Rilk Dacleu-Idrac - «Je n’ai aucun lien avec Karim Wade»

mardi 8 mai 2018 • 315 lectures • 1 commentaires

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Rilk Dacleu-Idrac - «Je n’ai aucun lien avec Karim Wade»

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iGFM - (Dakar) Il était venu au Sénégal pour rencontrer d’éventuels partenaires pour un projet immobilier. Mais Rilk Dacleu-Idrac s’est retrouvé incarcéré à la Maison d’arrêt de Rebeuss pendant 10 mois. Libéré suite à un non-lieu, cet expert financier de 34 ans, marié et père de deux enfants, présenté comme la «mule de Karim Wade», revient sur cette histoire. En attendant le vol privé qui devrait venir le prendre vendredi, il se prélasse au Radisson Blu et dit profiter du peu de temps qui lui reste au Sénégal.

Vous avez été incarcéré pendant 10 mois pour divers délits, dont celui de blanchiment supposé de capitaux, escroquerie, faux et usage de faux. Un lien avait été établi entre vous et Karim Wade. Maintenant, vous recouvrez la liberté à la faveur d’une décision du Tribunal. Comment vous avez vécu cette affaire ?

Je parlerais de stupidité et d’incompétence de la part des services d’investigation. On parle d’un dossier qui s’est retrouvé en instruction pendant six mois, au terme desquels le tribunal dit qu’il n’y a rien. Aucun fait ne corrobore les accusations portées contre ma personne. Je pense que le Sénégal est le seul pays au monde où une chose pareille peut arriver.

Vous avez été arrêté pour des liens supposés avec Karim Wade. Quelle est la nature de vos relations ?

Je n’ai aucun lien avec Karim Wade, je ne l’ai jamais vu, je ne l’ai jamais connu. Nous n’avons aucun lien.

Comment s’est passée votre arrestation ?

J’ai été interpellé d’une manière assez surprenante. D’après ce qui a été dit, j’ai voyagé dans le vol d’Emirates avec une personnalité sénégalaise qui aurait été impressionnée par le dispositif de sécurité que j’avais à l’aéroport de Dubaï. Et en voyant probablement mes valises avec les insignes officielles du Qatar, cette personne se serait demandée ce que je venais faire au Sénégal. Donc quand j’arrive à Dakar, les services de sécurité ont effectué la fouille de mes valises, et rien d’illicite n’a été trouvé. Mais, j’ai été détenu parce qu’on disait que j’avais 500 millions d’euros (environ 327 milliards de FCfa) dans mes valises, ce qui est absolument faux. C’est ainsi que je me suis retrouvé en détention.

Est-ce que vous avez l’identité de la personnalité qui aurait vendu la mèche ?

Je ne le connais absolument pas. Lorsque je voyage en Première classe, c’est pour moi l’occasion de maximiser mon temps et éviter l'inconfort. Je n’ai pas le temps d'y socialiser ou de rencontrer des gens. Cela dit, je suis curieux de savoir qui c'est. Je ferai demander cette information à Emirates, histoire de savoir à qui je dois toute cette histoire.

Vous dites ne pas connaître Karim Wade, mais il se dit que vous avez tenté de le joindre, par WhatsApp à l’aéroport ?

Non, pas du tout. C’est plutôt un apporteur d’affaires que j’ai cherché à joindre, car c’est lui qui devait lier notre compagnie d’investissements à l’investisseur qui était ici. J’ai essayé de le joindre, c’est peut-être lui qui connaît Karim Wade.

De qui s’agit-il ?

Il s’appelle Franck Jackson, c’est un Américain, un ami de très longue date. Et c’est lui qui nous a mis en contact avec la compagnie qui cherchait à lever des fonds pour un investissement immobilier avec notre groupe. J’ai donc essayé de le joindre pour qu’il me donne le contact du référent à Dakar, et il m’a envoyé par WhatsApp le numéro de Abdou Karim Ndiaye.

Pourquoi le contact n’avait pas été établi avant votre venue au Sénégal ?

Tout simplement parce que je ne gère pas les apporteurs d’affaires, j’ai du personnel et des collaborateurs qui le font. La position de Qatar investment authority a toujours été de ne pas entrer dans les débats politiques d’un pays étranger. Aucun crime n’a été commis.

Quel était l’objet de votre visite au Sénégal ?

Une compagnie basée à Dubaï qui a des terrains au Sénégal, voulait lancer un projet immobilier. Nous avons été contactés et nous avons essayé de lever des fonds nécessaires. Donc, c’était pour un projet immobilier que je devais voir pour savoir la faisabilité et l’intérêt. Mais jusqu’à présent, je n’ai pas pu voir ledit projet à cause de mon interpellation.

Comment Abdou Karim Ndiaye s’est retrouvé dans cette affaire ?

