Ndèye Seck, la dernière «Signature»

lundi 18 mai 2020 • 765 lectures • 1 commentaires

Société 3 ans Taille

Ndèye Seck, la dernière «Signature»

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IGFM - L’artiste chanteuse thiessoise, clouée au lit par une maladie, est décédée dans la soirée du samedi au dimanche à l’hôpital Saint Jean de Dieu de Thiès. La vie de cette grande dame a été marquée par son titre fétiche «Signaturoooo». Mais bien d’autres hauts faits d’armes retentissants ont marqué sa vie.

«Signaturoooo !» La voix était accolée à ce titre fétiche. Ndèye Seck se mélangeait avec «Signature». «Signature» se confondait avec elle. La voix de Ndèye Seck ne signera plus. Le décret divin est passé par là hier. Longtemps, elle a trainé une maladie. Longtemps avec «bravoure», elle a vécu les affres d’une santé précaire sans en parler. Avec une bluffante dignité, un silence et une bravoure sans pareil. Ce jour-là, elle avait reçu dans son sobre domicile au quartier Fayu1 (Thiès), l’artiste chanteuse, délestée de quelques kilos, faisait bonne figure, affichant une mine des grands jours.

Pourtant, elle revenait d’un long séjour des Etats-Unis pour des soins en raison d’une santé fragile. De sa voix fluette et d’une gestuelle de grande dame, elle avait évoqué cet épisode. «C’est vrai que, j’étais longtemps absente du Sénégal, car j’étais partie aux Etats-Unis pour y subir des soins. Mais Dieu merci ! Tout s’est bien passé. Après mes soins, j’en ai profité pour donner du plaisir à mes fans et aux Sénégalais à l’occasion de quelques prestations que j’ai faites là-bas. J’ai également profité de ce voyage pour approfondir mes recherches musicales.»

Ndèye Seck «Signature» gardait tout pour elle. Jusqu’à présent, elle n’a pas voulu révéler le mal dont elle souffrait. Une pudeur et une réserve qui ont toujours détonné dans son cercle restreint. Elle avait convoqué la fatalité pour freiner nos questionnements sur le mal dont elle souffrait. «Rendons grâce à Dieu. A notre âge, il nous arrive de tomber malade. Maintenant, je me sens très bien. J’ai subi des traitements pas très onéreux aux Etats-Unis où je compte beaucoup d’amis et de parents», avait-elle dit sans trop en rajouter. Sans trop forcer le trait. Dans une autre vie, Ndèye Seck aurait été religieuse, ça n’allait pas étonner ses proches. Tant dans son comportement et dans ses actes, elle sait manier les bonnes manières et les nobles valeurs.

«Je me suis mariée à 13 ans... »

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Dans cet entretien qu’elle nous avait accordé, elle en avait gros dans le cœur contre les autorités politiques thiessoises, mais la dame est incapable de dire du mal d’autrui. Ce n’est pas le genre de la maison. Elle préfère enrober ses critiques d’un voile d’indulgence qui finit par tout embellir. Ndèye Seck «Signature» avait Thiès dans son ADN. Elle aimait la ville d’un amour qui arrache les larmes pour dévaliser l’autre. Cela va étonner plus d’un, puisqu’elle n’est pas née et n’a pas grandi à Thiès. Elle raconte : «J’ai grandi à la rue 65 X 54 à la Gueule-Tapée (quartier populaire de Dakar) chez ma grand-mère maternelle Mbayang Fall qui était mariée à un artiste du nom de Galo Mbaye. C’était une grande voix de notoriété nationale, car c’est lui qui chantait le célèbre homme politique sénégalais Lamine Coura Guèye. A l’époque, tous les grands griots, à l’image de Badara Mbaye Kaba, se retrouvaient chez nous, y compris El Hadj Mansour Mbaye (président de l’Association des communicateurs traditionnels, ndlr). Ces griots y passaient des soirées à chanter. J’avais 9 ans à l’époque. C’est dans cette ambiance que j’ai grandi.»

Elle n’aura pas le temps d’atteindre la majorité. Ni de goûter aux joies d’une élève studieuse qui veut atteindre les cimes d’une scolarisation réussie. Elle s’arrête à la classe de Ce1, à l’Ecole de la Médina. Une école où Papa Camara, le père de Louis Camara (ancien international sénégalais de football des années 65, ndlr), était le directeur d’école. Puis à l’âge de 13 ans, on donne sa main à un commerçant affecté à Thiès. Elle dit : «C’est mon époux qui est de Thiès. A l’époque, quand je venais à Thiès, j’étais très jeune, car je me suis mariée à 13 ans. Mon mari était commerçant dans une société française de commerce et il a été affecté à Thiès. C’est comme ça que je suis venue dans cette ville, même si ce n’est pas loin de chez moi, car mes parents sont de Tivaouane.»

