Mouhamadou Mansour Sy, l’Inspecteur de la Tarikha de Cheikh

mardi 5 juin 2018 • 1683 lectures • 2 commentaires

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Mouhamadou Mansour Sy, l’Inspecteur de la Tarikha de Cheikh

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iGFM - (Dakar) - Fils de Seydi El Hadji Malick Sy, Mouhamadou Mansour Sy (1900-1957) incarne le modèle achevé du soldat de la foi qui a su élever la tolérance et le respect de son prochain au rang de sacerdoce. Père de l’actuel Khalife de Tivaouane, Serigne Mbaye Sy Mansour, le saint-homme était une belle copie de Maodo.

L’avènement de Mouhamadou Mansour est une divine providence. Il tient d’une Doua. D’une ode à Dieu faite de chiffres et de lettres. Saint Coran, Sourate El Baqara, verset 186 : «Et quand Mes serviteurs t'interrogent sur Moi. Alors Je suis tout proche. Je réponds à l'appel de celui qui Me prie quand il Me prie…» Sadaqallahul azim ! Quand Mame Safiétou Niang, restée longtemps sans fils, est partie demander à son époux de prier pour elle, c’est parce qu’elle savait déjà… Que le Tout-puissant, par le biais de Maodo, modèle achevé de foi, viendrait à son secours. Que son vœu allait être exaucé. Et qu’elle aura un fils dont l’érudition illuminera le monde. Ainsi fût la volonté de Dieu…Et Mansour, un cadeau du Ciel pour toute la Ummah.

 L’ombre de Maodo et l’inspecteur de la Tarikha de Cheikh

Troisième fils de Seydi El Hadji Malick Sy, après Sidy Ahmed Sy et Serigne Babacar Sy, Serigne Mouhamadou Mansour a vu le jour le 1er janvier 1900, à Tivaouane. Il est à la fois le fils, le neveu et l’élève de Maodo. Dont il est indissociable. «On ne peut pas parler de Seydi El Hadji Mouhamadou Mansour Sy sans parler de son père, Seydi El Hadji Malick Sy», explique Imam Souleymane Bâ, membre du Daara de Serigne Mbaye Sy Abdou. Il raconte, sûr de l’histoire : «Quand Seydi Hadj Malick est revenu de La Mecque, il y a laissé des choses en suspens. Et pour finir le travail, il y a envoyé Mouhamadou Mansour. Qui est parti à La Mecque, non pour effectuer le 5e pilier de l’Islam, mais en mission.»

Un devoir, aux yeux de Maodo, que Seul Mouhamadou Mansour est capable d’accomplir. Parce qu’entre les deux, il existe une fidélité déconcertante, presque irrationnelle, qui transcende les âges et les liens du sang. Le premier indice est à chercher dans l’originalité du nom Mouhamadou Mansour. Un patronyme qui ne court pas les familles religieuses. Imam Souleymane Bâ : «C’est rare de voir un tel nom. Maodo l’a appelé ainsi par hasard. Interpellé sur le nom de son fils, Seydi El Hadji Malick a révélé que lors d’une entrevue avec le Prophète Mouhammad (Psl), il a vu qu’il était écrit sur son dos : ‘’Mansour’’. C’est pourquoi il a baptisé son fils Mouhamadou Mansour.» Ainsi est né «Mouhammad le Vainqueur» !

Surnommé l’inspecteur de la «Tarikha» de Cheikh par Serigne Babacar Sy, Mouhamadou Mansour était le secrétaire particulier de son père. Pur produit de l’école de Maodo au sein de laquelle il a fait toutes ses études, Seydoul Xawmi est celui qui vécut au plus près de son père, qui s’occupa personnellement de son initiation exotérique et ésotérique. Sur les sentiers de Maodo, le jeune prodige était chargé de rédiger les correspondances de son illustre père, des lettres au contenu irréprochable, envoyées aux érudits et intellectuels arabes du monde. Pourtant à l’époque, le jeune Mansour n’avait pas encore fini d’apprendre le Moukhtasar (l'abrégé), plus connu sous l'appellation de Moukhtasar al-Akhdari. «Le jeune Mansour s’étonna d’ailleurs un jour, auprès de son père du fait que son intellect s’adaptait naturellement déjà à la langue arabe. Son père, humblement, lui répondit que c’est peut-être parce qu’il a un professeur que lui, en son temps, n’avait pas. Les nombreux poèmes qu’il composa, ainsi que ses textes en prose, attestent de sa belle maîtrise des lettres arabes», rapporte Imam Bâ.