Vous savez, dans tout deal, il y a deux intermédiaires, celui de la «partie acheteur» et celui de la «partie vendeur». Pour un deal financier, il y a l’intermédiaire de celui qui investit et l’intermédiaire de celui chez qui on investit. Abdou Karim Ndiaye était simplement l’intermédiaire de la partie chez qui ma société était supposée investir. Ce qui est important de savoir dans cette affaire, c’est que nous avons un intermédiaire qui s’appelle Franck Jackson qui est aux Etats-Unis et qui est quelqu’un de connu dans le monde financier. Le paradoxe dans cette affaire, c’est que je suis la seule personne à être inquiétée.

Est-ce que vous confirmez qu’il y a des liens entre votre apporteur d’affaires et Karim Wade ?

Vous devrez demander ça à Franck ou à Karim Wade. Je ne peux pas parler de choses que je ne maîtrise pas.

Justement, vous ne trouvez pas paradoxal qu’un lien ait été établi entre Karim Wade et vous, sans aucun indice…

Jusqu’à présent, je n’ai pas vu le lien entre Karim Wade et moi, le seul lien que je vois, c’est qu’il bénéficie, en ce moment, de l’hospitalité de mon pays, le Qatar. Je ne vois pas d’autre lien.

Est-ce que cela ne vous pousse pas à vouloir vous rapprocher de lui ou le connaître ?

Karim Wade, c’est qui ? Il représente quoi ?

C’est le fils d’un ancien Président et un acteur politique…

Un acteur politique au Sénégal ! J’ai quel intérêt au Sénégal ? Pourquoi je voudrais être en contact avec Karim Wade ? Pour quelle raison je voudrais faire de lui mon ami ? J’y gagne quoi ? Je suis désolé, mais sur le plan international et sur le plan financier qui est mon domaine, Karim Wade ne représente absolument rien. Je ne comprends vraiment pas que je puisse être retenu durant 10 mois dans un pays, parce qu’on dit que je serais proche de Karim Wade.

Devant les enquêteurs, il a été question d’un virement de 500 millions de dollars (environ 250 milliards de FCfa). Comment l’avez-vous expliqué ?

En fait, c’est très simple, et je dirais que c’est de la «stupidité» de la part des enquêteurs et peut-être du juge d’instruction aussi. Nous sommes un groupe financier qui pèse environ 700 milliards de dollars, et pour une entreprise de cette taille, nous investissons partout dans le monde et à divers niveaux. Ce fameux virement était une transaction financière normale, menée par des compagnies internationales qui n’ont pas utilisé le système bancaire sénégalais. Donc, ça ne concerne absolument pas le Sénégal. D’ailleurs, nous n’avons pas compris comment le Sénégal s’est senti concerné. C’est un virement que j’avais ordonné sur les comptes de notre groupe, pour le compte d’une filiale basée à Hong Kong et dont je suis Président du Conseil d’administration. C’était pour des projets en Asie. Aussi, les enquêteurs devraient comprendre qu’aucune transaction financière de cette envergure ne peut être faite par une banque sans documents justificatifs. Les enquêteurs avaient accès à mon ordinateur et ils ont vu un mail qui confirmait la transaction. Il leur suffisait de lire le contrat qui était en pièce jointe dans le mail pour comprendre.

Vous avez été retenu injustement donc, est-ce que vous allez donner une suite judiciaire à cette affaire ?

Il est clair que ma détention a été énormément préjudiciable à mon entreprise, à beaucoup de gens et dans mes activités personnelles. Mais je laisserais le soin à mes équipes juridiques de s’occuper de cela.

Mais pourquoi on n’a pas senti le soutien de votre pays, le Qatar, dans cette affaire ?

Je suis citoyen qatari, tout comme je suis citoyen américain par mon père. J’ai aussi des origines camerounaises. Ce qu’il faut comprendre, c’est que, même si le Sénégal peut être considéré par certains comme un pays où on ne respecte pas certains droits, il est clair que le Sénégal est un pays souverain. Et la règle numéro UN en diplomatie, c’est que tous les Etats sont égaux, et un Etat souverain est un Etat souverain. Un pays, quel qu’il soit, ne peut pas interférer dans les affaires internes d’un Etat souverain. Cette affaire touchait à l’activité politique d’un Etat souverain, aucune de mes ambassades ne pouvait faire plus que ce qui a été fait, c’est-à-dire des notifications aux autorités sénégalaises.

C’est la première fois que vous faites de la prison ?

Oui, les rumeurs les plus folles ont circulé sur mon compte, alors que c’était facile à vérifier. Mes empreintes digitales ont été prises, j’ai été dans le fichier pendant je ne sais combien de temps, et ils ont vérifié mon identité avec Interpol et autres. Si j’avais été une fois interpellé n’importe où dans le monde, ils l’auraient su grâce à mes empreintes. Donc, je ne comprends vraiment pas ce qui s’est passé.

C’est la première fois que vous veniez au Sénégal ?

