Rapport Cnra : Babacar Touré, le discours d’adieu à Macky  

jeudi 16 août 2018 • 708 lectures • 1 commentaires

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Rapport Cnra : Babacar Touré, le discours d’adieu à Macky  

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IGFM - L’émotion l’a étreint, mais Babacar Touré, le Président du Conseil national de Régulation de l’Audiovisuel a tenté de faire bonne figure à l’heure de prononcer son dernier discours à la tête du Cnra.  Accompagné pour la dernière fois, par une délégation du Conseil national de Régulation de l’Audiovisuel, le Président Babacar a remis entre les mains du Président de la République les rapports annuels de 2016 et 2017 portant sur l’activité de cette Institution. Un moment empreint de solennité et de respect.

«Ce rapport sur notre paysage médiatique audiovisuel est un dernier  regard porté au terme d’un mandat de six années sur un corps vivant. Ce corps existe par sa réalité matérielle et par son inspiration qu’il distille, épanche et vaporise dans la société. Dans le monde moderne, les corps vivants sont soumis à monitoring de leurs rythmes divers : pulsations cardiaques, activité neuronale, force musculaire… Tout pour mesurer la santé et la vitalité du corps. C’est à peine différent aujourd’hui pour la métaphore du corps médiatique.

Les enjeux de vitalité du corps médiatique et donc de régulation, sont aujourd’hui la réalité des missions d’informer, d’éduquer et de divertir. Sous le prisme de la régulation, l’offre médiatique doit obéir au pluralisme,  garantir la diversité et la qualité des contenus et genres disponibles à la consommation, assurer la protection du jeune public, l’éducation aux médias, favoriser l’émergence d’une industrie de l’audiovisuel viable, le comportement averti et responsable des usagers. Autant de défis du temps présent.

Face à ces enjeux et défis multiples, l’Assemblée du Conseil national de Régulation de l’Audiovisuel a élaboré une doctrine au cours des cinq dernières années. Nous avons produit un corpus de pensée dans le mode recherche-action et dans un esprit de pédagogie et d’émulation Cela s’est exécuté dans la quête du concept contemporain de co-régulation, dans l’esprit moderne de gouvernance, c’est-à-dire fondé sur une pensée rationnelle, une approche scientifique et un rapport démocrate aux protagonistes. Ces deux mamelles ont nourri la doctrine de la régulation en élaboration et trouvé corps dans le système de monitoring tel que nous avons voulu le pratiquer.

Le périmètre de sens que le CNRA a tracé pour la machinerie de monitoring est essentiellement celui de l’expression objective du pluralisme. Qu’il s’agisse de l’information, des programmes destinés à la jeunesse, de la représentation de la diversité ethnique, culturelle et linguistique, de la diversité politique, de la présence des femmes, le pluralisme est la clé.

Ainsi, d’une part, la démocratisation de la communication et la forte dynamique foisonnement des médias qui s’en est suivi ne peuvent faire fi, plus longtemps, de la nécessité de professionnalisation. Il s’agit de sérieux et d’engagement dans la profession, de la responsabilité des éditeurs, des rédactions et des diffuseurs.

Il s’agit du contexte et de l’interpellation du numérique aux gouvernants, de la responsabilité d’anticiper.

Il s’agit de l’évolution et de l’engagement du régulateur pour « le monitoring du pluralisme politique, de la communication institutionnelle, du pluralisme social avec une attention particulière prêtée aux minorités et aux relations interethniques et interreligieuses, du monitoring des discours de haine et d’autres propos incendiaires, du monitoring de la représentation des femmes et des questions de genre, du monitoring des standards journalistiques, du monitoring de la représentation des mineurs et ultimement du monitoring de l’agenda des médias » comme proposent les nouveaux modules de formation à la régulation audiovisuelle ailleurs dans le monde.

En effet, la participation professionnelle de tous ces acteurs mus par cette vision requiert désormais une  base cognitive et, à terme, une certification de la capacité à contextualiser, approfondir les cadres juridiques nationaux et internationaux  relatifs au sujet.

D’autre part, s’imposent la nécessité et l’urgence de mettre la société et l’usager au cœur de l’activité, lui donner plus de pouvoir de critique et de décision.

Les chercheurs réunis par la conférence du Réseau des Instances Africaines de Régulation de la Communication (RIARC), à Rabat au Maroc en novembre 2017, autour du thème de l’éducation aux médias et à l’information, ont partagé des résultats mis en évidence plus spécifiquement dans les pays du Nord mais qui s’observent de manière similaire dans les pays d’Afrique. Il s’agit des menaces, de zones d’ombre qui pèsent sur la citoyenneté, sur la participation, sur la créativité et donc sur la justice sociale, du besoin de protection de l’enfance, du besoin urgent d’éducation au risque lié aux contenus.

