Yankhoba Seydi : «Notre parti, le Rewmi, va mal»

mardi 17 décembre 2019 • 1507 lectures • 1 commentaires

Politique 4 ans Taille

Yankhoba Seydi : «Notre parti, le Rewmi, va mal»

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IGFM - Yankhoba Seydi est le Secrétaire national aux relations internationales et directeur de l’école du parti Rewmi. Dans cet entretien accordé à L’Observateur, le responsable «Rewmiste» déplore la léthargie du parti de Idrissa Seck, qui serait au bord du gouffre politique. Entretien !

 M. Yankhoba Seydi, dans une note adressée à L’Observateur intitulée «Le Rewmi va mal, sauvons-le», vous fustigez la gestion actuelle de votre parti, qui serait sur le point de perdre son âme. Qu’en est-il réellement ?

Le Rewmi est un grand parti avec des militants dont la qualité et le degré d’engagement sont rares sur le landerneau politique sénégalais. Ils l’ont prouvé à toutes les étapes de la longue traversée du désert de notre leader, sans jamais lâcher, sauf les responsables qui ont quitté pour des raisons purement opportunistes. Une preuve de l’engagement sans faille des militants de Rewmi derrière leur leader Idrissa Seck est donnée en 2012, où plus de 210 000 électeurs ont voté pour lui, alors qu’il n’avait pas battu campagne. Ce résultat est en partie dû à la qualité et au degré élevé de l’engagement des militants du parti. De plus, ces militants ont un dynamisme qui force l’admiration. Leur mobilisation exceptionnelle lors de la dernière Présidentielle ainsi que leur présence massive dans les médias sociaux en constituent une preuve éclatante. Pourtant, ce parti va mal sur le plan du fonctionnement, à la fois interne et externe. L’instance centrale du parti, le Secrétariat National, ne s’est pas réunie depuis presque trois ans. Cela signifie qu’il n’y a eu aucune stratégie du parti, aucune ligne du parti que l’instance a discutée avant exécution par les différents Secrétaires nationaux pendant tout ce temps. En lieu et place, ce sont de petites initiatives qui sont prises ici et là par certains secrétaires nationaux pour se faire bonne conscience, à côté de gens qui travaillent pour leur propre compte au mépris total des nombreux sacrifices consentis par les militants de Rewmi, dont d’ailleurs certains ne sont plus de ce monde.

Mais qu’est-ce qui est à l’origine de cet enlisement ?

Tous ces dysfonctionnements sont à mettre au passif du vice-président (Déthié Fall, Ndlr), qui semble plus intéressé par sa propre promotion que par le rayonnement de Rewmi, qui l’a pourtant sorti de l’anonymat politique presque total. Il s’évertue à tisser une toile à l’intérieur de ce parti au lieu de le servir loyalement. Il joue en solo. Être à l’intérieur, mais travailler pour soi, c’est trahir l’esprit de groupe. Le parti est juste un escalier pour lui et non autre chose. La dernière fois que le vice-président du parti a convoqué une réunion du Secrétariat national remonte à la veille des Législatives de 2017, juste pour faire valider la forfaiture des investitures. Rewmi est un parti qui a un cœur d’athlète puissant, avec une âme qui perd son arme graduellement. La faute à celui qui doit le mettre en symphonie, le vice-président du parti ; le président étant en retrait. Ce n’est pas trop tard pour bien faire, alors militants de Rewmi, levons-nous et sauvons notre parti. Ce n’est pas le parti d’une personne ou d’un groupe de personnes, c’est le parti de tous ceux et de toutes celles qui y ont librement adhéré. Le problème, c’est une seule personne. C’est une sorte de clan que le vice-président a créé au sein de Rewmi. Vous êtes dedans, ça va, vous n’êtes pas dedans, vous passez à côté. Idrissa Seck avait dit qu’il voulait un parti moderne. Et un parti moderne est un parti dont les instances se réunissent, définissent des stratégies, se déploient sur le terrain et les exécutent. Mais ce n’est pas le cas. Soit c’est l’instance des jeunes qu’on entend par ici, soit le secrétariat national des élections par là. Cela ne devrait pas se passer de la sorte.

«Notre parti ne fonctionne pas»


Existe-il incongruité organisationnelle à Rewmi, comme vous le subodorez ?

Nous avons une incongruité organisationnelle à Rewmi. Nous avons une vice-présidence qui existe en même temps qu’un secrétariat général. Et s’il y a une responsabilité du président du parti lui-même, c’est à ce niveau. Mais nous connaissons tous Idrissa Seck, quand il fait confiance, elle est totale. Il a fait confiance à des gens qui ont abusé de cette confiance. Certains sont partis, mais d’autres sont encore en activité dans le parti et cela sape la dynamique globale et grippe la machine. Sur le plan purement organisationnel, cela crée des lignes floues dans l’organigramme et dans le fonctionnement. Et même si les missions des uns et des autres sont bien claires, le flou organisationnel généré demeure et nous installe dans un parti où certains responsables se marchent les uns sur les autres. Pour cette raison, notre parti ne fonctionne pas. La preuve de tout cela est le fait que personne ne lit ni n’entend la position de Rewmi sur les questions qui l’interpellent, simplement parce que l’instance nationale ne se réunit pas, parce qu’elle n’est pas convoquée. Cela est dommage et dommageable.