Non, la deuxième. La première fois, c’était en mai de l’année dernière. J’étais venu pour des réunions, avec des collègues à bord d’un avion privé, et on est repartis très rapidement parce qu’on devait se rendre à Ryad pour le Sommet du Golfe. C’est peut-être de là que toute cette histoire vient, nous avons quitté le Sénégal en catastrophe, les services de renseignement sénégalais ont dû se demander ce que ces Qataris venaient faire au Sénégal.

Votre séjour en prison ne se serait pas bien passé, car vous aviez des problèmes avec l’Administration pénitentiaire…

J’ai eu des relations exécrables avec la responsable de la Maison d’arrêt de Rebeuss (Agnès Diogoye : Ndlr), peut-être parce que je n’approuve pas ses méthodes de gestion ou peut-être parce que j’ai trouvé que les détenus sont traités comme du bétail. Parce que je pense que, dans un pays comme le Sénégal, on ne doit pas traiter les prisonniers de la sorte. Pour tout dire, elle s’est plainte que je l’ai traitée de «femme la plus inintelligente» dans une correspondance à une des mes ambassades. Pour moi, elle était responsable d’un centre de détention dans lequel j’étais détenu, et dans ma culture, je n’ai pas besoin de lui dire bonjour. Elle fait son travail et moi je reste dans mon coin. Mais visiblement pour elle, ce n’était pas suffisant, et peut-être qu’avec mon tempérament, ça n’a pas collé.

Vous aviez aussi un téléphone portable dans votre cellule, ce qui est contre le règlement. Comment l’avez-vous obtenu ?

Un officier de l’Administration pénitentiaire me l’a remis. Le fait est que, pendant mes 10 mois d’incarcération, je suis le seul détenu qui n’avait pas le droit de téléphoner. Les communications sont contrôlées, mais pas interdites. Il est autorisé aux détenus de parler avec leurs familles. Je ne connais personne au Sénégal, je suis le seul détenu qui n’avait pas le droit d’aller au Télécentre, sauf les deux premiers jours.

Mais cela ne vous donne pas le droit d’avoir un portable en cellule…

Je ne dis pas que ça me donne le droit. J’ai été interdit de téléphoner et un responsable de l’Administration pénitentiaire m’a remis un portable. Je ne sais ce qui s’est passé, peut-être que, comme ils m’ont interdit d’aller au Télécentre, ils ont décidé de m’octroyer le droit de pouvoir joindre ma famille. Voilà ce qui s’est passé. Mais la responsable de la Maison d’arrêt en a fait un gros scandale et un agent a été radié. Le malheur, c’est que ce n’est même pas celui qui m’a remis le portable. On a même essayé d’arrêter mon garde du corps qui a été obligé de quitter le Sénégal.

Mais juste avant votre élargissement, vous vous êtes battu avec les gardes pénitentiaires…

Non, je ne me suis pas battu, j’ai été expédié manu militari de la prison pour la simple raison que je réclamais mes effets personnels. J’ai des effets qui ont été retenus à Rebeuss, des montres de valeur, un téléphone, des bracelets, bagues, stylos, tondeuses… Au moment de sortir, je leur ai dit que l’Adjudant Ibou Faye qui est le chef de cour, en congé à ce moment, avait remis mes effets personnels à son adjoint, l’Adjudant Ndao. J’ai demandé à récupérer mes affaires qui sont des effets de valeur, on parle de montre de plus de 80 millions de FCfa, j’en ai perdu une de 13 millions de FCfa qui m’a été volée à l’infirmerie par un détenu qui sortait. C’est ainsi que l’Adjudant Ibou Faye a décidé de garder mes affaires, tous mes objets de valeur, dans son bureau. La Directrice refuse de me remettre mes effets personnels, j’ai protesté et ils s’en sont pris physiquement à moi.

Est-ce que vous avez enclenché une procédure pour les récupérer ?

Oui, nous sommes en train d’y travailler avec mes avocats. Heureusement que j’ai les factures de ses objets de valeur, et elles seront présentées lors de la procédure.

Peut-on savoir d’où vous tirez votre richesse ?

Je suis expert financier, diplômé de Yale. J’ai vu beaucoup de chiffres circuler dans la presse d’ici, estimant ma fortune à plus de 100 millions de dollars, et on se demandait si, à mon âge, je ne suis pas impliqué dans des affaires illicites. Mais regardez les Traders de Wall Street, ils gagnent 10 fois plus que ça, peut-être qu’aux yeux d’un Africain, c’est trop d’argent, mais pour un expert financier américain, ce n’est rien.

Maintenant que vous êtes libre, qu’allez-vous faire ?

Un avion privé viendra me chercher ce vendredi. En attendant, je profite de l’hospitalité de l’hôtel.

ADAMA DIENG &

NDIAGA NDIAYE
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Publié par

Daouda Mine

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