Dans ce ménage, Ndèye Seck, frimousse épanouie, coule des jours heureux et frétille de bonheur. Elle allie à merveille vie familiale et les scènes. Sans perdre la face ni le sens de la boussole qui guide ses actions. «J’ai essayé d’allier ma fonction de chanteuse à celle de femme au foyer. Je m’accompagnais d’une grande diva de Thiès qui s’appelait Nogoye Diéry Seck. Elle était connue de tout Thiès. Elle a longtemps accompagné le Président Léopold Sédar Senghor dans ses déplacements comme maire de Thiès et président de la République. On était très sollicité, car on se produisait dans toutes les grandes rencontres politiques.»

Elle se fait la voix, prend confiance en elle, gagne en assurance et le timbre de sa voix se bonifie au gré́ de ses pérégrinations. Jusqu’à ce qu’un jour, elle trouve l’ingénieuse inspiration de chanter «Signature» à travers une grande dame, Amy Balla Tall, à l’époque tenancière d’un restaurant couru. La scène est figée dans le temps, elle raconte : «C’est une de mes amies, sœur et confidente Adjiaratou Ndickou Mbaye de Kaolack qui m’a présentée à Amy Balla Tall. Ndickou était venue ici à Thiès et nous nous sommes liées d’amitié. Un jour, elle m’a invitée à nous rendre chez Amy Balla Tall qui avait un grand restaurant au camp Tropical (un camp du Groupement mobile d’intervention -Gmi-). A peine arrivée sur le pas de la porte, la chanson ‘’Signature’’ m’est venue en tête et je l’ai entonnée devant une assistance médusée. A l’époque, j’avais environ une vingtaine d’années.»

Cette chanson va changer considérablement sa vie. Amy Balla Tall comblée la couve de présents et leur amitié sans cesse scellée par un respect mutuel, une reconnaissance. «Amy Balla Tall m’a donné beaucoup d’argent et d’autres biens. Par exemple, il fut un moment à Thiès, ce sont les lits en nickel qui étaient à la mode, elle m’en a offert un. Ce qui explique mon attachement à Amy Balla Tall n’est rien d’autre que de la reconnaissance. On dit que celui qui n’est pas reconnaissant n’est pas humainement fréquentable. Et puis, voilà une dame d’une grande générosité qui m’a couverte de cadeaux en m’achetant des bijoux en or, des «montres dollars», elle m’a donné aussi beaucoup d’argent», souriait-elle reconnaissante.

Amy Balla Tall, aujourd’hui décédée et Ndèye Seck «Signature» vont se retrouver sûrement au Paradis pour refaire le tube à succès qui a escorté leur vie remplie. Elles étaient d’une complicité que rien ne pouvait entamer. On a l’impression que Ndèye Seck a passé sa vie à chanter Amy Balla Tall. Ce n’est qu’une impression. Puisqu’elle a chanté par exemple Diobé Diop qui vit à New York, c’est la fille de Cheikh Sadibou Diop de Guéoul (Localité du nord-ouest du Sénégal, située entre Kébémer et Louga, Ndlr), elle et Sokhna Mama Mbacké ont la même mère. Mais Ndèye Seck le reconnaissait sans chichis aucun. «Signature de Amy Balla Tall, c’est spécial. C’est une chanson éternelle, car ce qui me lie à cette personne est plus important que tout.»

«Je suis allée à La Mecque à vingt-cinq reprises»

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A l’heure de remonter le fil de sa vie. Alors qu’elle quitte ce monde pour toujours. L’on ressasse les souvenirs des bonheurs légers, des joies feintes, des moments de tristesse qui ont coûté une larme écrasée, des mauvais coups du sort qui s’acharnent sans cesse sur l’humain. Ndèye Seck «Signature» préfère retenir une instantanéité de sa vie à jamais gravée dans sa tête. «Le souvenir qui va rester à jamais graver dans ma mémoire, c’est le jour où l’on m’a appelée pour me donner un billet pour le pèlerinage à La Mecque. La personne est venue jusque chez moi. Elle m’a dit : «Que préférez-vous, que je vous donne une maison ou un billet pour le pèlerinage à La Mecque ?» Je lui ai dit que je préférais un billet pour La Mecque. Parce que si je me rends à La Mecque, je vais prier pour avoir des maisons par la grâce du Prophète Mouhamed (Psl). Et comme je vous ai dit tantôt, des maisons, j’en possède. Donc, j’ai vu la matérialité de mes prières. Si j’avais opté pour la maison, je ne serais pas allée à La Mecque. Je lui ai dit : «Donnez-moi le billet pour La Mecque, si j’y arrive, je vais prier pour avoir une maison.» Heureusement, Dieu a exaucé mes prières. Je suis allée à La Mecque à vingt-cinq reprises. ‘’Tabarfakallah’’ ! Tous les passeports sont avec moi.»

