Espagne : Pourquoi les corps de 2 jeunes Sénégalais peinent à être rapatriés
mardi 10 décembre 2019 • 294 lectures • 1 commentaires
Société 4 ans Taille
Le drame remonte au 23 octobre dernier. La désolation et une profonde tristesse se sont abattues sur la famille de Alassane et Abdoulaye Diallo. Deux jeunes sénégalais originaires de la région de Tambacounda, partis en Espagne à la quête d’une vie meilleure. Agés respectivement de 30 et 32 ans, Alassane et Abdoulaye Diallo avaient commencé à gagner leur pain depuis octobre. Tout comme un de leurs frères qui les a aidés à trouver du travail, ils s’activaient dans la culture de tomates et des haricots pour le compte d’un propriétaire d'une ferme de la commune rurale de Yegen. Les deux cousins qui vivaient ensemble dans la province de Grenade ont trouvé la mort dans leur sommeil.
Inhalation du monoxyde de carbone serait la cause de la mort
D’après le rapport de l’autopsie, ces émigrés ont inhalé du monoxyde de carbone dans la ferme.
Depuis que l’information sur leur décès a été communiquée, leurs familles établies à Tambacounda sont toujours dans l’émoi. L’inquiétude est partagée par leurs épouses, pères, mères… Dans la mesure où cela fait près de cinquante (50) jours qu’ils ont perdu la vie. Leurs familles ignorent le sort qui sera réservé aux dépouilles de leurs fils qui se trouvent encore en terre étrangère.
Pourtant, informe-t-on, le juge a autorisé la remise des corps à leurs proches vivant en Espagne. Mais depuis lors, ils sont gardés dans des chambres froides après leur transfert dans les locaux de la Funeraria San José de Dalías. Le rapatriement peine à se faire.
Cet exercice a été, selon nos sources, retardé par une longue démarche juridique. Aussi bien en Espagne qu'au Sénégal, dit-on. D’après les informations recueillies auprès de quelques proches, un problème d'identification officielle a retardé l'autorisation nécessaire du gouvernement sénégalais de rapatrier les corps. Une source proche du ministère des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur confirme les soucis administratifs rencontrés. Elle précise toutefois que «le dossier est en cours de traitement».
Des proches de la famille renseignent cependant que les formalités ont finalement été résolues la semaine dernière. Ce qui ne rend toujours pas possible le rapatriement. Leurs proches qui étaient soulagés de voir ces contraintes levées se sont toutefois heurtés à un autre souci. Un point non moins important. Leur retour organisé au Sénégal bute sur l’absence des fonds nécessaires.
«C’est assez coûteux de rapatrier un corps»
Selon des proches des défunts, le déplacement des deux corps requiert une enveloppe financière d’environ 9 000 Euros (5 905 000 FCfa). Une somme dont ne disposent toujours pas la famille et les proches qui, malgré tout, font des pieds et des mains pour regrouper l’argent. La collecte n’a permis, pour l’heure, de rassembler que 2 400 Euros (1 574 000 FCfa), renseigne des membres de la famille qui déplorent une «réticence» du Consulat qui «retarde, douloureusement, la décision d'assumer le coût du voyage». Une situation qu’ils disent ne pas comprendre dans la mesure où le gouvernement sénégalais a été responsable du rapatriement de dépouilles à Almeria (une ville d’Espagne), à d'autres occasions. «Au Consulat du Sénégal, on nous dit que les papiers doivent être envoyés au ministère des Affaires étrangères qui prendra la décision de faire quelque chose et payer les frais. Près de 50 jours se sont écoulés, nous sommes toujours dans l’attente», se plaint Alpha Souaré qui, après avoir représenté la famille en Espagne, s’est rendu au Sénégal, dans le but de s’assurer que les procédures administratives sont accélérées pour permettre le rapatriement des corps.
Au ministère des Affaires étrangères, des mesures sont en train d’être prises pour organiser leur retour, informe-t-on. Du côté du ministère, on évalue le rapatriement d’un corps entre deux et trois millions de FCfa. «C’est assez coûteux de rapatrier un corps. On est souvent entre 2 et 3 millions de FCfa et cela demande beaucoup d’argent pour répondre favorablement à toutes les demandes. Nos compatriotes doivent faire des efforts. Il est mieux pour un Etat de rapatrier des cerveaux plutôt que des cercueils», déclare une source proche du ministère.
Le Salon funéraire prêt à soutenir la famille
Compte tenu de l'incertitude entourant le rapatriement des corps, la propriétaire du Salon funéraire de San José, María Dolores Gómez, a manifesté son soutien à la famille et se dit disposée à garder les corps dans leurs locaux «aussi longtemps qu'il le faudra», jusqu'à ce que les problèmes soient résolus. Mme Gomez a confirmé avoir reçu, la semaine dernière, tous les documents manquants du Consulat du Sénégal pour rapatrier les corps, une fois que certains problèmes d'identification ont été résolus, car l'un des défunts avait des documents italiens. Auparavant, il avait également reçu l'autorisation du ministère espagnol de la Santé.
Khalifa Touré, président de l'Association des immigrants du Sénégal oriental (Aiso), établi à Roquetas de Mar (une commune de la province d’Almeria), a une nouvelle fois fait part de sa préoccupation quant à la situation des familles de leurs compatriotes décédés en Espagne. Il a évoqué les difficultés liées à l’identification et au rapatriement notamment des corps des personnes tuées dans des naufrages.
«L’Etat ne peut pas rapatrier tous les corps de Sénégalais morts à l’étranger»
«Le problème est que l’Etat ne peut pas rapatrier tous les corps de Sénégalais morts à l’étranger», dit notre source proche du ministère des Affaire étrangères et des Sénégalais de l’extérieur. «Il y a énormément de demandes, dans ce sens, adressées au ministère des Affaires étrangères et il faut les gérer au cas par cas», ajoute-t-elle.
Au cas où il ne serait finalement pas possible de réunir les fonds nécessaires pour le retour organisé des corps au Sénégal, la famille pourrait être contrainte d'enterrer les deux jeunes en Espagne, soulignent nos sources. Le cas échéant, ils seront inhumés à Fuengirola (une commune de la province de Malaga dans la communauté autonome d’Andalousie, Sud de l’Espagne) qui abriterait le cimetière musulman le plus proche, dans la mesure où la province d'Almeria n’en dispose pas.
AIDA COUMBA DIOP
Publié par
Daouda Mine
editor
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