Trafic de faux billets : «Comment j'ai appris l'arrestation de mon mari»

jeudi 28 novembre 2019 • 418 lectures • 1 commentaires

Société 4 ans Taille

Trafic de faux billets : «Comment j'ai appris l'arrestation de mon mari»

PUBLICITÉ

IGFM - Depuis 12 ans qu’elle est mariée à l’ex-député Seydina Fall «Boughazelli», Khady Sané était restée à l’ombre de son homme.  Une quiétude qu’elle abandonne aujourd’hui pour voler au secours de son époux, placé sous mandat de dépôt depuis vendredi dernier dans une affaire de fausses devises. Malgré toutes les épreuves traversées, notamment la mort par noyade de son fils aîné, et aujourd’hui l’emprisonnement de son époux, Khady Sané, armée de sa dignité, monte au front pour défendre son homme.  Entretien exclusif  avec L"Observateur !



Votre époux, l’ex député Seydina Fall Boughazelli, a été placé sous mandat de dépôt depuis le 22 novembre pour une affaire de faux billets. Vous venez de le rencontrer à la prison de Rebeuss. Comment l’avez-vous trouvé ?

Contrairement à ce que je craignais, je l’ai trouvé dans un état pour le moins normal et satisfaisant. Depuis l’éclatement de l’affaire, je sais et je sens qu’il se préoccupe beaucoup plus de ma personne que de lui-même. Il a essayé d’afficher une mine sereine et joviale, même si j’ai senti qu’il était meurtri. C’est pour ne pas me faire souffrir davantage, mais j’ai senti qu’il a profondément mal. Il ne peut en être autrement. Notre quotidien était fait de discussions, de disputes, de rires, de jeux. Maintenant, nous ne pouvons même pas nous parler directement, un mur de verre est entre nous. Nul n’est à l’abri d’un emprisonnement mais la place de mon mari ce n’est pas ce lieu. Avec la présence de notre fille aînée au parloir, j’ai tout fait pour retenir mes larmes, mais j’ai craqué. J’ai pleuré au point de mettre fin à la rencontre avant l’heure. Je ne souhaite à aucune épouse de vivre ce que j’ai vécu cet après-midi (hier, Ndlr). C’est plus qu’affligeant comme situation, mais comme on se réclame de feu Serigne Saliou Mbacké, on ne peut qu’endurer. Si cela ne dépendait que de moi, mon mari connaitrait un meilleur sort que celui qu’il endure. Avec le recul, je puis vous dire que ce qui lui est arrivé est une leçon de vie pour lui-même et pour ses proches que nous sommes. Il nous faut en tirer les enseignements majeurs pour l’avenir. Des personnes qui l’adulaient hier, le vouent aux gémonies aujourd’hui. Nul ne peut faire l’unanimité autour de sa personne et il ne saurait faire exception. La reconnaissance est l’exception. L’ingratitude et l’amnésie demeurent la règle. Ceux qui sont reconnaissants envers mon époux se comptent sur les doigts d’une main.

A-t-il, du fond de sa cellule, laissé un message?

Il m’a chargé d’exprimer toute sa gratitude aux personnalités politiques, du pouvoir et de l’opposition, qui se bousculent pour s’enquérir de son état. Une telle attitude le réconforte beaucoup ?

L’arrestation de votre mari s’est faite le mercredi 20 novembre. Aussitôt, la nouvelle a tourné en boucle dans les médias et sur les réseaux sociaux. Comment l’avez-vous appris?

Par le biais d’un de ses amis. Il m’a appelée après la prière du crépuscule pour m’en informer. Le monde s’est aussitôt effondré. J’ai fait un malaise. J’ai eu des palpitations, je croyais que mon cœur allait sortir de ma cage thoracique. J’ai appris la nouvelle de l’arrestation de mon mari alors que j’étais sur la natte de prière. Je ne remercierai jamais assez le Seigneur pour ça. En d’autres circonstances, je ne sais pas ce qui aurait pu arriver. A un moment donné, j’ai même pensé à une blague ou à une erreur. Puis, les appels ont commencé à s’enchainer. J’ai alors fait face à l’évidence.

«J’ai appris la nouvelle de l’arrestation de mon mari alors que j’étais encore sur la natte de prière»

Vous doutiez-vous que votre mari trempait dans des histoires de faux billets ?

Je vous ai dit que j’étais foudroyée lorsque j’ai appris la nouvelle. Ceux qui me connaissent savent que je ne suis pas du genre à tolérer des actes répréhensibles, même de la part de mes proches. De par mon éducation, les valeurs qui m’ont été inculquées, ma dignité notamment, je ne vendangerais mon sens de l’honneur pour des biens périssables. Je prends à témoin tous ceux qui me liront et qui me connaissent. La vérité, la sincérité et la dignité, constituent le socle des relations que j’entretiens avec mon époux. Croyez-moi, je n’aurais jamais permis que notre couple soit mis en danger pour des histoires de ce genre. Le député Seydina Fall est plus qu’un mari pour moi. Il est ma moitié, au véritable sens du mot. Cause pour laquelle j’ai toujours veillé à ce qu’il cultive et affine sa personnalité, à la mesure de son statut d’honorable député, pour ne pas être la risée de ses adversaires et de ses ennemis. La complexité de l’être humain fait souvent qu’il peut échapper au contrôle de ceux qui lui veulent du bien pour commettre des erreurs et faire des actes regrettables. Je n’aurais jamais cru que mon mari allait être mêlé à une affaire de trafic de faux billets. Je le jure devant Dieu et devant les hommes.»