«Pourquoi j’ai refusé d’intégrer Daniel Sorano»


Dans sa vie remplie de bonheur, une tache noire comme un souvenir douloureux auquel cette dame inoffensive aurait aimé s’en passer, c’est son divorce après 20 ans de mariage avec son premier mari. «C’est mon pire souvenir», chuchote-t-elle. Alors pour élever ses enfants, leur inculquer les bonnes valeurs et veiller à leurs études, elle met une croix à son entrée à Daniel Sorano, à l’époque le rendez-vous de toutes les cantatrices du pays qui multipliaient les voyages à l’étranger et les honneurs des galas. «A l’époque où Jean Collin était ministre de l’Intérieur. Son épouse Marianne m’avait mise en rapport avec le directeur de Sorano pour que j’intègre l’ensemble lyrique traditionnel. Mais c’est mon fils qui m’en a dissuadée. Alors que je devais aller à Dakar pour tout finaliser et signer mon contrat. Un de mes fils m’a dit : «Maman, comment tu peux avoir des enfants, les laisser ici à Thieès pour aller travailler à Dakar chaque jour et ne rentrer que le soir ?» Comme il était brillant dans les études et mesurant la portée de ses paroles, j’ai renoncé à intégrer Sorano. Ensuite, je suis allée dire à Mme Collin que je renonçais, parce que mes enfants m’ont convaincue de ne pas les abandonner ici et d’aller à Dakar pour ne revenir que très tardivement. Je ne regrette pas d’avoir fait ce bon choix.»

Ndèye Seck ne l’a pas toujours dit. Elle a aimé profondément le prophète de l’Islam, elle a aimé toutes les chansons dédiées au Prophète Mouhamed (PSL), mais sa préférence va pour le morceau «Naby» de Amy Collé qu’elle a vue grandir... comme un passage de témoin. Pour cette cantatrice qui a surpris dernièrement son monde en disant porter le nom de son grand-père «Mamadou Mamour Seck». Une vie double dans une vie...

MOR TALLA GAYE

Les derniers instants de la diva


Comme sa chanson fétiche «Signature» dédiée à son amie Amy Balla Tall, Ndèye Seck, artiste- compositrice, a signé son nom dans les registres indélébiles de l’histoire culturelle du Sénégal. Elle est décédée, avant-hier, suite à une très longue maladie liée au diabète. Puisque son état de santé s’était empiré depuis quelques jours, elle a été conduite à l’hôpital Saint Jean de Dieu par sa fille Fatou Mbaye. Elle va y tirer sa révérence, ce samedi, dans la dignité. A l’annonce de la triste nouvelle, ses amis et proches parents ont pris d’assaut, hier, le domicile mortuaire au quartier Fahu 1. Ndèye Seck a passé les derniers moments de sa vie sur terre avec sa fille Fatou Mbaye. «Elle savait qu’elle allait partir. Mais elle est restée digne et sereine. Elle m’a fait beaucoup de confidences», renseigne-t-elle. La cantatrice souffrait de diabète. Et elle se rendait, chaque année, aux Usa auprès de ses enfants pour des soins médicaux. Elle est récemment revenue au Sénégal à la vieille de la déclaration de l’état d’urgence en mars dernier. Fatou Mbaye note que sa mère était une femme sociable et ouverte. «Elle était très généreuse. Quand elle est revenue des Usa, elle a distribué des cadeaux aux voisins», confie-t-elle. Fatou Mbaye révèle que sa mère n’a pas souffert pendant les derniers instants de sa vie sur terre. «Même sur son lit d’hôpital, elle continuait à discuter avec moi et à me donner des conseils. Elle a quitté ce bas monde sans trop souffrir à l’hôpital Saint Jean de Dieu. Elle a recommandé à ses enfants d’être unis et solidaires.

D’ailleurs, cela a toujours été ses propos. C’est une mère qui a œuvré pour que ses enfants soient soudés», souligne-t-elle. Fatou Mbaye souffle que sa défunte mère entretenait d’excellentes relations avec les artistes, notamment Khar Mbaye Madiaga et Madiodio Nging qui venaient la voir chez elle. Mbaye Guèye Niang, percussionniste de la défunte, renseigne avoir voyagé un peu partout pour des séries de spectacles avec l’artiste- compositrice. «J’étais son tambour major. J’ai battu les percussions pour elle dans toutes ses chansons. Quand le Parti socialiste (Ps) organisait des manifestations politiques, c’est Ndèye Seck qui était à l’animation. Et j’étais toujours derrière elle pour battre le tam-tam. La Culture a perdu un monument», confie-t-il.

Inhumée à Tivaouane


Les habitants de son quartier sont unanimes sur son sens du partage et de la solidarité. «Elle m’a soutenu. C’est pourquoi d’ailleurs, je lui ai donné le nom d’une de mes filles», confie le percussionniste. Les responsables du Ps sont venus aussi rendre hommage à Ndèye Seck «Signature». Pape Amadou Sall, secrétaire administratif de l’Union régionale du Ps, dira que Ndèye Seck «Signature» était une vaillante militante du Parti de Senghor. «Elle était très amie au couple Collin. Jean Collin aimait beaucoup le couscous. C’est Ndèye Seck «Signature» qui le préparait pour Mariane Collin. Elle avait des relations exceptionnelles avec plusieurs responsables du Parti socialiste», témoigne-t-il. Ndèye Seck «Signature» a été inhumée, hier, selon ses dernières volontés, au cimetière «Khalkhouss» de Tivaouane.

OUSSEYNOU MASSERIGNE GUEYE

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Publié par

Daouda Mine

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