Situation d'Air Sénégal : le DG Ibrahima Kane fait les comptes

jeudi 1 avril 2021 • 1466 lectures • 1 commentaires

Économie 2 ans Taille

Situation d\'Air Sénégal : le DG Ibrahima Kane fait les comptes

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Dans cet entretien avec «L’Observateur», M. Kane dessine ses plans pour la maîtrise du marché aérien de l’Afrique centrale,  revient sur les conséquences du Covid-19 dans la vie de la compagnie, le soutien de l’Etat, le plan de relance, le pèlerinage et l’équation sur l’A330 aux mains de Hi Fly depuis l’année dernière. 

M. le Directeur général, pourquoi votre compagnie aérienne Air Sénégal Sa a décidé d’exploiter le marché aérien de l’Afrique centrale ? Est-ce  que vous maîtrisez bien ledit marché ?

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Aujourd’hui, nous avons fait le premier vol Dakar-Cotonou-Douala-Libreville. Il s’agit de la première phase dans le déploiement du plan de relance de la compagnie aérienne nationale Air Sénégal Sa. Pourquoi cet axe de l’Afrique centrale ? Cette partie de l’Afrique est un axe qui correspond à un constat que nous avons fait pendant la crise sanitaire. Effectivement, les connexions africaines sont en général plus résilientes. Ce qui veut dire qu’au moment de faire ce plan de relance, nous commençons par les lignes qui sont supposées pouvoir être encore résilientes pendant cette phase ou le Covid-19 va continuer à impacter la compagnie.

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Comment la compagnie aérienne parvient-elle à honorer ses engagements avec les impacts liés au Covid-19 ?


Comme toutes les compagnies du monde, Air Sénégal a été largement et durement impactée par la pandémie de Coronavirus. A titre d’exemple, en 2019, nous avions transporté 398 830 passagers contre 294 470 en 2020. Je préfère parler d’impact plutôt que de pertes. Impact en termes de passagers transportés. Heureusement, avec un soutien extrêmement important de l’Etat du Sénégal et de nos partenaires, Air Sénégal s’est montrée résiliente et prépare son plan de relance dans le cadre de cette perspective qu’on conçoit non pas de la fin de l’impact, mais du début de rebond. D’ici à la fin de l’année, on espère qu’on aura un début de rebond qui ne va pas nous permettre de retrouver les pertes de 2019, mais qui va nous permettre de redémarrer le plan de développement de la compagnie aérienne.


Est-ce que la santé financière de la compagnie aérienne permet l’ouverture de nouvelles lignes ?Bénéficiez-vous du soutien de l’Etat ?


C’est vraiment dans un plan qui a été discuté, approuvé et soutenu par l’Etat du Sénégal. Toutes les compagnies aériennes ont été soutenues par leur Etat. Aujourd’hui, toutes les compagnies aériennes sont en train de voir les plans de relance. Elles ont mis en place des mesures de restrictions comme Air Sénégal. Certains de nos avions ont été «groundés (cloués au sol)» comme dans toutes les compagnies. A côté de cela, toutes les compagnies ont un plan de relance. Et aujourd’hui, on pense qu’on a une opportunité de démarrer ce plan de relance, parce qu’on a cette ligne Afrique centrale. Ce plan de relance est à la fois un investissement, mais également une opportunité que nous permet cette résilience du marché africain qui, souvent, quand il y a des crises dans le monde, fait que sa structure-même devient assez résiliente. Raison pour laquelle, elle est résiliente et nous la connaissons. C’est parce que ces marchés sont essentiellement constitués de résidents et de la diaspora. La part business et loisir qui est aujourd’hui dans le marché est très petite. On espère la développer, mais en contrepartie. Ce n’est pas être petits qui fait la résilience de nos marchés africains, parce que les gens, quand ils ont de la famille, continuent à se déplacer. Quand ils doivent aller faire leurs études, ils continuent également à se déplacer. C’est cette opportunité que présente le marché africain. 


Pourquoi Brazzaville, avec sa forte communauté sénégalaise, n’est-elle pas intégrée dans les destinations d’Afrique centrale ?


Comme vous l’avez vu, ouvrir une ligne, c’est toujours une équation très complexe, très lourde. Il fallait mettre en place un maximum de priorités. Brazzaville étant à deux heures plus loin, la gestion des butés d’équipages dans un contexte de lancement peut donner des contraintes qui sont plus lourdes à gérer. Comme on le fait toujours, nous préférons avoir une démarche prudente. On ouvre une ligne, on la rode, on la maîtrise et ensuite on met en place le plan de redéveloppement à partir de cette ligne. Et c’est cette démarche de prudence que nous avons préférée aujourd’hui. 


Croyez-vous avoir une place dans cette partie de l’Afrique centrale fréquentée par vos concurrents, notamment Air Côte d’Ivoire, Asky, Camair co… ?