Serigne Mansour, la mare aux crocodiles et la conversion du Djin

 Après avoir fini son cursus à l’ombre de Maodo, Mouhamadou Mansour a pris les chemins de l’intérieur du pays. C’est lors de ces pérégrinations, qu’il s’est rendu à Keur Pathé où on lui offrit une parcelle de terre, que personne n’osait labourer auparavant. Au risque d’y laisser sa vie. «On appelait la parcelle ‘’Bay dé’’, mais c’était sans compter avec la foi inébranlable de Mouhamadou Mansour au décret divin, raconte Imam Souleymane Sarr. Sans douter une seule fois, il laboura la terre et en est sorti indemne, à l’étonnement de tout le village.» Une première démonstration de foi, mais pas la dernière à Keur Pathé. «Dans ce même village, poursuit l’Imam, il y avait aussi une mare infestée de crocodiles qui mangeaient toute personne ou animal qui osait s’y aventurer. Quand on en a parlé à Serigne Mansour, il a répondu que cette histoire ne tenait pas debout.

Il demande à Serigne Moustapha Sy Djamil (fils aîné de Serigne Babacar Sy), dont il avait en charge l’éducation religieuse, de plonger dans la mare. Dans la foule venue assister à cette première, des voix l’accusent de vouloir sacrifier le fils de son grand-frère. ‘’Il  l’envoie à la mort parce que ce n’est pas son fils biologique’’, susurrait-on. Mais ayant foi à son «papa», Serigne Moustapha Sy Djamil s’exécuta sans hésiter. Une fois dans l’eau, les crocodiles qui l’ont encerclé, se mettent à tournoyer, comme le font les musulmans à La Mecque autour de la Kaaba. Quelques minutes après, Serigne Moustapha Sy Djamil sort de la mare sain et sauf. Après cela, Serigne Mansour fit construire une case dans les champs et y passa la nuit. C’est cette même nuit, qu’il convertit le Djin qui régnait en maître dans la zone à l’Islam et lui donna le wird Tidiane. Quand le village s’est réveillé, les habitants étaient surpris de voir Serigne Mansour toujours vivant, qui leur a dit qu’il était juste guidé par sa foi en Dieu.»

Dans ses écrits, rappelle Imam Bâ, Serigne Moustapha Sy Djamil, l’aîné des petits-fils de Maodo, raconte qu’à Diacksao, Mouhamadou Mansour Sy vivait dans une case des plus sommaires : sans toiture ni plancher digne du nom, sous le soleil et la pluie. Tard dans la soirée, on entendait sa voix déchirer la nuit par la mémoration des noms de Dieu ou serinant ces vers : «Yâ rijâla lâhi hâbû / laysa siwal lâhi rabbu/ lan tanâlal birra hatta tunfiqû mim mâ tuhibbû.» «Il a pu mener cette vie, explique-t-on, parce que formé très tôt, par un père qui ne l’a pas couvé et gâté, mais qui l’a entraîné plutôt à supporter, sans broncher, le goût âcre de la voie des hommes de Dieu. Une voie d’endurance.» Imam Sarr : «C’était un homme de savoir et de vertu, un grand pédagogue qui forma de nombreux hommes de Dieu, dont Serigne Moustapha Djamil qui disait : ‘’Nombre d’hommes de Dieu qui ont emprunté ce trajet, finirent par l’abandonner, à l’exception de mon distingué maître qui le réussit sans précédent’’.»

