(Entretien) Lamine Faye : «Si j’avais le choix...»

dimanche 21 octobre 2018 • 2020 lectures • 1 commentaires

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(Entretien) Lamine Faye : «Si j’avais le choix...»

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IGFM-On a du mal à le reconnaître… Enveloppé dans un ensemble deux pièces, affaibli par le poids de l’âge, Lamine Faye semble revenir de loin, de très loin. Après une lutte acharnée contre la maladie, il doit maintenant s’accrocher pour survivre financièrement. Aujourd’hui convalescent, même s’il a quelque peu retrouvé ses moyens, après deux années de soins en France, son affection a tout de même pris une longueur d’avance sur son état de santé. Le débit cotonneux de sa voix en dit long. Toutefois, c’est sans compter avec son envie, sa détermination de remonter en selle et réintégrer la scène. Avec l’énergie et la force d’un surhomme, il est sorti de sa léthargie et veut à tout prix reprendre sa place dans la musique. Face à «L’Obs», Lamine Faye nous en dit plus. Sa longue absence, la disparition de son frère, Habib, l’époque Lemzo Diamono, le mystique autour de sa maladie… A bâtons rompus.

Comment se porte Lamine Faye, après une longue absence de la scène musicale ?

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Ces temps-ci, je peux dire que je suis au chômage. En réalité, je suis en convalescence, après une longue période passée à me soigner. J’étais en France, pendant deux ans au moins. Ce n’est pas la peine que je rentre dans les détails de ma maladie, mais retenez juste que, je me porte beaucoup mieux. D’ailleurs, j’ai même renoué avec la musique. Mais timidement quand-même…

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Vous semblez affaibli par la maladie, où puisez- vous la force de revenir ?


Un professionnel reste un professionnel. La musique c’est mon métier, je ne peux pas m’en détourner. C’est grâce à elle que je vis et elle fait partie intégrante de ma vie. Que les gens s’attendent à me voir revenir en force avec une production. Même si, ce n’est pas pour maintenant. Pour le moment, je reprends peu à peu les activités et je n’exclus pas de travailler avec quiconque me sollicite. Ce serait bien également, si je pouvais être dans un label ou dans un groupe, ne serait-ce que pour éviter de me prendre en charge. Si j’avais les moyens, j’aurais crée mon propre studio. C’est mon plus grand souhait actuellement.


On vous a trouvé au studio de Prince Arts, travaillant sur un morceau d’Alioune Mbaye Nder, avec Ibou Ndour. Qu’est-ce que cela vous fait de replonger dans vos souvenirs ?


Cela me procure un énorme plaisir et le plus grand bien. La musique, c’est toute ma vie. C’est Ibrahima Ndour qui a produit ce morceau. Je suis là, pour apporter ma petite pierre à l’édifice en jouant de la guitare.


«C’est quand Habib est décédé que j’ai su qui il était»


Le monde de la culture a enregistré une énorme perte, avec le décès de votre frère, Habib Faye, il y a quelques mois. Comment avez-vous vécu cet épisode ?


Avec beaucoup de philosophie. Le Bon Dieu a donné, Il a repris, que sa volonté soit faite. Habib était un être d’une grande dimension. Je le savais déjà, mais c’est suite à son rappel à Dieu, que je m’en suis encore plus rendu compte. Il aura marqué son temps par son talent incontestable. C’était un musicien hors-pair. Au delà du Super Etoile où il a fait ses armes, Habib a collaboré avec de grands noms de la musique en Afrique et à l’international. C’est quand il est décédé que j’ai su qui il était. Le dernier album que j’ai fait, je lui avais confié la direction musicale. L’opus s’appelait «Lamine et Nder». J’en garde un très bon souvenir. Sa mort m’a profondément attristé. Il laisse un grand vide, qu’il sera difficile, voire impossible de combler.


On n’avait plus eu de vos nouvelles jusqu’à récemment, à travers une vidéo où Pape Diouf sollicitait vos conseils et prières avant de se rendre à Bercy…


Effectivement. J’ai été très touché par son geste. Il est venu à moi comme un jeune frère, solliciter des prières et des conseils, avant d’aller à l’assaut du Grand Théâtre. Nous avons collaboré plusieurs années ensemble et il a bien voulu me faire cet honneur. Il s’est déplacé et il est venu jusque chez moi. Pape Diouf est très respectueux, il mérite d’être encouragé. Avec son staff, il a réussi à relever le défi de Bercy. Ce n’était pas du tout évident, mais seul le travail paie. Il s’est donné corps et âme, cela a payé. Son spectacle a été une réussite. Pour ma part, je n’ai pu que le porter en prières et lui donner quelques conseils. Je ne lui ai pas été d’un grand apport donc. De toute façon, il avait les épaules assez solides pour aller au-devant de ce qui l’attendait. Je tiens à souligner qu’il a fait montre d’un grand courage et d’une grande détermination, en plus du fait qu’il est entouré de professionnels de la musique.


Comment avez-vous apprécié son show ?


Honnêtement, je l’ai suivi à travers la télévision et je trouve qu’il a parfaitement assuré. Il s’est débrouillé comme un chef. J’ai adoré la présentation du spectacle. Cela prouve que Pape Diouf a acquis une certaine maturité musicale, depuis le temps. Il a grandi. C’est un grand plaisir pour moi de pouvoir le constater. On sent nettement qu’il s’est forgé un caractère et il a plein d’audace.