Pourtant votre mari vous a déjà poignardée, en prenant comme seconde épouse votre propre copine …

Mon père avait quatre femmes et jusqu’au moment où je vous parle, tous ses enfants s’entendent à merveille. Que les habitants de Fith-Mith me démentent si je ne dis pas la vérité. L’harmonie et la cohésion sont toujours de mise au sein de notre famille. Comment voulez-vous que quelqu’un qui a grandi dans ce contexte en arrive à empêcher son mari d’avoir une deuxième femme, fut-elle sa copine? Je ne peux prétendre aimer mon époux à la folie, avec ses qualités et ses défauts, et dans le même temps, lui dénier son droit d’être polygame. J’aime Seydina Fall, je lui réitère mon amour et s’il arrivait qu’il m’amène un chien pour me recommander de lui vouer fidélité et obéissance, je n’hésiterais pas un seul instant.

Est-ce qu’il y a la solidarité de ses camarades de parti en ces temps douloureux ?

De la même manière qu’il existe des hommes de valeur, pétris de qualités, du sens de l’honneur, il y en a aussi qui baignent dans l’opportunisme et l’ingratitude. Comme il avait l’habitude de le dire lui-même à haute et intelligible voix. On peut lui damer le pion en termes  d’instruction et de moyens, mais jamais l’on ne pourrait l’égaler en générosité, notamment avec les militants de sa base politique. Je persiste et signe, en termes d’engagement et de représentativité politique, Seydina Fall n’a pas son égal à Guédiawaye. L’on m’a rapporté qu’un chroniqueur réputé pour son animosité envers le régime et sa langue de vipère s’offusquait du fait que mon époux était devenu un député alors qu’auparavant il était vendeur de tickets dans un poste de santé et collectait de l’argent pour une mosquée en construction. Quelle déduction subjective, bête et méchante ! Est-ce qu’il décrète que seuls les instruits peuvent représenter le peuple ou que les hommes de valeur susceptibles de valoir à la nation des satisfactions se recrutent dans l’intelligentsia ou la crème intellectuelle ? On n’a pas offert à Seydina Fall le poste de député sur un plateau d’argent. Il ne l’a pas non plus obtenu sous l’effet d’une baguette magique. Courtisé par le pouvoir, il a su faire preuve de dignité en cheminant avec Macky Sall à un moment où ce n’était pas évident du tout. Nous avons monté des comités de l’Alliance pour la République. Profiter d’une situation pour le clouer au pilori relève d’une lâcheté épouvantable et inhumaine. Etant entendu que la justice s’est saisie de l’affaire, l’on doit pouvoir raison garder et ne pas se laisser aller à des analyses, commentaires et préjugés dégradants. Boughazelli est déjà «mort». Que les vautours voraces laissent sa dépouille à sa famille !

Notre enfant se fait harceler à l’école

Comment vont les enfants ?

Depuis l’éclatement de l’affaire, Serigne Saliou, qui est le plus âgé, se fait harceler à l’école. Il ne cesse de me rapporter les farces de mauvais goût dont il fait souvent l’objet. Pour le consoler, je lui dis de ne pas discuter de l’affaire avec ses camarades de classe. J’ai cessé de regarder la télévision, d’écouter la radio, notamment dans sa partie revue de presse, pour ne pas en rajouter à leur traumatisme qui à la longue, risque d’avoir des conséquences néfastes sur eux. Moi, je suis une personne mature qui, à défaut de pouvoir supporter, entre dans ma chambre pour pleurer. Mais eux n’ont pas la force morale et la maturité pour supporter qu’on dise du mal de leur père, qu’ils aiment très fort, notamment parce qu’il est un papa poule.

N’êtes-vous pas devenue la risée du voisinage et du quartier depuis l’éclatement de l’affaire ?

Cela peut paraître prétentieux, mais sachez que c’est le contraire qui s’est produit. Il y a un élan de solidarité que je ne m’explique que par les actes de bienfaisance que mon mari a posés dans le cadre de ses activités et actions politiques. A force de recevoir des coups de fil et des visites, je me suis dit dans mon for intérieur que mon mari est très loin du portrait que certains dressent de lui. Ce qui est une source de réconfort moral et de motivation à faire preuve de dépassement, de courage, pour surmonter cette terrible épreuve. Nous sommes dans une société et à une période où les gens vous taxent de menteur ou de mauvais en oubliant que vous les avez aidés auparavant. Ce qui est indigne et immoral de la part d’un homme d’honneur. Il lui est souvent arrivé de donner tout ce qu’il a, pour ensuite contracter des dettes. La propension à vouloir systématiquement satisfaire toutes les doléances qui lui sont soumises au quotidien, c’est son principal défaut, contre lequel je l’ai toujours mis en garde.

Comme votre époux, vous êtes une militante de la première heure de l’Alliance pour la République. Avez-vous un message particulier à faire passer au Président Sall ?

Rien du tout ! Si ce n’est de lui réitérer mon militantisme, ma fidélité et ma loyauté. Je prie seulement pour que le Tout-Puissant lui accorde toutes les ressources nécessaires à sa noble mission d’améliorer les conditions de ses compatriotes.

AMARY GUEYE

 

Cet article a été ouvert 418 fois.

Publié par

Daouda Mine

editor

1 Commentaires

Je m'appelle

Téléchargez notre application sur iOS et Android

Contactez-nous !

Daouda Mine

Directeur de publication

Service commercial