Mais cette situation pourrait gravement nuire au parti ?

Il y a une vie du parti qui manque. Alors que c’est ça qui fait vivre toute structure, a fortiori, un parti. Il y a aussi beaucoup de questions nationales qui intéressent tous les partis, petits ou grands. Et Rewmi n’est pas un petit parti sur l’échiquier national. Est-ce que vous avez entendu une voix officielle ou un communiqué de Rewmi sur les questions brûlantes de l’heure ? Non, parce qu’il n’y a pas de réunions du secrétaire national. C’est quand le secrétariat national se réunit qu’il va sortir des communiqués pour dire telle ou telle chose et prendre position. L’autre problème, c’est que les militants n’ont nulle part où dire ce qu’ils pensent de la bonne marche du parti. S’il y avait réunion du secrétariat national, j’allais poser ces problèmes-là et déballer, mais les choses ne fonctionnent pas comme elles devraient fonctionner.

Le leader de Rewmi, Idrissa Seck, est-il au courant de la situation ?

Idrissa Seck est au courant. Mais il n’est pas responsable, je ne le dédouane pas. Mon appel s’adresse à tous les militants de Rewmi, y compris Idrissa Seck. Parce que c’est lui qui nomme les membres du secrétariat national et qui a nommé le vice-président. Il faut qu’on convoque le secrétariat national et à partir de là, les autres instances du parti pourront, avec les stratégies arrêtées, se déployer sur le terrain. Mais il n’en est rien, le parti perd son âme. Rewmi ne vit pas et pourtant, les militants, qui sont pleins d’énergie, ne demandent que ça. C’est là aussi que Yankhoba Diattara, chargé de la vie politique du parti, a une part de responsabilité. Mais c’est le vice-président qui a la part de responsabilité la plus importante. Évidemment, le président Idrissa Seck a une part de responsabilité. C’est justement dans le fait qu’on ait un parti qui a un président, un vice-président et un secrétaire général et son adjoint et d’autres secrétaires nationaux. Cela n’a pas de sens, c’est une incongruité. Il y a des doublons. On a beau clarifier, c’est flou dans la tête des gens. Soit on a un parti avec un président et un vice-président, sans un secrétaire général et son adjoint. Soit on a un secrétaire général, qui est le leader du parti et ses adjoints. On peut toujours corriger. Il faut revenir à un organigramme classique où les gens ne vont pas se chevaucher pour que les choses fonctionnent normalement. Les militants croient en Idrissa Seck, c’est lui l’avenir de ce pays. J’y crois fondamentalement. Il y a très peu de voix, mais on fustige ce problème.

Donc, vous n’êtes pas le seul à déplorer cette léthargie au sein de Rewmi ?

Il y a des gens qui ne sont pas contents, ils ruminent cela. Mais moi, je le dis tout haut. Combien de sacrifices avons-nous consentis pour ce parti-là. Nous avons été bastonnés à plusieurs fois et avons perdu des choses. Mais nous croyons au Sénégal. Et l’idéal que nous voulons est porté par Idrissa Seck, qui a un instrument qui doit le porter au pouvoir, avec le concours des Sénégalais. Nous avons tous constaté l’échec lamentable de Macky Sall, qui n’est pas l’homme qui fait l’affaire. Il faut donc mettre quelqu’un qui a l’expérience et qui est honnête. Sur ce point, Idrissa a prouvé à tout le monde qu’il n’a rien à voir avec celui qui est au Palais.

Idrissa Seck ne serait-il pas impuissant face à cette donne ?

Je ne pense pas que Idrissa Seck soit impuissant, parce que celui qui est impuissant ne nomme pas. C’est lui qui a nommé le vice-président et les autres. Quand il a nommé le vice-président, il a montré aux militants qu’il s’est retiré d’une certaine façon de la gestion au quotidien du parti. C’est-à-dire, à charge maintenant au vice-président et aux autres secrétaires nationaux de pouvoir prendre leurs responsabilités. Et c’est au vice-président de donner le ton. Pour expérimenter le retrait d’un leader une fois qu’il arrive au pouvoir et qu’il ne peut gérer l’État et le parti, Idrissa a décidé de créer un poste de vice-président pour se retirer progressivement de la gestion des affaires du parti. Ce vice-président a beaucoup d’attributions, mais malheureusement, il ne convoque pas les instances du parti. À la limite, les messages que Déthie Fall envoie aux gens, c’est quand il y a déplacement de Idrissa Seck. Il n’y a jamais une convocation du secrétariat national, c’est lamentable. La dernière fois que j’ai échangé avec Idrissa Seck, c’est après l’élection présidentielle, il était en pleine réflexion et jusqu’à maintenant, il est en réflexion. Nous n’avons pas le droit de le déranger dans cette réflexion pour le Sénégal. Mais cela ne veut pas dire que le parti doit mourir, nous devons agir et c’est au vice-président de convoquer les instances. Les grands partis ont des instances qui se réunissent périodiquement. Mais il n’y a rien de tout ça à Rewmi. Vous posez des questions aux militants sur la vie du parti, ils ne peuvent pas vous répondre. Donc, on doit trouver quelque chose qui nous permet de vivre comme un parti normal.

IBRAHIMA KANDE

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Publié par

Daouda Mine

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