Plus rassurant, Monsieur le Président de la République, il est aussi apparu que la société civile a été, à ce jour,   porteuse de solutions et de formation, sur le sujet. Elle affiche donc une compétence réelle qui reste à être mise à contribution. Ils ont souligné le caractère paradoxal des situations dans le sens où ces réponses efficaces et de bonne valeur sont très locales et contextuelles alors même que le diagnostic montre un problème universel. D’où le besoin d’analyser dans une approche globale, les réponses apportées, certes de qualité dans chaque contexte, souvent très localisé, afin de pouvoir en extraire des pistes de gouvernance à échelle nationale et même régionale.

Dans les espaces d’échanges que sont les conférences, les observateurs de divers pays décrivent des expériences liées au taux de pénétration de l’Internet. La plupart font la distinction entre les enjeux liés à la télévision et les enjeux liés à l’Internet. Il ressort que la pierre angulaire de toute stratégie repose sur la volonté de changement et la bienveillance, la dimension multi acteurs, le partage de la maitrise du sujet, la réalité de la convergence inhérente au numérique, la place mal appréciée de la radio, l’existence de sujets communs (numérique, climat, parentalité, intergénérationnel…), le partage des expériences, le développement d’approches et de curricula qui remettent « l’acquisition et le développement de la pensée critique » au début et au cœur de toute éducation aux médias.

« Les rivaux se surveillent souvent, au point de ne plus se surveiller eux-mêmes »

La réalisation d’une stratégie demande une concertation et une coopération entre les diverses parties prenantes : opérateurs médias et télécommunication, institutions de gouvernance, Education nationale, famille, etc. Une telle stratégie demande des données objectives, modèles statistiques, fondés sur un monitoring professionnalisé et orienté vers une bienveillance agissante donc objective.

Face au corps vivant, turbulent et en croissance des médias, de la déferlante de contenus dans le contexte de la mondialisation, toute stratégie qui prétendra à l’efficacité devra se bâtir sur la claire conscience des limites et freins existants à l’adoption d’une démarche prospective concertée et efficace. Il s’agit essentiellement de l’affrontement entre deux logiques de protection : la logique défensive, de fermeture aux influences extérieures non maitrisées et la logique offensive de production et diffusion de contenus locaux de qualité. Ainsi la fameuse règle de 60% de contenus locaux et 40% de contenus importés devraient pouvoir s’appliquer et se refléter dans des guides des programmes.

Il faut également tenir compte de la nouveauté du champ et donc de la pluralité de doctrines. Ainsi, la réflexion conduite par le CNRA pour une nouvelle doctrine de la régulation nous semble appropriée pour diverses raisons :

  1. Le fil conducteur du travail des cinq dernières années montre que la philosophie de régulation par la pédagogie que nous avons impulsée et imprimée a donné des débuts de résultats que le monitoring a permis de documenter,

  2. Le CNRA et ses diverses entités partenaires et prestataires se sont prêtés à l'exercice en travaillant la réflexion sur divers dossiers de régulation, théorique et également appliquée à la réalité de la pratique dans le secteur (protection du jeune public, passage au numérique, qualité dans la création des sketches, etc.),

  3. Des espaces de communication avec les acteurs du secteur ont été aménagés qui ont produit de la réflexion et des repères sur la réalité,

  4. Les thèmes des cinq dernières années montrent une montée logique et en puissance vers cette nouvelle étape.


 

  1. 2012 : la transition avec l'administration précédente, la continuité de l'action de l'Etat – Profession du credo prioritaire de la nouvelle équipe : la protection du jeune public

  2. b.      2013 : la réflexion et la mise en place d'outils méthodologiques –Groupes de travail ; sondages ; monitoring ; sujets de monitoring (pluralisme ; économie des télévisions ; co-régulation)

  3. 2014 : le démarrage des grands chantiers – Enjeux divers de régulation - Défi du passage au numérique

  4. 2015 : le défi et la bataille du contenu.


Les conditions nécessaires sont réunies pour aborder l'enjeu et le thème du monitoring.

Le monitoring de l’audiovisuel s’est donné pour objectif de prendre la mesure du niveau d’attachement des médias aux règles professionnelles et déontologiques. Dans les pays démocratiques, le monitoring des médias a pour but de fournir aux professionnels du secteur et aux décideurs des outils et des instruments objectifs pour identifier les tendances en matière de couverture des évènements.

Le monitoring vise aussi à assurer les conditions propices à l’exercice de la profession journalistique, dans le cadre de la transparence et de la responsabilité.

Le travail du monitoring, tout au long de notre mission, a été fait de manière à offrir une base pour évaluer le fonctionnement, le rendement et le comportement des médias et élaborer les Avis trimestriels du CNRA. Les opérations de monitoring ont pris davantage d’importance pendant les périodes électorales, comptetenudurôledéterminantdesmédiasetdeleurinfluencesurlevotedes électeurs.

Notons que les initiatives de monitoring des médias sont diverses. Certaines relèvent de l’instance de régulation, d’autres de projets universitaires ou encore de la société civile.

Même si les rubriques de critique medias qui se forgent sont des embryons souvent valables d’initiatives privées de monitoring des programmes diffusés par les médias audiovisuels du Sénégal, la fonction reste, à ce jour, essentiellement assurée par l’Etat, d’autant que les conclusions de ces observations issues du privé n’atteignent que très peu les usagers et l’opinion publique.