La passation de service avec son jeune frère Dabakh

A l’image de Maodo, Serigne Mouhamadou Mansour était un guide religieux doté d’une moralité légendaire. Sa préoccupation première était de revivifier les valeurs patriarcales, comme il aimait à le dire : «Il n’y a dans ce monde que la vertu, le savoir et la vérité qui soient dignes de m’occuper.» L’homme serait même le Pygmalion de «Dabakh». «Si Dabakh était apprécié de tous, c’est parce que son grand frère, Mansour, lui a tracé une feuille de route, avant de rejoindre les cieux. Il lui disait : ‘’Ne traites jamais de manière distinguée ceux qui viennent vers toi selon qu’ils soient riches ou pauvres, bons ou méchants. Renseignes-toi au préalable, de manière rigoureuse, avant de poser des actes qui pourront porter préjudice à la plus petite entité sous ta responsabilité. Ne te laisses point emporter par l’applaudimètre qui voit en toi une personne différente du commun des mortels, car la meilleure des créatures était très humble’’», rappelle Imam Bâ.

Le conteur de la famille Sy de poursuivre : «Un jour, Lamine Gueye est venu le voir, il était en train de discuter avec un des talibés de son Daara, un de ses chambellans est venu lui dire, à trois reprises, qu’il avait un hôte de marque, il a demandé au Président Lamine Gueye de patienter, le temps qu’il termine sa discussion. Par cet acte, il voulait montrer qu’il faut traiter les gens de la même manière, peu importe qu’ils soient riches ou pauvres.»  Mouhamadou Mansour sy est ainsi un baromètre pour sonder le charme et tout le mérite de la famille de Seydil Hadji Malick. Serigne Babacar Sy qui l’avait surnommé Inspecteur de la Tijaniya, affirmait qu’il a l’honneur et la fierté de compter dans ses rangs, un frère que tout érudit de son époque aurait souhaité avoir dans les siens. Son frère et fidèle disciple, El Hadji Abdou Aziz Sy, dans un poème qu’il lui consacra, disait : «Inî halabtu bi rabbil bayti wa tûri /Wa mâ ra’aytu fatan fî nâ ka Mansûri» (Je jure par le Maître des Lieux saints que je n’ai jamais vu personne parmi nous comme Mansour).»

L’hommage à Maodo, le Cheikh qui guide vers la réussite et l’excellence

L’homme apprenait à ses disciples la modestie et l’endurance. «Il avait pour habitude de demander à son seul fils, Serigne Babacar Sy Mansour (actuel Khalife général des Tidianes), de balayer les rues de Tivaouane, tout çà pour le forcer à être une personne humble. Il avait aussi pour habitude de demander aux talibés de son daara d’aller chercher du bois mort en grande quantité. Et quand les talibés revenaient, il suffisait qu’il entende le bruit du bois pour savoir si des talibés l’avaient acheté ou s’ils étaient vraiment allés dans la brousse. Son école était le relais de celle de son père.»

Marié à quatre épouses, Sokhna Ndèye Thiaba, Sokhna Aminata Seck, Sokhna Alimatou Sy, Sokhna Mame Khady Kébé, Mansour Sy eut seulement deux enfants, Sokhna Fatou Sy Mansour, première épouse de son homonyme, Serigne Mansour Borom Daradji et Serigne Mbaye Sy Mansour, homonyme de son grand-frère, Serigne Babacar Sy, qu’il succède au Khilafat, le 25 mars 1957. L’homme n’aura vécu que quatre jours comme Khalife de Maodo, alors que Tivaouane n’avait pas encore fini de pleurer Serigne Babacar Sy. «Il décède à Tivaouane, le 29 mars 1957, un vendredi. Alors que les gens s’apprêtaient à faire la Khadara, ils ont été prévenus de la disparition de Serigne Mansour. Qui repose aujourd’hui à côté de son père, comme il l’avait prédit. Preuve que la complicité entre Maodo et Mansour s’est poursuivie jusque dans l’Au-delà.

D’ailleurs, avant de le rejoindre, Mansour, très reconnaissant à l’endroit de Maodo, lui a rendu un vibrant hommage. Un poème intitulé «Fardun alal-Ibni Shukrul wâlidayni». Où il décrit son père comme la chance de tout aspirant à la réalisation spirituelle (Yâ sa’d al-murîdi) : «C’est le Cheikh qui guide vers la réussite et l’Ihsân (l’excellence spirituelle), avec une rare générosité. Ce guide qui, de la plus humble et discrète manière, façonne son disciple jusqu’à lui conférer une forme de distinction l’élevant parmi ses semblables (Aslahta hâlî sirran lastu muhtafilan).» Sacré Mansour !

Auteur : L'Observateur
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