendre un enfant par le bras et à partir avec lui vers une destination inconnue. «Lorsque vous l’interrogez sur le pourquoi de ses actes. Le regard hébété, elle répond : "Je ne sais pas".» Une affection psychiatrique qui l’aurait conduite à plusieurs reprises au Camp pénal pour enlèvement d’enfants.

Selon un psychiatre de l’hôpital, c’est là encore le meilleur dénouement pour Ramatoulaye qui, si rien n’est fait, risque d’y laisser la vie.

«Sa place n’est pas en prison ni dans la rue»

A l’hôpital psychiatrique où on s’attend à un retour de Ramatoulaye, son comportement en lui-même n’est pas jugé dangereux pour les enfants. En revanche, il pourrait être risqué pour elle-même. «L’interner doit être le combat de sa famille. Cette fille a besoin d'aide et sa place n'est pas en prison ni dans la rue. Jusqu’ici, elle a de la chance, mais je crains fort pour sa vie. Ces enlèvements pourraient lui coûter cher», prévient un spécialiste de la santé mentale qui connaît le dossier et témoigne aussi à couvert.

Retour à Thiaroye Tally Diallo pithie où un voisin raconte les déboires de la malade. «Ramatoulaye avait réussi à enlever d'un seul coup six enfants. Elle les avait par la suite abandonnés à hauteur du Technopole de Pikine. Et en voulant retenter le coup une autre fois, elle s’est faite prendre par les populations qui se sont acharnées sur elle. A leur décharge, elles ne pouvaient pas savoir pour sa maladie. Mais après cette bastonnade, elle s’est retrouvée avec des dents en moins.»

Pour le Centre hospitalier national psychiatrique de Thiaroye, l’internement de Ramatoulaye Sy est devenue une urgence, une opération de sauvetage aussi bien pour les enfants que pour elle-même. D’autant plus que son cas est prévu par la loi 75-80 du 09 juillet 1975 relative au traitement des maladies mentales. Elle stipule : «Le régime d'internement peut être ordonné par décision de justice lorsque le malade mental a commis une infraction pénale ou que son comportement constitue un danger pour lui-même ou pour la sécurité publique ou qu'il ne suit pas le traitement ordonné.»

«Ramatoulaye est dans les 3 cas», précise le docteur qui rajoute : «L'internement est une décision judiciaire motivée en relevant soit l'infraction, soit les faits et conclusions des rapports de police ou de gendarmerie et des certificats médicaux établissant que Ramatoulaye présente un danger pour elle-même ou pour autrui ou qu'elle est réfractaire aux soins. Comme un dossier médical existe déjà à son nom, la procédure sera plus rapide.» Une bouée de sauvetage pour Ramatoulaye Sy. Mais encore faudrait-il que sa famille s’implique davantage.

PAR AICHA FALL, PAPE OUSSEYNOU DIALLO & ALASSANE HANNE

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Daouda Mine

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