«Le Lemzo Diamono était une époque inoubliable, j’en suis nostalgique»


Vous étiez ensemble au Lemzo Diamono, un groupe mythique que vous aviez créé et qui a fait tabac. Cette époque où vous étiez au meilleur de votre forme, en pleine ascension, doit vous manquer ?


Le Lemzo Diamono pour moi, était tout. C’était une époque inoubliable et j’en suis nostalgique. Pape Diouf, Mamadou Lamine Maïga, Mada Bâ, Salam Diallo, Fallou Dieng, Alioune Mbaye Nder, en faisaient tous partis. J’ai eu à travailler avec énormément d’artistes. Aujourd’hui, si je devais produire un spectacle, je peux dire que j’aurais l’embarras du choix. Ils ont tous leur carrière en solo et se débrouillent pas mal. Ce qui m’a le plus marqué, c’est le fait de pouvoir rassembler tous ces artistes et de mettre sur pied un groupe aussi mythique. J’en suis fier, d’autant plus que cela s’est fait sans moyens. Si j’avais réellement les moyens, on aurait atteint une autre dimension. On allait travailler dans des systèmes de plus grande envergure, avec une autre gestion beaucoup plus compacte. Malheureusement… Si je vous dis que je ne me suis jamais produit à Sorano avec le Lemzo Diamono, alors qu’à d’autres occasions, j’y étais et c’était plein à craquer. Nous faisions partie des meilleurs groupes africains. A l’époque, lorsque nous jouions, les salles étaient remplies. Les gens se disputaient les places. Ensuite, lorsque j’ai commencé à jouer, j’éclipsais tout le monde. Aujourd’hui, regardez-moi… Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Allah est Clément !


On peut s’attendre au retour de Lemzo Diamono, ne serait-ce que le temps d’une soirée ?


C’est bien possible. Beaucoup de personnes m’ont approché pour cela. Seulement, ça peine à se faire. On peut faire même plus que des retrouvailles, le temps d’une soirée. Hélas ! Même étant malade en France, je continuais à jouer de la guitare… Chacun fait ses choix.


Etes-vous toujours en contact avec les artistes de Lemzo, hormis Pape Diouf ?


Oui, oui on a gardé d’excellentes relations. Je travaille avec Alioune Mbaye Nder actuellement. Je pars chez lui et tout.


Que pensez-vous de la musique, telle que jouée actuellement ?


Il y a de la maturité dans la musique. Sur le plan matériel, il y a beaucoup d’évolution. La musique est une question de moyens maintenant. Du reste, il faut de la rigueur. Les artistes doivent accorder beaucoup d’importance aux répétitions. Il faut les pousser davantage dans ce sens.


«Je n’ai pas de salaire, je survis tant bien que mal»


Avez-vous un message à l’endroit des artistes en général ?


Si j’avais le choix, on m’aurait donné ma place dans la musique actuelle. Je peux travailler avec tout le monde. Lorsque je suis resté deux ans sans faire de spectacle, les gens m’appelaient pour savoir ce qui se passait. Pour me faire plaisir, ce serait bien que les gens m’intègrent de manière raisonnable dans les projets musicaux.


C’est peut-être à cause de la maladie que les gens hésitent à vous faire travailler ?


S’ils veulent m’aider, ils doivent m’intégrer dans leur travail. A chacun son métier. Ils ne me rendent pas justice en m’isolant. C’est un métier ingrat et je n’ai pas reçu beaucoup de gratitude. Je veux juste qu’on me fasse travailler. Je suis obligé de me recycler, parce que les gens ne t’aident pas tant qu’ils n’y voient pas d’intérêt.


Est-ce à dire que vous ne sentez pas la présence de vos collègues ?


Personne. Je ne vois plus personne. Ils ne m’intègrent à rien, si ce n’est pour me faire visionner des vidéos. Alors que j’aurais pu les aider dans la musique.


Que faites-vous pour vous aller de l’avant ?


J’ai mon métier. S’ils ont besoin de moi, ils m’appelleront. C’est bien beau de me donner de l’argent, mais je préfère pêcher qu’attendre qu’on m’offre le poisson.


Avez-vous été soutenu par vos pairs artistes durant votre maladie ?


Je me suis soigné tout seul. Je n’ai vu ni reçu le soutien de personne. Quand tu n’es plus dans le milieu, tu n’es plus dans le milieu. Les gens t’oublient totalement. Ils ne m’associent plus à leurs activités. Mais je rends grâce à Dieu. Je n’ai pas de salaire, mais je survis tant bien que mal.


Comment avez-vous fait pour sortir de cette mauvaise passe ?


La musique est mon métier et c’est grâce à cela que je m’en suis sorti. En France, je vivais avec mes cousins qui m’ont moralement et financièrement soutenu. Je me suis soigné grâce à mes quatre enfants qui sont là-bas. Aujourd’hui, je suis revenu au Sénégal pour poursuivre mes soins.


N’avez-vous pas peur de revenir sur la scène musicale, d’autant que d’aucuns liaient votre maladie au mystique ?


Je suis un enfant du pays. Je suis d’Adéane (Casamance). Mon père est originaire de cette région et donc, je n’ai peur de rien.


Croyez-vous à ces rumeurs sur la cause de votre maladie ?


Bien sûr ! Mais le mauvais sort est curable. Je me suis soigné aujourd’hui, je suis guéri.


Mais vous avez dû puiser votre force quelque part ?


Mes enfants et mes cousins m’ont soutenu financièrement et moralement. C’était très dur. Mais, je me suis relevé et j’ai même eu la chance de donner ma fille en mariage quand j’étais en France…


MARIA DOMINICA T. DIEDHIOU

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Publié par

Daouda Mine

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