Vente de vêtements : Auchan, l'autre coup fatal au petit commerce

jeudi 9 septembre 2021 • 3284 lectures • 1 commentaires

Économie 2 ans Taille

Vente de vêtements : Auchan, l\'autre coup fatal au petit commerce

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Plus connu pour la grande distribution alimentaire, Auchan étend encore ses tentacules. Le géant français, qui a fini de s’imposer sur le marché sénégalais, propose aussi des vêtements prêt-à-porter. Une activité qui suscite des interrogations et révèle les manœuvres du géant français tuant, de façon silencieuse, le petit commerce du Sénégal.

Auchan ne lâche pas du lest. Accusée de nuire au petit commerce sénégalais, la marque commerciale française qui connaît une expansion rapide au Sénégal continue de gagner du terrain. Ce, malgré une croisade notée ça et là de commerçants Sénégalais et d’activistes dénonçant la voracité du groupe français. Avec ses multiples supermarchés à Dakar et ses grands projets dans les régions du Sénégal, Auchan ne cesse d’imposer sa croissance sur le territoire national. Au cœur de son succès, des prix parfois trop bas et son ancrage dans des localités commodes et populaires du pays, surtout de la capitale dakaroise. Auchan, soutiennent ses détracteurs, continue de profiter d’un cadre légal déficitaire pour occuper toutes les strates du commerce, concurrençant du coup, le marché traditionnel Sénégalais. Dans tous les secteurs. Pour beaucoup de sénégalais, Auchan était censé faire dans la vente de produits alimentaires. Ce qui avait poussé certains commerçants sénégalais à refuser son implantation sur le territoire national. Mais, on constate, avec le temps, que le géant français fait du tout, jusqu’à la vente d’habits. Auchan a aménagé dans beaucoup de ses magasins, des espaces de prêt à porter.  A quelques semaines de la rentrée scolaire, presque tout y est disponible. Pour certains parents, l’heure est déjà au shopping pour la prochaine ouverture des classes. Outre les fournitures scolaires, les parents d’élèves doivent également habiller leurs enfants. Et pour cela, la qualité à prix abordable est recherchée. Flairant sûrement un bon filon, les magasins Auchan se sont mis à la vente de vêtements prêt-à-porter.
Mais, la société Auchan a-t-elle le droit de faire dans la vente des habits ? La loi sénégalaise permet-elle à ce géant français ce genre d’activités ? Le Directeur du Commerce intérieur sénégalais répond par l’affirmative. «Auchan a le droit du simple fait que c’est une société commerciale qui est inscrite au registre du commerce et du crédit mobilier (Rccm)», affirme Oumar Diallo, interrogé par L’Observateur. Pour lui, Auchan est conforme aux textes qui régissent le commerce au Sénégal. Ainsi, en tant que société commerciale, Auchan détient un registre de commerce pour «achat et vente de marchandises diverses». C’est ce document qui lui donne le droit de vendre des produits alimentaires, des produits non-alimentaires, des véhicules, etc. «Auchan est une personne morale de droit privé. C’est une société privée qui a son registre de commerce pour achat et vente de marchandises diverses. Elle a le droit de vendre tous les produits, sauf ceux qui sont interdits par la loi, c’est-à-dire ceux qui sont prohibés», indique le Directeur du Commerce intérieur, Oumar Diallo. Qui signale : «Tout dépend du type de registre de commerce demandé au niveau du tribunal. Certaines sociétés, en faisant leur déclaration au niveau du tribunal, ont la possibilité de spécifier le type de service à offrir. Elles peuvent demander un registre de commerce pour exercer dans une activité bien précise. Par exemple, faire de la prestation de service. Mais, ces gens-là qui sont inscrits dans le registre de commerce avec option de faire dans la prestation de service, n’ont pas le droit de faire autre chose. Ils vont se limiter à ce service qu’ils ont demandé en faisant leur déclaration pour l’obtention d’un registre de commerce au niveau du tribunal». Mais, précise Oumar Diallo, «si vous avez déclaré dans le registre de commerce que vous voulez faire dans l’achat et la vente de marchandises diverses, vous avez le droit de vendre des produits alimentaires, des produits non-alimentaires, des avions, des véhicules, etc. Tout ce qui n’est pas interdit par la loi». C’est le groupe de mot ‘’marchandises diverses’’ qui englobe tout, révèle-t-il. C’est ce genre de registre de commerce que détient Auchan. Le Directeur du Commerce intérieur note que si la société Auchan avait un registre de commerce disant qu’elle doit seulement vendre des produits alimentaires, elle allait se limiter à ce service. 