C’est vraiment une conviction profonde. Je pense en financier quelque part. Lorsque je regarde un marché comme la France, c’est 600 000 passagers par an. Un marché comme la Côte-d’Ivoire, c’est 90 000 passagers par an. Ma compétition n’est pas africaine. Elle est intercontinentale. Quand on regarde le volume de trafic en Afrique, le challenge, ce n’est pas de prendre des parts de marché, c’est d’augmenter le volume. Quand on regarde le marché en Europe, le challenge c’est de prendre des parts de marché. Donc, ça nous positionne et nous aujourd’hui, en termes de discussions et d’interactions avec nos homologues africains, nous sommes beaucoup plus orientés vers la collaboration pour augmenter le volume de trafic. Si on se met dans le monde de compétition, on va se partager des miettes. Parce que 90 000 passagers, comparé à un marché français de 600 000 passagers, avec un coût du billet beaucoup plus important, comparé à un marché italien de 100 000 passagers, c’est vraiment se tromper de territoire de compétition. 


Avez-vous déjà satisfait le marché du voisinage (Gambie, Mali, Mauritanie, Cap-Vert) avant de vous lancer en Afrique centrale ?


Nous sommes sur un marché où on n’a pas encore trouvé le modèle qui augmente ce volume. Le marché est tellement faible, comparé à son potentiel.  Le Covid-19 a aggravé tout ce qu’on peut imaginer comme perspectives. Le Covid-19 a alourdi les bilans et la situation déficitaire des compagnies. Si on devait désigner un secteur qui a été fortement impacté par le Covid-19, je pense que l’aérien serait parmi les premiers. Ça, c’est quelque chose d’acquis. Au delà, nous avons la conviction que nous sommes dans une zone avec un potentiel de transport qui peut être multiplié par 4, 5 ou 6. Il s’agit de convaincre les Sénégalais, par exemple, qu’il n’est pas moins cher de prendre la route pour aller à Ziguinchor que de prendre l’avion. Vu le temps que ça prend, vu le confort qu’on peut avoir. Il s’agit de convaincre un ensemble de populations que l’aérien s’est démocratisé aujourd’hui. Ce n’est plus une affaire d’élites. Ça, c’est le défi de toutes les compagnies africaines et que nous devons relever ensemble. C’est vraiment ce défi là qui est le cœur de notre bataille, lorsqu’on va parler de l’Afrique de l’Ouest de proximité. Quand on dit que nous avons fini de conquérir, c’est comme si on était en train de conquérir une petite part de ce qui devrait être notre participation. Aujourd’hui, nous avons positionné les infrastructures, c’est-à-dire des ouvertures de routes pour maintenant commencer à labourer, à travailler pour élargir ce marché. C’est vraiment ça notre challenge. On peut aller en compétition ailleurs, mais chez nous, nous devons élargir le marché.


La compagnie aérienne dispose de deux Atr, deux A319, deux A321 et deux A330-900Neo, mais depuis l’année dernière l’un des A330, baptisé Sine Saloum, est cloué dans la base de Hi Fly au Portugal. L’avion appartient-il au Sénégal ?


Je vais vous répondre de manière très simple. Je vais faire un petit rappel historique. Quand une compagnie aérienne commence, elle doit avoir des autorisations de survol de pays étrangers. Quand Air Sénégal a commencé, elle n’avait pas l’autorisation de pays tiers. Donc, on s’est adossé à une compagnie qui l’avait. Et on lui a donné l’opération de l’avion. Ça nous a permis de gagner six mois d’opérations, avant même d’avoir notre TCE. Aujourd’hui, avec ce même avion, on sait qu’on va faire la même opération pour les États-Unis. On doit gagner plusieurs mois parce qu’on doit économiser l’argent du contribuable et gagner plusieurs mois pour pouvoir faire le TCE, l’équivalent du TCE américain. On va encore s’appuyer sur Hi Fly qui opère l’avion. Là aussi, on doit économiser l’argent du contribuable. Ça veut dire que si l’avion est stationné au Sénégal, il va falloir qu’on l’entretienne, plusieurs équipages Hi Fly, des équipes de maintenance au Sénégal…Parce que ce sont eux qui ont l’opération de l’avion. Maintenant, nous stationnons l’avion dans la base de Hi Fly, ce qui va nous coûter moins cher en termes d’entretiens. Dès que nous avons besoin de cet avion, il est déclenché et il va faire toutes les opérations. Les gens qui suivent nos opérations savent que l’avion fait des opérations parce que toutes les compagnies du monde gagnent des marchés, trouvent des clients pour faire voler leurs avions qui, du fait de la pandémie, restent au sol. C’est vraiment de la gestion d’un bon père de famille qui fait que nous positionnons nos avions de la manière la plus judicieuse possible. Sans pour autant que les gens oublient une chose : c’est un avion Air Sénégal qui opère les marchés Air Sénégal et qui est opéré sur les zones de Air Sénégal et les amène là où Air Sénégal les amène. 


Est-ce que la compagnie est prête à assurer le transport pour le prochain pèlerinage à la Mecque?  
L’organisation du pèlerinage dépendra entièrement des décisions et dispositions prises par les Etats Saoudien et Sénégalais. Air Sénégal avait pris les dispositions pour transporter les pèlerins en 2020. La compagnie fera de même dès que le pèlerinage sera ouvert.
Mamadou SECK, Envoyé spécial (Cotonou-Douala-Libreville)

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Publié par

Namory BARRY

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