Pourtant, ces études ou observations quotidiennes devraient  permettre aux médias d’améliorer leur rendement, leur impact sociétal et leurs méthodes de travail.

Cette activité multiple de monitoring nous dote, depuis quelques années, des éléments encore épars d’une doctrine et d’un système potentiellement performant qui ne demande qu’à être consolidé. Les sujets sur lesquels elles interpellent, au-delà de la surveillance quotidienne, dans sa capacité à fournir des données pour des analyses et de la prospective sont :

  1. La régulation aujourd’hui : existence juridique et institutionnelle, expérience, moyens, réflexion prospective ;


L’auto-régulation à travers les organisations professionnelles ou tout simplement les bonnes pratiques au sein des rédactions : existence socio-professionnelle formelle, expérience, initiatives, statut juridique et institutionnel, réflexion ;

La co-régulation entamée entre le CNRA et les organisations professionnelles : initiatives et réflexion ;

Les bases philosophiques et culturelles : garanties constitutionnelles et culture citoyenne du Droit à l'Information, Droit à la Communication, attachement à la liberté d'expression ;

Les bases légales et le cadre institutionnel ;

Le recul qui permet l’analyse après 20 ans de régulation par l'Etat (l’expérience depuis le HCRT), 10 ans d'auto-régulation par le secteur.

Des questions ont émergé : la réflexion et l’attention doivent-elles porter sur l'industrie matérielle, opérationnelle des médias ou sur l’offre de contenus ? Sur l'information et le journalisme ? Ou plus urgemment sur les valeurs et principes tels que l’accès aux moyens de communication et la régulation du marché de l’audiovisuel devenu tributaire du poids de l’histoire et d’habitudes de gouvernance du secteur qui ont permis à des monopoles naturels  et moins naturels de s’installer souvent en défiance des normes professionnelles, l’équité, la dignité due à tous ceux qui sont représentés, la protection des plus vulnérables, la transmission des valeurs et du patrimoine, les intérêts des parties et l’intérêt général.

Enfin, parce qu’il n’est ni possible ni souhaitable de dissocier contenu et contenant, le dynamisme du secteur doivent être appréciés conjointement. Dès lors, à la régulation de la communication doit s’associer la régulation de la création de contenu, c'est-à-dire la régulation culturelle. Dans certains pays, celle-ci est laissée au marché. Dans d’autres contextes, l’Etat continue de défendre le fait essentiel que la culture et l’audiovisuel ne sont pas des objets neutres à livrer au tout marché. Ces biens communs très particuliers, produits et échangés tant à partir d’initiatives privées que par l’usufruit du patrimoine commun doivent être régulés au nom et au bénéfice ultime de la société et de chacun dans le respect de son droit d’accès à l’information, à la création, à la diversité et l’innocuité culturelle.

La régulation doit servir à la promotion d’un véritable courant de responsabilité sociétale, à ouvrir de nouveaux champs d’investigations et de réflexions, objectifs mais aussi critiques et constructifs.

L’éducation aux médias et l’éducation par les médias,  dans une véritable école du regard et de l’adhésion, prônée par le Conseil national de Régulation de l’Audiovisuel sont des perspectives saines,  pour apprendre aux  populations à adopter une distance critique vis-à-vis des informations délivrées par les médias, à consolider leurs capacités d’analyse et à renforcer leur engagement citoyen. Un dernier mot sur la pratique du journalisme, le leitmotiv doit être de toujours rester attaché aux principes éthiques et déontologiques, qui gouvernent l’exercice du métier de journaliste, et de faire preuve de rigueur et de professionnalisme dans la vérification, le traitement et la diffusion de l’information.

Au demeurant, quand la force de l’argument et des idées déserte la raison, il y a à craindre qu’à force d’imposer la raison du plus fort, c’est-à-dire dans notre contexte, du plus médiatiquement hégémonique, on ne s’abîme dans la raison du plus fou. Or, il n’y a pas de fatalité, mais plutôt des responsabilités désertées.

« Avoir foi en une intelligence divine inspire une certaine tranquillité. Mais elle ne nous libère pas de nos responsabilités humaines » Woody Allen, cinéaste américain.

Puisque nous sommes toujours au chapitre de la raison et de la responsabilité, je souhaiterais dire à l’endroit des différents acteurs de la société qu’il nous faut ériger des garde-fous afin de promouvoir notre « vivre ensemble » dans le respect de la diversité, du pluralisme qui sont le ferment de l’unité.

Mais ne dit-on pas que les garde-fous ne sont mieux gardés que par les fous eux-mêmes ?

Pour accompagner les Rapports de 2016 et 2017 je souhaiterais, Excellence, vous remettre l’étude intitulée La couverture médiatique des élections législatives du 30 juillet 2017, réalisée par le CNRA, les recommandations du séminaire sur la publicité.»

 

 
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Publié par

Daouda Mine

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