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«C’est comme si l’Etat avait signé pour Auchan une liberté totale…»
À la veille de la rentrée scolaire, Auchan attire plus de clients, au grand dam des commerçants locaux, pour qui, l’ouverture des classes était une période de traite. «Avec des Chinois qui sont déjà là, je pense que cela risque de faire très mal au secteur du commerce Sénégalais. Bon nombre de jeunes, du marché Sandaga, Hlm ou ailleurs, s’activent dans la vente de vêtements prêt à porter. Ce sont des jeunes débutants qui en ont fait un secteur porteur. Si la société Auchan s’y met, cela veut dire qu’elle risque d’attirer encore plus de clients. Et fatalement cela va affecter négativement le segment du prêt à porter», indique l’universitaire économiste Meissa Babou.   Selon lui, ce sont les petits vendeurs qui risquent d’être étouffés. «Les jeunes qui aiment la notion d’aller faire du shopping vont se tourner vers Auchan, d’abord par curiosité, ensuite ils seront attirés par les prix moyens, surtout si la qualité y est. Et tout cela risque de faire mal à tout un segment de jeunes Sénégalais qui s’étaient investis dans ce secteur», dit-il. Mais pour l’enseignant chercheur à la Faculté des Sciences économiques et de gestion (Faseg) de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), la faute incombe à l’Etat. «C’est comme si l’Etat avait signé pour Auchan une liberté totale d’exercer sur tous les types de commerce, et c’est peut-être là le bémol. A mon avis, la faute revient au cahier de charges qui peut-être n’a pas été bien encadré», constate le Vice-président de l’Association des consommateurs du Sénégal (Ascosen), Momath Cissé. Qui soutient, par ailleurs, que tout ce qui n’est pas interdit par les textes peut être exploité. «Si les textes qui régissent la grande distribution n’interdisent pas à Auchan de vendre des habits importés, personne n’y peut rien. Ce qui compte, c’est la satisfaction des clients, c’est ce qui devrait guider tout commerçant, Auchan ou autre. Le consommateur doit avoir le choix, suivant sa bourse», dit-il.  
   
«Nos couturiers devraient en profiter pour proposer leurs produits à Auchan»
Momath Cissé, Vice-président d’Ascosen,  rappelle qu’Auchan a une politique qui lui permet la vente de beaucoup de variétés de produits locaux, et les couturiers sénégalais devraient profiter de l’aubaine. «Il y a au moins 40 variétés de produits locaux proposés par des Sénégalais, que l’on retrouve à Auchan, les poulets de la Sedima par exemple. Donc, si les couturiers sénégalais leur proposent leurs produits, ils pourraient également les commercialiser. D’autant plus que les créations sénégalaises sont très prisées actuellement. Il faut de l’imagination dans ce monde incertain, nous vivons une globalisation», soutient Momath Cissé, qui prône pour un ajustement dans le secteur du commerce. «Dans le monde d’aujourd’hui, c’est le temps des grandes entités.  Les petites entités n’ont pas d’avenir, que ce soit dans le commerce, l’agriculture, l’industrie, entre autres. Nos couturiers devraient profiter de la grande distribution et offrir aux consommateurs des produits de qualité à un prix abordable», conseille le Vice-président de l’Ascosen, qui signale que les consommateurs ne peuvent pas déplorer le fait de pouvoir acheter moins cher. «Tout ce qu’on cherche, c’est la disponibilité d’un produit de qualité, à un prix abordable», souligne M. Cissé.   Concurrence déloyale ? Non, soutient Meissa Babou. Pour lui, on ne peut pas parler de concurrence déloyale. Car, c’est le marché qui affiche ses prix. L’avantage, c’est peut-être l’achat en gros, ce que le simple commerçant ne peut pas faire. «Le plus souvent les commerçants cotisent pour faire venir un container et se le partager, alors que la société Auchan, à lui seul, peut faire venir trois ou quatre containers ou même plus. Et si elle a de la clientèle, ça ira crescendo. Auchan est un commerçant, mais la différence c’est que c’est labellisé, et le label est une sécurité et une garantie de qualité pour le consommateur. C’est peut-être à ce niveau qu’Auchan peut prendre le large avec la concurrence», indique Meissa Babou.  
   
«Pour la restauration, Auchan a une licence conformément à la loi»
Dans certains magasins, Auchan fait de la restauration. La société française vend des repas. Mais, ce service n’est pas couvert par le registre de commerce déclaré par Auchan au niveau des tribunaux sénégalais. Pour faire la restauration, précise le Directeur du Commerce intérieur, il faut une licence. «Il y a trois sortes de licence. Il y a la petite licence qui permet à la société de vendre de la nourriture sur place. Le client vient, achète et le consomme sur place. Une société qui a la petite licence n’a pas le droit de vendre de l’alcool. Ensuite, il y a la moyenne licence où il est permis de venir, acheter à manger, le consommer sur place. Ce genre de licence autorise la vente d’alcool, mais le client n’a pas le droit de le consommer sur place. Enfin, il y a la grande licence qui autorise tout ce qui n’est pas interdit, c’est-à-dire que la vente et la consommation de l’alcool y sont autorisées. Les clients peuvent venir acheter et consommer sur place», détaille Oumar Diallo. Qui précise que la société Auchan détient cette licence lui permettant d’offrir dans ses services de la restauration.

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«Pour la vente de pain, il fallait un agrément et Auchan l’a obtenu»
En plus de la restauration dans certains de ses magasins, Auchan vend du pain. Cette activité, qui relève de la boulangerie, n’est pas également prise en compte par son registre de commerce. Au Sénégal, la vente de pain est organisée. Elle obéit à une législation. Pour vendre du pain, précise le Directeur du Commerce, «il faut une autorisation. Il faut un agrément pour vendre des produits de la boulangerie, même si on ne les produit pas. C’est un point de vente et on doit l’agréer». Là également, la société Auchan n’a pas failli. Elle est dans la légalité. Car, renseigne Oumar Diallo, «Auchan a demandé et obtenu l’agrément pour vendre du pain dans ses magasins».
ADAMA DIENG ET SOPHIE BARRO

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Publié par

Namory BARRY

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